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01/09/2013

De l’utilité du marketing dans les startups

MarketingStartups.pngArticle publié pendant les vacances dans Business Angel France.

Il y a un an, Olivier Aizac, le fondateur du Bon Coin intervenait à la Nuit du Marketing organisée par l’Adetem : devant un plateau de plusieurs centaines de marketers, il révélait que le marketing n’avait jamais constitué une préoccupation pour lui. En 2012, le Bon Coin rivalisait déjà avec eBay en France … et n’était déjà plus une startup; pourtant, le site n’avait que 6 ans au compteur, ce qui n’est pas si vieux. En d’autres termes, le Bon Coin avait réalisé le rêve de toute startup : devenir en quelques années un grand parmi les grands, comme Google, Facebook ou plus récemment, AirBnB.

En s’exprimant ainsi, Olivier Aizac retraçait le parcours mythique – car on peut réellement parler de mythe – de la startup d’aujourd’hui : une bonne idée, une solide dose de culot … et surtout, pas de contraintes – et donc pas de marketing.

Google, le Bon Coin : on parle volontiers des startups qui crèvent l’écran … mais on oublie que le cimetière des startups qui se sont crashées peu après le décollage est certainement nettement plus fourni !

Par ailleurs, quand Olivier Aizac, un peu plus tard dans la soirée, nous expliquait qu’aux tous débuts du site, il appelait lui-même les clients qui avaient mal rédigé leurs petites annonces pour les aider à mieux vendre, il avouait simplement … faire du CRM, c’est-à-dire du marketing !

Mais il demeure de bon ton de ne pas faire de marketing : pour beaucoup, cela préserve l’aura du créateur de génie. Moyennant quoi, ils perpétuent l’antienne que le marketing ne sert à rien et que seule compte l’idée géniale … qui, en plus, est la leur. Moyennant quoi, ils ne se soucient du consommateur que comme d’une guigne – intelligent s’il achète leur produit ou leur service ou demeuré s’il ne le fait pas. Le seul problème, c’est que le consommateur a toujours raison tout simplement parce que c’est lui qui finance – sur le long terme – la startup : certes, pour le court terme, il y a les investisseurs financiers, mais ces derniers se lassent souvent très vite, surtout quand tardent les résultats.

En 2005, de brillants ingénieurs lançaient LE terminal Internet intelligent du futur : un lapin WiFi nommé Nabaztag. Vous n’en avez jamais entendu parlé ? Normal, le petit animal n’a jamais séduit que quelques geeks – dont ses créateurs. Hélas les internautes l’ont massivement snobé. Qui s’est montré stupide, en fait ? Les ingénieurs qui ont conçu le produit ou les consommateurs qui ne l’ont pas acheté ?

Le marketing aurait enseigné d’écouter un peu les avis des consommateurs (pas seulement, mais un peu …) ; mais le marketing ne sert à rien.

Avec le développement – je devrais dire l’explosion – de la consommation collaborative, on voit émerger de ci, de là, des sites qui ressemblent étrangement à ceux qui ont superbement réussi ces dernières années : le marketing dirait de ne pas tenter de recopier à l’identique un modèle existant, si efficace soit-il ; mais le marketing ne sert à rien.

Aujourd’hui, nombreuses sont les startups qui se lancent, la fleur au fusil et une bonne idée dans la tête : ils refont le coup du marketing de l’offre – du marketing d’avant la 1ère Guerre Mondiale, quand il n’y avait pas vraiment besoin de marketing et que l’on pouvait se passer de l’avis des consommateurs. Mais aujourd’hui Henri Ford est décédé et l’industrie automobile souffre de ne pas savoir s’adapter à un consommateur qui change sans cesse. Le problème, c’est que bien souvent, les patrons de startup souffrent d’un certain manque d’humilité : ne leur demandons pas de moins croire à leurs idées, conseillons-leur simplement de croire aussi à ce qu’en pensent – de leurs idées – leurs clients potentiels.

