23/06/2015
Rencontre avec Vincent Digonnet, Chief Growth and Transformation Officer International de Razorfish
Vincent Digonnet sera le 2 juillet 2015 un des keynote speakers de la 10ème Nuit du Marketing de l’Adetem ; j’ai eu le plaisir de le rencontrer il y a quelques jours pour préparer cette soirée (les inscriptions, c’est ici).
MarketingIsDead : Vincent, tu es aujourd’hui « Chief Growth and Transformation Officer International » de Razorfish, en transit entre Shanghai et Londres : qu’est-ce qui motive un tel parcours aux 4 coins de la planète ?
Vincent Digonnet : Au départ, une volonté de connaître le monde, de découvrir de nouvelles cultures, de parler d’autre langues. C’était le début des années 80, et l’avènement de la notion de « village global ». La publicité était un métier de seigneur, garant de la démocratie et unifiant les peuples par delà les frontières. La magie de Coca Cola opérait a plein. Je voulais être au cœur de la machine et acteur. D’où mon départ pour Londres, très vite, en 1984, parce que c’était la Mecque de ce monde en marche.
Et puis au milieu des années 90, ce modèle a commencé a s’essouffler en Europe, et en parallèle l’Asie a pointé son nez comme relais possible de croissance pour les entreprises, et j’ai décidé de partir pour Singapour, pour rester au cœur de la machine. A noter que ces entreprises ont toujours surévalué la capacité de l’Asie, et en particulier de la Chine, à compenser le ralentissement de l’Europe a court terme, attribuant a ces marchés émergents des objectifs impossibles, générant par conséquent une impression d’échec alors que c’était simplement leur rapport au temps qui ne fonctionnait pas.
Mais la vraie révolution, celle qui n’a pas encore été intégrée par les entreprises occidentales, c’est la révolution digitale. Elle a permis à la Chine de sauter toutes les étapes et de passer en 10 ans d’un pays émergeant à la seconde et bientôt la première puissance économique du monde, avec déjà 3 entreprises globales dans les 10 plus grosses capitalisations boursières dans l’internet (Alibaba, Tencent, JD.com).
Toujours pour être au cœur de l’action, j’ai décidé en 2005 de quitter le monde de la publicité pour embrasser l’économie numérique naissante, et de quitter Singapour pour Shanghai, conscient que ce bouleversement technologique serait le déclencheur de l’émergence chinoise. Aujourd’hui, mon retour à Londres n’est pas motivé par cette volonté qui m’a toujours animée d’être au cœur de l’action, car le cœur de l’action est toujours a Shanghai. Il est motivé par ce besoin urgent qu’a l’Europe de se transformer fondamentalement si elle veut rester dans la course. Et ce qui vaut pour nos clients vaut pour nous aussi en tant que « business transformers ». Mon rôle devient un peu celui du missionnaire qui vient prêcher en Europe a bonne parole qui vient d’Asie, d’initier et d’accompagner la transformation de nos opérations pour rester leaders dans la transformation numérique.
MarketingIsDead : Beaucoup de Français conservent aujourd’hui de la Chine la vision très passéiste d’un pays très en retard, pour ne pas dire « arriéré », vision que véhiculent à longueur de temps nos médias nationaux : une image qui ne correspond plus du tout à la réalité de la Chine actuelle ?
Vincent Digonnet : Comme je l’explique plus haut, c’est une vision complètement déformée de la réalité, vision perpétrée par des médias probablement plus soucieux d’idéologie que de véracité. La Chine est en réalité un pays à la fois très en retard et très en avance. Bien sur, elle a un système d’entreprises d’état qui est dépassé dans le domaine bancaire en particulier, et elle a encore une production industrielle fondée sur les coûts de production bas, production par ailleurs de plus en plus délocalisée au Vietnam et au Bangladesh, car contrairement aux idées reçues, le coût du travail en Chine augmente considérablement, les lois sociales se durcissent et la Chine est en train de subir de la part de pays émergents le même sort qu’elle a fait subir a l’Europe.