Et peut-être serait-ce aussi le rôle des business angels, qui possèdent un peu plus de recul et d’expérience, que ne pas leur apporter que des sous, mais aussi un peu de méthode … et de marketing !

29/05/2013

Les entreprises face à l’e-réputation

Tribune Mai 2013.pngArticle paru dans la Tribune de l'assurance - Mai 2013

En 1999, les auteurs du The Cluetrain Manifesto publiaient leurs 95 thèses, dont la 1ère et la plus célèbre : « Les marchés sont des conversations ».

Depuis, bien des annonceurs l’ont vérifié à leurs dépens, comme Dell en 2005, quand un certain Jeff Jarvis publia sur son blog une lettre ouverte dénonçant ses manques en matière de SAV.

Dans les mois qui suivirent commença pour la marque une véritable descente aux enfers avec une chute de près de 50% de la valeur de son action !

Heureusement, toutes les crises qui affectent les marques sur la toile ne se révèlent pas si grave : la plupart du temps, l’entreprise rectifie ses erreurs, et les consommateurs oublient aussitôt.

Ainsi, ses clients ont déjà tourné la page du licenciement par Monoprix d’un employé de 59 ans, suspendu pour avoir récupéré dans la benne à ordure et emporté chez lui 6 melons et 2 salades !

L’enseigne a eu le bon goût de ne pas s’enferrer dans sa démarche procédurale : d’ailleurs aujourd’hui, bien des avocats spécialisés recommandent d’éviter les procédures trop abruptes quand les problèmes peuvent se régler autrement.

D’autant que souvent les consommateurs qui attaquent les marques sur les médias sociaux se révèlent des aficionados … déçus : bien souvent, il suffit de les prendre en conversation privée pour qu’ils se répandent en louanges, leur cas résolu positivement.

D'où importance du Community Management : mieux vaut éviter de le déléguer au premier stagiaire venu, sous prétexte que c’est un « truc de jeunes » !

Parfois, même des spécialistes chevronnés auront du mal face à l’avalanche de tweets, commentaires et autres posts : l’équipe d’Air France se souvient encore avec effroi du week-end de folie qui suivit l’accident nucléaire de Fukushima !

Un nouveau monde est en train de se construire, extrêmement complexe pour nombre d’entreprises qui ne s’y sont pas préparées.

Complexe parce qu’il l’est de dialoguer avec des consommateurs qui vous demandent immédiatement des comptes sur la moindre de vos initiatives.

Complexe parce que les entreprises doivent aussi manager des collaborateurs de la génération Y, rompus à des pratiques jusque-là méconnues – voire interdites par les DSI.

Complexe enfin parce que les bouleversements apparaissent continuels : il y a cinq ans, le futur du web social s’incarnait en Myspace et Second Life.

Nul ne sait ce que l’avenir réserve à Facebook et Twitter.

17/09/2010

Le contrat de marque à l'ère post post moderniste

revue_des_marques.jpgAnnonceurs et agences s'interrogent - questionnant sans relâche leurs experts : la crise risque-t-elle de durablement fragiliser les marques ?

Les optimistes affirmeront haut et fort que, crise ou non, les consommateurs auront toujours besoin de repères - et donc de marques fortes.

Les pessimistes souligneront que les mêmes consommateurs n'ont plus trop les moyens de se payer des marques, voire pire : qu'ils ont découvert qu'ils pouvaient aisément s'en passer sans dommage.

Tous ont raison ... sauf que le débat ne s'est jamais réellement situé là !

Bien sûr, crise ou non, nous avons tous besoin de repères - donc de marques capables de jouer ce rôle ; mais c'est là que le bât blesse : trop de marques véhiculent d'inutiles promesses ... et leurs clients s'en sont aperçu !

Balle au centre, donc ?

Non : ce n'est pas parce que certaines marques ne respectent pas leurs obligations que toutes sont condamnées à court ou moyen terme.

Ce n'est pas parce que de nombreuses marques n'en sont plus vraiment que celles qui respectent encore leurs obligations contractuelles à l'égard de leurs clients, devraient en pâtir définitivement.

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » : toutes les marques souffrent - et certaines ne s'en relèveront pas.

 

Le contrat de marque


De nombreuses marques n'en sont plus vraiment : mais qu'est-ce qu'une marque ?

Une fiction, un substitut - à un créateur, un fabricant, un artisan -, et une abstraction : c'est pour cela que l'on parle tant d'ADN, de personnalité de marque - juste pour oublier qu'une marque n'est pas, ne sera jamais, humaine.

Pourquoi et comment sont-elles apparues ?

On renverra à Procter & Gamble et à leur mythique savon Ivory, « un savon blanc peu coûteux d'une haute qualité égale à celle des savons importés de Castille », comme le rappelle encore le site du groupe : comment convaincre des millions d'américains de l'acheter ?

Par la publicité - 11 000 $ dans un magazine hebdomadaire.

Les marques se sont développées le jour où s'est définitivement rompue la relation entre producteurs et consommateurs, entre fabricants et clients ; où le vendeur ne pouvait plus convaincre son acheteur dans le cadre étroit de sa boutique : « Ceci vous donnera toute satisfaction ».

Mondialisation naissante de la production, généralisation du libre service : le monde devenait moderne - pénétrait dans l'ère moderne ... ou du moins, du modernisme.

La marque a alors repris à son compte les droits et devoirs des créateurs / vendeurs auxquels elle se substituait, d'où l'idée d'un contrat de marque.

« Un contrat se définit comme une convention  formelle ou informelle, passée entre deux parties ou davantage, ayant pour objet l'établissement d'obligations à la charge ou au bénéfice de chacune de ces parties », précise Wikipédia.

Le contrat de marque - convention évidemment informelle - précise les obligations à la charge du fabricant et au bénéfice du consommateur : en termes marketing, les avantages produits que garantit la marque à ses clients ; en retour, ce dernier les achète à leur juste prix.

Le contrat de marque trouve cependant une certaine formalisation dans le discours publicitaire - que l'on pourrait même définir comme l'expression la plus formelle du contrat de marque - que le consommateur signera, quant à lui, non de son sang, mais de son argent !

Le modernisme sera l'époque de ces annonces vantant des bénéfices, et un progrès, très concrets : ceux du "Avec Génie, je ne fais plus bouillir", des premiers réfrigérateurs, des premiers hypermarchés regorgeant de produits quasi magiques.

 

Postmodernisme


Le postmodernisme naîtra quant à lui, à la fin des Trente Glorieuses, quand les publicitaires découvrant qu'ils n'ont plus rien à dire des produits dont les annonceurs leur confient la destinée, se décident à qualifier ... les acheteurs de ces produits.

Avant, on achetait une DS pour le plaisir, voire ce que Barthes nommait "une gourmandise de la conduite"[1] ! A partir des années 70, les cadres se rueront sur les BMW pour affirmer leur réussite sociale, comme le constatera Baudrillard : "Les objets [...] ne "désignent" non plus le monde, mais l'être et le rang social de leur détenteur"[2].

Le postmodernisme sera l'âge d'une consommation désabusé, où le progrès ne sert plus vraiment les individus, mais leur permet juste de se différencier les uns des autres ; où on n'achète plus un téléviseur Sony pour son image mais pour son prix ... élevé !

Le postmodernisme sera l'époque où tous les produits se ressemblent - Clio, Fiesta, Corsa, ... : comment les différencier ? - et où des consommateurs blasés se rassurent en payant plus cher.

Jusqu'à la caricature quand Séguéla déclare : "Si on n'a pas de Rolex à 50 ans, on a raté sa vie".

Mais que devient le contrat de marque à l'époque postmoderne ?

Rien : il vole simplement en éclats.