En parallèle de ce monde « arriéré », il existe le monde des nano-technologies, de la construction en énergie positive, du mobile, des plateformes e-commerces et des réseaux sociaux dans lesquels les Chinois ont une avance considérables. L’an dernier, c’est la Chine qui a déposée le plus de brevet industriels au monde, loin devant les US, et chaque année ce sont des millions d’étudiants qui sortent des grands universités technologiques Chinoises de Wuhan, Chengdu, Xian, etc., universités qui n’ont rien a envier a nos grandes écoles d’ingénieurs. Cessons ce discours d’images d’Épinal, regardons la réalité en face et retroussons nous les manches. Le monde ne nous attend pas.
MarketingIsDead : Les industriels occidentaux du « 2.0 » ont raté leur implantation dans l’Empire du Milieu … et c’est la Chine qui part maintenant à la conquête du « monde 2.0 » et des médias sociaux …
Vincent Digonnet : C’est vrai, et des esprits chagrins avancent comme excuse que le gouvernement Chinois protège ses entreprises, ce qui est très largement faux, et en tout cas ni plus ni moins que le gouvernement français ou Américains avec ce qu’ils considèrent des secteurs stratégiques. eBay avait 80% de part de marché de l’e-commerce Chinois en 2003 avant d’être laminé par Alibaba trois ans plus tard, tout ça parce que eBay a été arrogant, n’a pas étudié le marché Chinois, était persuadé que sa plateforme technologique était supérieure.
Amazon n’a jamais réussi à percer, pas plus que Twitter ou WhatsAapp. La raison principale étant qu’au moment où ils ont voulu pénétrer le marché Chinois, celui-ci avait déjà des fonctions et une expérience supérieure à celles proposées par ces entreprises. Maintenant la tâche va être immense pour les occidentaux, car le poids du marché Chinois à lui seul ne fait qu’augmenter. C’est déjà le premier marché mondial en e-commerce, et bientôt Wechat aura plus d’utilisateurs actifs en Chine que Facebook dans le reste du monde. Dans un monde 2.0 ou l’échelle est un critère de réussite encore plus important qu’à l’époque de l’analogue, c’est un argument de poids. Par ailleurs, nous ne sommes pas dans un monde figé, mais dans un monde en pleine transformation. Ce n’est pas la Chine qui part à la conquête du monde, mais le monde autour de la Chine qui accède à un pouvoir d’achat qui est en train de révolutionner l’équilibre économique du monde. En 2050, 75% des classes moyennes dans le monde seront en Asie et en Afrique. Que vaudra à cette époque la protection d’un pré carré occidentale qui représentera moins de 20% de la richesse mondiale?
MarketingIsDead : Quels conseils donner à une marque française qui souhaiterais s’inspirer des approches chinoises pour réussir sur les médias sociaux et dans le social commerce ?
Vincent Digonnet :
- Tout d’abord, de penser mobile. En occident, le portable est le dernier né des terminaux et une simple extension de l’ordinateur. L’utilisation de la carte de crédit est encore antérieure à ces deux terminaux. En Chine aujourd’hui et dans le monde à venir, le portable sera l’ultime instrument de lecture, de calcul, de recherche, de visionnage de vidéo, d’échange avec ses amis et de paiement.
- Ensuite de penser agile. Dans un monde en transformation permanente et de plus en plus rapide, il ne s’agit pas d’avoir la meilleure technologie, le site le plus beau et la communication la plus travaillée, il s’agit d’être le plus rapide à répondre à un besoin des consommateurs au travers de services utiles. La technologie et le discours ne sont que des instruments au service de la réalisation de ces besoins et pas une fin en soi.
- Enfin de penser utile. A une époque où l’information est omniprésente et où les consommateurs peuvent tout comparer en temps réel sur leur portable, la notion de dépenser de l’argent pour délivrer un message est totalement désuète. Il faut maintenant délivrer une expérience.
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22/06/2015
microDON, vainqueur du Grand Prix Start-up 2014 de l'Adetem
Le 2 juillet 2015, lors de la 10ème Nuit du Marketing, seront remis les Prix de l'Excellence Marketing by Adetem ; rencontre avec le vainqueur Grand Prix Start-up 2014, microDON et son Directeur Général et Cofondateur Olivier Cueille.
MarketingIsDead : Olivier, en deux mots, c’est quoi microDON ?
En deux mots, C'est de la « générosité embarquée ». Ça veux dire que tu mets du don aux associations ou encore du feel good effect dans des actes du quotidien. Par exemple au moment de payer ses achats chez Nature et Découvertes ou à la caisse du Franprix ou bien encore sur son relevé de compte BNP ou son bulletin de salaire on peux donner quelques centimes à une association ... !
MarketingIsDead : Le projet est noble, et je pense que le jury n’y a pas été insensible, mais derrière, quel est le business plan ?
Olivier Cueille : Le plan est simple, faire de L'ARRONDI un réflexe solidaire, maximiser l'impact social, et pour ça les entreprises qui proposent L'ARRONDI payent à microDON des services de backoffice pour la sécurité,transparence et aussi de l'animation et de la mise en lumière. Donc le plan c'est d'ici à 2 ans avoir 2 enseignes d'alimentaire en plus, 10 enseignes spécialisées et une cinquantaine d'employeurs en plus. L'ARRONDI sera sur les écrans de télé en Octobre 2015 et sur de nombreux média.
MarketingIsDead : Tu as participé au jury pour désigner le vainqueur du Grand Prix Startup 2015 de l’Adetem, tu rencontres beaucoup de startups également : quels sont les principaux écueils que doivent éviter les nouveaux arrivants ?
Olivier Cueille : Soigner le support de présentation. Un super site/service doit être mis en valeur par une super présentation. C'est pas toujours le cas. Difficile pour le jury de voir la beauté du fond quand la forme n'est pas là ! mais bon, on a fait l'effort et on a trouvé parmi les candidats ceux qui méritent un coup de projecteur ! RDV pour la remise des trophées.
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15/06/2015
Comment Lidl a été élue meilleure chaîne de magasins 2014 ?
La question, je me la pose de plus en plus légitimement : je m’étais même fendu d’un papier il y a un mois sur ce blog pour dénoncer leurs produits qui tombent en panne … quelques jours après la fin de la garantie !
Après quelques tweets vindicatifs, une certaine isabelle@lidl.fr me demande de lui envoyer un résumé de mes déboires par mail, « afin que nous puissions vous aider », ce que je fais le 20 Mai : en fait, pas vraiment pour m’aider, car depuis la dame est devenue autiste, mais plus certainement pour me sortir de Twitter !
Depuis donc, pas le moindre signe de vie de la part de Lidl, même après avoir envoyé un mail à contactpresse@lidl.fr à l’attention de Nicolas Calo, leur tout nouveau Responsable Communication / Conseiller de la Direction Générale Lidl France, tout droit sorti du « Cabinet de Lauret Wauquiez, Secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi » (la faute sur le prénom du ministre n’est pas de mon fait, elle est sur Linkedin.
Quand je disais dans mon précédent papier que « Lidl devient une enseigne de distribution comme les autres », je me trompais : un tel degré de mépris du consommateur est assez rare en France.
Mais alors, comment Lidl a été élue meilleure chaîne de magasins 2014 ?
Simple comme bonjour.
Rendez-vous sur le site http://www.meilleurechainedemagasins.fr/ : n’importe qui peut voter, pas le moindre contrôle, j’ai même pu voter deux fois de suite à quelques jours d’intervalle avec deux adresses mail différentes – et deux adresses IP différentes –, ça fonctionne plutôt bien.
Les spécialistes des études marketing s’indigneront certainement, parleront d’échantillons non représentatifs … mais franchement, on n’en est même plus là …
CQFD : j’ai compris comment une chaine qui refuse de répondre à ses clients autrement que par le mépris peut malgré tout être élue meilleure chaîne de magasins.
16:52 Publié dans Coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
10/06/2015
Les petites bêtises de Catherine Heurtebise
Catherine Heurtebise, journaliste spécialisée en marketing et communication (Stratégies, CB News, Marketing Magazine), vient de publier Les petites bêtises du marketing.
MarketingIsDead : En ces périodes de Marketing bashing, un livre sur les erreurs du marketing, ce n’est pas un peu surfer sur la vague ?
Catherine Heurtebise : Je pense que nous avons vécu des périodes de marketing bashing plus virulentes ! De plus, comme le symbolise le titre « Les petites bêtises du marketing », ce livre n'est en aucun cas dogmatique mais veut faire réfléchir en s'amusant. Et si l'on critique le marketing de façon globale, on cite rarement des exemples concrets de flops. Ce livre est le premier en France à parler de « ratages » qu'ils émanent de grandes entreprises de différents secteurs, de PME, de médias, d'instances gouvernementales ...