Car on ne peut inclure dans un contrat ce qu'on ne possède pas - ou que l'on ne maîtrise pas, ce qui revient au même. Un constructeur automobile peut garantir la nervosité d'un moteur ; pas le statut que son modèle conférera à son conducteur.

Ou du moins, plus aujourd'hui.

 

Post post moderniste


Le postmodernisme aurait pu durer longtemps - aussi longtemps que les publicitaires verrouillaient la communication marchande : la puissance du média télévisuel les y aidait grandement ... sauf que le jour où Le Lay déclarait vendre à Coca-Cola "du temps de cerveau humain disponible", le tonneau des Danaïdes s'était réellement mis à fuir de partout.

Comme l'annonçaient dès 1999 les rédacteurs du Cluetrain Manifesto, "les marchés sont des conversations" : à côté du verticalisme de la publicité médias, naissait une communication citoyenne, horizontale, entre pairs.

Et les gens se sont tranquillement mis à discuter des produits et des marques qu'ils achetaient, non plus en en termes de signes, mais de réels bénéfices - et cela tombait bien, depuis un quart de siècle que leur pouvoir d'achat s'érodait (les revenus salariaux n'ont pas progressé en France depuis 1980 - Source : Insee.

Dès lors, ils allaient distinguer les vrais progrès des faux ... car bizarrement avec Internet, fixe ou mobile, notre société s'était remise à avancer : alors que les publicitaires s'évertuent toujours à parler de signes, les consommateurs parlent d'usages ; il semblerait même que certains retrouvent un certain plaisir à consommer - utilement, s'entend - comme ce fut le cas de leurs parents et grands parents dans la France de l'après guerre.

Retour vers le modernisme ?

Paradoxe : alors que de nombreuses sont les marques qui se proclament haut et fort leur légitimité, alors qu'elles ne proposent aucun contrat réel, ce sont souvent celles à qui on dénie l'appellation - les no names, les sans marques - qui renouent avec le contrat original au travers d'un juste rapport qualité prix.

A méditer ...

Article parue dans la Revue des Marques de Juillet 2010


[1] Roland Barthes : Mythologies

[2] Jean Baudrillard : Pour une critique de l'économie politique du signe

 

26/01/2009

La presse a-t-elle un avenir ?

alondres.jpgMes copains de Courts circuits ont démarré une vaste réflexion sur la presse et son avenir – c’est dans l’air du temps – et s’interrogent notamment sur "les nouveaux enjeux de la libre circulation de l'information portée par les NTIC".

S’interrogent … et m’interrogent sur l’opportunité "d’humaniser l'émetteur pour recréer les conditions d'un dialogue".

Point de départ de la réflexion : la toile bruisse aujourd’hui d’innombrables discussions – consommateurs, experts de tous crins, politiques, etc. et bien sûr, informateurs des plus divers.

Informateurs des plus divers, c’est-à-dire des gens comme vous et moi qui diffusent des informations nouvelles – "la vidéo que j’ai prise dans la rue au moment où …" ; "la photo de …" ; etc. – ou simplement les commentent ; mais aussi tout une flopée de journalistes méconnus qui trouvent là une certaine revanche à l’adversité ; et puis, de "vrais journalistes".

"Vrais journalistes" ne signifiant pas grand chose, sinon la possession d’une carte de presse.

Il y a ceux qui, censurés par leur titre ou autocensurés, ont développés leur blog pour échapper à cet interdit – je pense aux reporters américains en Irak.

Il y tous ceux qui collaborent à des titres prestigieux – Libération, Le Monde, Le Figaro – et qui souhaitent prolonger leurs articles d’une note plus personnelle.

Il y a la nouvelle génération, née avec le Web 2.0, les rédacteurs de Rue89, le Post, Bakchich, etc.

Bref, tout cela fait du monde, beaucoup de monde, surtout si l’on rajoute les Wikio, Agoravox et autres Betapolitique. Vraiment beaucoup de monde.

Des tas de gens qui s’expriment en leur nom … comme tous les blogueurs du monde entier !

Faut-il lire dans cette gigantesque conversation, l’avenir du Web ? Certainement … jusqu’à ce que de nouveau progrès technologiques viennent l’enrichir … sans toutefois le remettre en cause.

Faut-il lire dans cette gigantesque conversation, l’avenir de la presse ? Certainement … un raccourci un peu rapide … et un contresens évident !

L’avenir du Web

En termes d’information, le Web 2.0 marque le passage d’une société verticale à une société horizontale.

Une société verticale, c’est une société où, si tous accèdent à l’information, seule une minorité possède le pouvoir de la diffuser – bref une oligarchie.

… et bien évidemment, une société horizontale, c’est une société où tout un chacun peut émettre des messages, techniquement recevables par tous.

Le "techniquement" n’est pas sans importance : dans un pays où entre 3 et 4 millions d’individus tiennent leur blog – sans parler des adolescents –, il devient de plus en plus difficile – et illusoire – d’espérer se faire entendre de tous.

Dans le champ du marketing et de la consommation sont apparus des facilitateurs : des espaces où je peux m’exprimer sur un produit avec une certaine garantie d’être entendu de ceux à qui je souhaite m’adresser. Ainsi, si je ne suis pas totalement satisfait de mon dernier caméscope numérique, je peux laisser un avis sur Amazon, et je suis sûr de toucher de futurs acheteurs … ou plutôt potentiels acheteurs, car je compte bien les détourner de leur choix.

Quoi qu’il en soit, le Web 2.0 redonne non pas "le" mais "du" pouvoir, aux consommateurs dans ce derniers cas, et aux citoyens en général … et je doute que ces derniers soient prêts à le lâcher !

Petite remarque : le business model d’Amazon n’est certainement pas de faciliter les conversations des consommateurs, ni de produire des avis, objectifs ou subjectifs, sur les produits et services qu’il vend : amazon.fr n’est pas un site consumériste.

Les fonctions de la presse

En termes d’information, il convient de distinguer la production de l’analyse et du commentaire :

- Rachida Dati doit prochainement quitter le gouvernement est un fait avéré : tel jour, à telle heure, un journaliste, puis un autre, ont porté l’information à la connaissance du plus grand nombre.

- Rachida Dati devenait de plus en plus gênante pour le locataire de l’Elysée, il lui fallait trouver une solution "politiquement acceptable" pour s’en débarrasser : le fait est connu depuis un certain temps, les analystes expliquent.

- Sarkozy est vraiment … (je vous laisse choisir le qualitatif qui vous convient le mieux) d’agir ainsi avec celle qui l’a toujours soutenu : on passe de l’analyse à l’opinion, au commentaire subjectif.

Il est clair que le commentaire ne relève pas – exclusivement – du journalisme ; mis à part la presse militante, le commentaire tient plus du café du commerce, de l’opinion courante et/ou partisane … bref, entre totalement dans le champ du Web 2.0.

L’analyse est du ressort des éditorialistes – ceux qui donnent sens aux faits bruts ; de tels billets sont nécessairement signés par de prestigieuses personnalités conférant leur autorité au titre qui les emploie. Bien sûr de telles signatures existent indépendamment des organes de presse – de plus en plus grâce au Web 2.0 ; mais existeraient-elles sans eux, qui les financent ?

La production relève des seuls journalistes.

Attention, produire de l’information, ce n’est pas seulement se contenter de relayer des communiqués : c’est avant tout, diffuser un matériau fiable – c’est-à-dire constaté de visu ou suffisamment recoupé.

C’est même la base du métier de journaliste … et la fonction primaire de la presse.

L’avenir de la presse

Produire de l’information, fonction primaire de la presse, certes, mais de plus en plus souvent mal vécue par … les journalistes : c’est l’analyse qui confère promotion et prestige, pas la quête des faits bruts.

Albert Londres ne fait plus rêver …

Dès lors, l’investissement – intellectuel, financier, etc. – s’effectue dans l’analyse : les éditorialistes pèsent de plus en plus, s’autorisent même au commentaire personnel – comme tous consommateurs du café du commerce.

Et rentrent en compétition avec Monsieur Toutlemonde, le blogueur du coin de la rue, vous et moi.

Et la presse devient une véritable cacophonie.

Deux pistes sont actuellement explorées, l’une pour en sortir, l’autre pour l’organiser :

- En sortir, en privilégiant les sites valorisant l’analyse – on offre aux signatures les plus prestigieuses des espaces réservés : c’est le modèle du site américain Slate dont Jean-Marie Colombani s'apprête à lancer une version française ;

- L’organiser, en favorisant le dialogue, entre la rédaction et ses lecteurs, mais aussi – surtout – entre ses lecteurs entre eux : c’est le modèle initié par Rue89, où les fils de discussions se révèlent tout aussi instructifs que les papiers qui les initient (comme sur certains blogs, d’ailleurs).

Ce faisant, la presse se coupe de plus en plus de son métier originel – produire de l’information.

En se désinvestissant de cette fonction primordiale, elle laisse la place à des non spécialistes – avec toutes les dérives potentielles : diffusion de fausses informations, rumeurs, etc.

En se désinvestissant de cette fonction primordiale surtout, elle devient également productrice de … fausses informations : c’est Europe 1 qui annonce la mort de Pascal Sevran ; c’est l’AFP qui annonce l’explosion en vol avec dix satellites d’une fusée indienne ; etc.

La dette et le don

Tout produit, tout service, y compris la presse, apporte un bénéfice à ses consommateurs – bénéfice lui permettant de se distinguer de ses concurrents : c’est son offre, ce que Georges Péninou qualifiait de "don".

Mais ce "don" ne vient qu’en complément des fonctions de base du produit : Georges Péninou parlait ici de "dette". Trivialement, on n’imagine pas une voiture plus spacieuse ou plus sûre … mais sans roues !

On n’imagine pas un dentifrice qui laisse l’haleine plus fraîche … mais ne lave pas les dents !

Par contre, tous les hommes de presse s’inquiètent de ce qu’ils pourraient offrir de plus aux internautes – plus d’analyse, plus de dialogue : plus de "don" – sans trop se soucier si la "dette" qu’ils ont contractée à l’égard de leurs lecteurs – simplement en publiant un journal –, elle, ils la remboursent.

En d’autres termes, oui, progressez, messieurs les journalistes, vers plus de dialogue, de conversation, etc.

Mais avant tout, faites votre métier de journaliste : investiguez !

Car votre "métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie", comme le disait si bien Albert Londres.

Arrêtez de vous faire plaisir … et mettez-vous au travail !

24/11/2008

Réputation ou image de marque (suite) ?

Revue des marques.jpgArticle paru dans la Revue des Marques #64 - suite des posts des 10 et 17/11/2008.

Entreprise citoyenne et marketing humain

Comment réagir dans ce nouveau paysage, quelle stratégie adopter ?

Déjà, et c’est un préalable important, être "réellement" quelqu’un de présentable, de recommandable : après avoir peaufiné pendant des années la dimension produit / marque, l’entreprise devra soigner d’urgence la dimension industriel / producteur.

Redevenir humaine, c’est-à-dire une entreprise qui respecte autant ses collaborateurs que ses clients – qui les considèrent tous comme des citoyens.

Ses collaborateurs quels qu’ils soient, où qu’ils soient : la dimension éthique n’est jamais loin et après Nike, Apple et Gap en ont également fait les frais.

Ainsi le distributeur de vêtements s’est vu accuser fin 2007 de faire fabriquer des chemises pour fillettes par des enfants indiens ; il a aussitôt dû retirer les chemisettes incriminées des rayons et rappelé que : "dans aucune circonstance il n'est acceptable que des enfants fabriquent ou travaillent sur des vêtements".

Quant à la marque à la pomme, c’est en juin de la même année que The Mail on Sunday révélait que les employés de l’usine Foxconn produisant ses iPod, gagnaient moins de 50$ US par mois pour plus de 15 heures de travail quotidiennes, sept jours sur sept – ce que le journal assimilait à du travail forcé … et la blogosphère d’en faire les gorges chaudes !

Ses collaborateurs … et ses clients : en arrêtant de les considérer comme de simples vaches à lait mais comme des égaux. Des gens qui non seulement s’expriment librement sur le Net, mais avec qui il faut également réapprendre à dialoguer.

Réapprendre à dialoguer donc … et pas faire semblant : L’Oréal s’est montré précurseur en la matière, additionnant déconvenues, puis succès.

Déconvenue avec Vichy et le Journal de ma peau, le pseudo blog de Claire , une charmante jeune fille qui devait quotidiennement faire état de sa peau durant les 21 jours que durait le traitement de son nouveau produit miracle : Peel Microabrasion.

Hélas, les consommatrices ne s’en laissèrent pas compter : "Cette histoire ne me semble pas très naturelle … cela ressemble un peu à une sitcom de troisième zone".

Comment rebondir ?

Un, en reconnaissant son erreur … et en s’excusant platement ; deux, en modifiant radicalement son attitude face à la blogosphère et acceptant de ne plus tricher : du coup, même les détracteurs les plus virulents de l’opération ratée ont salué le retour de Vichy :

"Changement de tactique: plus de personnage fictif. Vichy a recruté 5 vraies blogueuses, pas vraiment au hasard […]. Tout colle parfaitement : non seulement elles sont en plein dans la cible produit (entre 35 et 40 berges, l’âge où les premières petites rides apparaissent), mais en plus elles ont la “positive attitude” tout en offrant un mélange de parcours personnels différents. […] Delphine a retenu la leçon : sur un blog, il faut être authentique".

Et désormais, le groupe de cosmétiques est cité en bon exemple de pratiques Internet : contrairement aux stéréotypes, le droit à l’erreur existe au sein de la blogosphère … à condition de ne pas en abuser ! Mais une marque peut faire amende honorable : honnêteté et sincérité paient.

Depuis, L’Oréal s’est également essayée au jeu de la création publicitaire "collaborative" sur Current TV : ici, ce sont les téléspectateurs de la chaîne crée par Al Gore qui réalisent les spots. Evidemment tout cela change à la fois les rapports entre citoyens et marques – mais également entre annonceurs et agences de publicité !

En changeant ainsi – même partiellement – de statut, la marque change également ipso facto de personnalité : citoyenne parmi des citoyens, elle doit adopter les valeurs de cette nouvelle citoyenneté : honnêteté, transparence, altruisme.

Bien évidemment, pas question de tricher – de se doter d’une personnalité désintéressée sur le Net, tout en persévérant dans une attitude plus "traditionnelle" off line ! Ce n’est pas parce que l’on conjugue les deux modes communicationnels de la verticalité et de l’horizontalité, qu’on peut développer une personnalité bicéphale … c’est-à-dire schizophrène !

Ce passage de l’ancienne notion d’image de marque à celle de réputation constitue donc bien une révolution – mais pas une petite : le Net rend caduque en quelques années un siècle de pratiques méthodiquement codifiées !

Au delà de ses marques et de ses process, l’entreprise doit apprendre à redevenir simplement humaine … c’est-à-dire travailler avec des "gens" – et pas de simples "ressources" – pour des "gens" – et pas seulement des acheteurs …

Sinon, elle risque de découvrir sur le Web des échanges de ce type où employés et usagers de la SNCF dialoguent en des termes étrangement complices : "Plus ça va, moins j'ose venir sur ce site tellement j'ai honte de mon entreprise qui vous traite dans ces conditions".