MarketingIsDead : On y découvre avec une certaine délectation – enfin, j’y découvre … – qu’une entreprise comme Apple a aussi multiplié les erreurs stratégiques …
Catherine Heurtebise :Tout le monde (ou presque) commet des erreurs stratégiques. Et si Steve Jobs n'avait pas échoué avec le Lisa, il n'aurait peut-être pas connu un succès aussi rapide et mondial avec son Macintosh ! Et puis, les entreprises qui innovent beaucoup ont logiquement plus de chances de subir des échecs.
MarketingIsDead : Nutella et sa désastreuse expérience de pots personnalisables souligne qu’aujourd’hui le consommateur ne laisse plus rien passer sur les médias sociaux …
Catherine Heurtebise :Absolument. Les internautes et les blogueurs sont devenus les bêtes noires des services marketing. Non seulement ils ne laissent passer aucune erreur quelle qu'elle soit (Nutella, Zara, 3Suisses...) mais ils donnent leur avis sur tout (logo Gap, Tommy Hilfiger...), allant parfois jusqu'au boycott (yaourts Vrai..). On est loin des « gentils » courriers et coups de fils aux services consommateurs d'autrefois !
MarketingIsDead : Enfin, bien des erreurs que l’on attribue au marketing ne concernent-elles pas plus directement la direction générale des entreprises et son manque de vision stratégique ?
Catherine Heurtebise : Bien sûr. Le marketing écope souvent d'erreurs dont il n'est pas le seul responsable. Jeff Bezos qui s'est fait plaisir en lançant à perte le Fire Phone ; le baron Bich qui s'acharne à relancer plusieurs fois ses parfums Bic vendus dans les bureaux de tabac alors que c'était dès le début un flop ; Nestlé qui veut à tout prix réussir sur les alicaments avec Nesfluid ... Les flops proviennent souvent de manque de vision stratégique et, ce qui me surprend toujours, certaines entreprises sont amnésiques. Elles oublient les erreurs passées et n'en tirent aucune leçon !
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09/06/2015
Les blogueurs ne méritent pas salaire, c’est le buzz !
Récemment, Biba organisait naïvement un concours d’illustration pour une pochette distribuée avec le magazine : chères lectrices, vous travaillez gratuitement pour nous et à vous la gloire ! Et à vous l’argent se sont indignées les dessinatrices ? Pour en savoir plus, un petit tour ici s’impose.
Le loueur Sixt considère quant à lui que les blogueurs sont juste des relais corvéables à merci, mais surtout gratuits : vous pensez, quelle gloire de relayer leurs communiqués !
Encore, si les opérations mises en avant brillaient pour leur qualité : mais bon, n’est pas créatif qui veut !
« Je voulais discuter avec vous de la possibilité de diffuser l’article suivant sur votre site dans la rubrique « publicité » de votre site », me déclare tout de go leur « Junior Online Marketing » : heureusement qu’il précise bien qu’il est junior, parce que manifestement il a beaucoup à apprendre.
A la rubrique « publicité » ? Mais alors, si c’est de la publicité, quelle est rémunération proposée ?
Mais les junior marketers ont des principes – dont on ne voit pas vraiment l’éthique, à vrai dire : « Question de principe on ne paye pas les articles » ; toutefois « On peut vous proposer des bons de surclassement sur une location » : sans blague, on veut m’imposer de devenir client pour profiter de mon travail ?
Question naïve – enfin, pas trop – de ma part : « Quand vous demandez à votre agence un publireportage, vous ne payez pas l'achat d'espace, par principe ? ».
Réponse qui mérite son pesant de cacahouètes : « Non, nous faisons le buzz » ; et de préciser : « Les sites qui publient nos articlent génèrent du trafic. La façons dont ils le monétisent est parfois très surprenante ».
Moralité : si vous avez l’honneur de faire gratuitement notre pub, vous allez devenir riches grâce à nous : et ça s’appelle donc « faire le buzz ».
Pour aider notre Junior Online Marketing manager à faire le buzz, n’hésitez pas : relayez cet article ! Faites du buzz.
15:36 Publié dans Coups de gueule | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |