04/07/2006
A l’écran oui, mais pas sans mon image !
Inaugurant la rubrique Les copains d'abord, un premier papier de Jean-marc Lehu nous invite à réfléchir sur le placement de produits.
A l’heure où d’aucuns s’interrogent à juste titre sur la signification de l’image de marque, sur sa place et son rôle dans notre mémoire, le phénomène du branded entertainment – communication de la marque dans un contexte de divertissement – prend de l’essor. Logique après tout, l’audience des media classiques est de pus en plus fragmentée et dispersée. Il importe donc de trouver d’autres vecteurs pour garder – sinon renouer – le contact avec le consommateur.
Dans le vaste arsenal du branded entertainment, le placement de produits et de marques dans les films tient bonne place. Et si la technique est quasi séculaire, elle a connu ces derniers mois un essor extraordinaire, notamment aux États-Unis.
Au grand dam des financiers, il ne s’agit pas de la dernière technique de communication à la mode dont le succès assuré est immédiatement perceptible de manière sonnante et trébuchante, dans les comptes à courte terme de l’entreprise pratiquante. L’objectif du placement de produits est d’abord et avant tout un objectif de notoriété. Faire connaître la marque, ou faire en sorte qu’elle ne disparaisse pas de l’ensemble évoqué du consommateur, en rappelant son existence autant que faire se peut.
Mais le placement de produits ou de marques peut également poursuivre un objectif parallèle d’entretien ou d’amélioration de l’image de la marque. Pour cela, il est généralement nécessaire de passer du principe du simple placement, à celui de l’intégration de marque.
En d’autres termes, de tout mettre en œuvre pour offrir à la marque un vrai rôle dans le film, et plus simplement de plaquer son logo dans l’arrière plan d’une scène. Cette démarche valorisante est déjà poursuivie depuis quelques années outre-atlantique, et de nombreux agents professionnels du placement, réunis au sein de l’ERMA*, œuvrent déjà en ce sens.
De manière exceptionnelle et surprenante… l’Europe, et plus particulièrement la France, sont quelque peu à la traîne. Il existe bien de rares professionnels tels que Film Media Consultant ou Marques & Films, dont l’expérience réelle est déjà mise à profit par les marques.
Mais ce sont là deux exceptions. Dans de nombreux cas, la gestion de l’apparition des marques ou de leurs produits demeure très artisanale, quand elle n’est pas pénalisée par un cadre légal, dont la Commission et le Parlement européens n’ont que trop tardé à s’inquiéter de l’évolution, malgré les propositions pertinentes de la Commissaire Reding.
Pourtant, un film peut être un formidable véhicule culturel pour l’image de la marque. Qu’il s’agisse du contexte d’utilisation de la marque, de l’acteur qui cite telle ou telle marque, de la nature de l’utilisation de tel ou tel produit… le branded entertainment peut devenir un véritable vecteur d’image.
Lorsque récemment, Porsche est courtisée dans Cars de John Lasseter, que le Ritz est LE palace parisien retenu pour Da Vinci Code (Ron Howard), que The North Face protège du froid les héros de Antartica, Prisonniers du froid (Frank Marshall) ou encore que Bed Bath and Beyond (Michael Newman), présente dans Click, paraît être l’enseigne dans laquelle l’acteur Adam Sandler semble réellement pouvoir tout trouver, les marques concernées sont valorisées.
Comme tout vecteur de communication, le placement de produits ou de marques doit faire l’objet d’une approche stratégique, afin de préserver et valoriser l’image de la marque. A fortiori, parce qu’un film est multi diffusé – salles, dvd, circuits spécialisés, télévision payante puis gratuite, téléchargement… – et qu’il peut de surcroît être rediffusé à de nombreuses reprises dans le temps.
Certaines associations sont donc à éviter comme la peste. D’autres en revanche, sont à rechercher pour la cohérence avec le positionnement et l’identité de la marque, quitte à payer cher pour en obtenir l’exclusivité et les meilleures conditions possible d’apparition à l’écran. Ce n’est pas parce que la publicité sera dans le film, qu’on la verra et qu’on l’appréciera…
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27/06/2006
10% d’exclus, cela suffit !
Non, je ne souhaite pas vous refaire le coup de la fracture sociale – elle est trop grave pour l’aborder si légèrement –, ni celui de la fracture numérique – qui se résorbe petit à petit.
La crise des banlieues est passée – en fait, elle n’est pas du tout passée, simplement les médias ont mieux à se mettre sous la plume : il y a le Mondial de football, il faut savoir discerner les vraies priorités.
Non, je souhaiterais vous parlez d’une forme d’exclusion bien plus incapacitante puisqu’elle touche près de 10% des internautes… hommes !
Que les femmes s’en moquent, rien d’étonnant à cela, elles ne sont concernées quant à elles qu’à moins de 0,5% – 0,45% pour être précis, selon Wikipedia.
Mais de quelle étude sortent donc de tels chiffres, précis à la deuxième décimale – et de quoi s’agit-il enfin !
Du daltonisme.
Du daltonisme qui frappe près d’un homme sur dix, et qui amène à confondre vert et rouge dans sa forme majoritaire. Du daltonisme porté par le chromosome X : le gène étant récessif, les femmes ne sont atteintes que si leurs deux chromosomes X sont déficients ; les hommes n’ayant qu’un seul chromosome X…
Evidemment, designers et autres créatifs de Web agencies ne sauraient être daltoniens : imaginez le gag d’ici, les sites copieusement bariolés dans tous les sens…
Ce qui ne justifient pas qu’ils snobent superbement les malheureux daltoniens – 10% de leur visiteurs hommes ! Quand je me rends sur Michelin pour consulter le trafic en Ile de France, je ne peux guère faire la différence entre la fluidité absolue – tout vert – et les meilleurs bouchons – tout rouge. Une légende rouge (bloqué) versus bleu (fluide) au lieu de vert serait tout aussi logique.
Surtout elle serait compréhensible par tous les daltoniens. Allez, un petit effort les designers du Web : mettez-vous à la portée de ceux qui consultent vos sites !
Et vous, annonceurs qui leur commandez des sites, ne payez que 95% de leurs factures si 5% de la population totale – 10% de la population masculine – se retrouve perdu devant les magnifiques schémas en vert et rouge qu’ils dessinent harmonieusement pour vous.
PS : pour dépister le daltonisme, on propose aux patients des planches notamment composées de points verts et rouges formant des chiffre ou des lettres que bien évidemment les malades sont incapables de lire. Merci de m’envoyer un petit mail pour me dire ce qui est inscrit sur le dessin ci-dessus, j’ai personnellement raté le test. Et si vous le ratez aussi, peut-être pourrions-nous lancer une association de protection des daltoniens.
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22/06/2006
Vient de paraître …
… au Village Mondial : Les études Marketing – Des études de marché au Consumer Insight, par François Laurent.
Encore un ouvrage sur les études marketing ? L’auteur s’en explique dès les premières pages. En espérant que ce court extrait vous donne envie d’en lire plus.
Il existe de nombreux ouvrages consacrés aux études marketing, certains très spécialisés : l’animation des groupes qualitatifs, l’analyse statistique des données ; et d’autres généralistes, parfois de type do it yourself : comment réaliser soi-même ses propres études de marché ? Nombre d’entre eux sont excellents.
Ou plutôt l’étaient, encore très récemment : car aujourd’hui, le marketing en général, et les études marketing en particulier, doivent faire face à une double mutation qui jette à terre bien des présupposés sur lesquels ils se fondent – sans oublier des avancées récentes dans le champ des sciences fondamentales.Une mutation sociétale d’envergure, tout d’abord, qui rend caduque bien des outils existants : comment – et à quoi bon – disséquer les composantes d’une image de marque quand ses clients plébiscitent ses concurrents … sans marques – no names ! Comment argumenter quand ses mêmes clients décodent mieux les axes de communication que sa propre agence de publicité ? Voire se montrent plus férus de technologies que nombre de vendeurs !
Autre défi majeur, les multiples mutations technologiques, qui relèguent au musée les approches traditionnelles, et soulèvent bien des questions scientifiques et méthodologiques : Internet pénètre un foyer européen sur deux, et pourtant il n’existe aucun annuaire d’adresses électroniques. Et tandis que la téléphonie mobile touche à près de 75% de la population, se développe à domicile une téléphonie sur IP, c’est-à-dire utilisant le protocole Internet.
Quand tout ne se mélange pas dans une cacophonie infernale : éduquées par les émissions économiques à la télévision, certaines consommatrices se professionnalisent et hantent les réunions de groupe, multipliant numéros de téléphone et identités, réussissant parfois à participer à plus de 10 groupes par semaine : à 45€ d’indemnités non déclarées, cela fait 1800€ mensuels assez agréablement gagnés. Evidemment, la qualité des résultats s’en ressent !
La majorité des livres consacrés aux études marketing – pour ne pas dire au marketing en général – se révèlent aujourd’hui obsolètes parce qu’ils n’enseignent que des outils – des méthodes, voire des process – sans jamais soulever la question du « pourquoi », se contentant inlassablement du « comment ».
Les études marketing ne limitent pas à une collection de méthodes
Dans bien des entreprises, les responsables d’études marketing bénéficient de l’auréole des spécialistes : ceux qui savent qu’à telle demande il convient de répondre par un trade off quantitatif, et à telle autre par des entretiens individuels. Bien sûr qu’il est important de maîtriser ces outils ; nécessaire, mais totalement insuffisant.
Il convient avant tout de disposer des connaissances en sciences humaines et cognitives pertinentes. Savoir par exemple que le goût dépend tout autant de nos papilles gustatives que de notre mémoire à long terme – et qu’ainsi, une même boisson ne sera pas pareillement perçue selon que le test s’effectue avec ou sans bouteille, avec ou sans marque.
Au fil des ans ces connaissances se sont affinées ; parallèlement, les technologies de recueil et traitement de l’information se sont également développées : du recueil en face à face, où l’enquêteur notait patiemment les réponses des interviewés, on est aujourd’hui arrivé à l’auto-administré par Internet, tandis que des mini caméras bien placées permettent une ethnologie non intrusive.
Les études socioculturelles sont datées tant parce que leur mise en œuvre nécessitait des moyens informatiques indisponibles avant le début des années quatre-vingt ; que parce qu’elles permettaient des segmentations en accord avec l’explosion des imaginaires de marque. Mais aujourd’hui, elles butent sur la complexité croissante des citoyens et aux mêmes questions se substituent désormais des réponses purement qualitatives.
C’est pourquoi les études marketing ne sauraient se réduire une compilation d’outils : elles requièrent de bien plus vastes connaissances que leur champ d’application étroit, le marketing. Elles fondent la connaissance de l’individu – d’où leurs multiples racines en psychologie, sociologie, ethnologie, mais également neurobiologie, sémiologie, etc.
L’université constitue la meilleure formation aux études marketing – parce que s’y enseignent les sciences humaines sur lesquelles elles s’appuient ; mais aussi la curiosité qui fait souvent cruellement défaut dans les écoles de commerce, où l’on privilégie méthodes et process.
Nul ne saurait cependant maîtriser toutes les disciplines sur lesquelles se fondent les études marketing : c’est pourquoi nous essaierons systématiquement d’éclairer nos propos des bases fondamentales nécessaires, non seulement à la compréhension, mais également à la mise en œuvre des méthodologies présentées.
Maîtriser les outils d’aujourd’hui et de demain
Cet ouvrage enseignera comment apporter des réponses méthodologiques à des problématiques marketing – la raison d’être des études marketing – en croisant tant connaissances fondamentales et avancées technologiques que mutations sociétales.
Il se composera de trois parties : la première consacrée aux méthodes les plus couramment utilisées – les fondements des études marketing ; la suivante, à leur mise en œuvre dans un domaine d’investigation majeur – la communication publicitaire ; et la dernière, aux défis auxquels les études doivent faire face aujourd’hui – et devront encore plus demain.
- Les fondements des études marketing
Qualitatif ? Quantitatif ? Pour mieux appréhender les études marketing, il convient de se souvenir que, si dans la pratique courante, le qualitatif précède souvent le quantitatif – bien souvent relégué en une fonction annexe –, il en va inversement d’un point de vue historique – et que la longue histoire des études de marché peut s’appréhender comme celle d’un long combat pour réintroduire du qualitatif dans le quantitatif – voire lui accorder la prédominance !
Dans cette première partie seront abordées les bases techniques des études quantitatives : rédaction et administration des questionnaires, échantillonnage, dépouillement et traitement de l’information ; et qualitatives : l’interrogation directe – individuelle ou en groupe, avec les aléas liés aux différentes forme de mémoires – et ses alternatives.
Mais auparavant, nous verrons comment tout est parti des sondages électoraux américains, puis de l’application de ces premières techniques dans le champ publicitaire – et d’une vision simple et mécaniste du consommateur ; vision que premières études socioculturelles tenteront de dépasser avec l’appui des premiers outils de traitement informatique.
Et qu’aujourd’hui, les praticiens butent sur deux écueils majeurs : de flagrants problèmes de qualité liés, notamment, à la complexité des outils ; de tout aussi évidents problèmes de pertinence face à la complexité des citoyens qu’ils étudient.
- La communication publicitaire
La sémiotique souligne que les messages ne sont pas systématiquement codés et décodés selon l’ancien schéma de Shannon, mais que leur destinataire leur confère un sens à partir d’une multitude d’indices, endogènes ou exogènes aux annonces elles-mêmes. Théorie confirmées par les sciences cognitives qui soulignent les interactions entre nos organes sensoriels, et nos mémoires à court et long terme.
Tout ceci conduira nécessairement à une totale redéfinition des critères pertinents en matière de pré testing publicitaire : alors que le débat s’est longtemps instauré sur la suprématie de l’impact sur la persuasion – ou vice versa –, tant au niveau du choix des concepts, en qualitatif, qu’à celui de la finalisation des matériaux communicants, en quantitatif, nous établirons la – longue – liste des indicateurs à valider.
Pareillement en post testing, nous démythifierons les critères superfétatoires – et pourtant bien souvent les plus usités ! – pour montrer comment toute action peut, et doit, s’évaluer en fonction des moyens publipromotionnels mis en œuvre, et notamment des distributions de fréquence dans les médias.
- Les études face à leurs défis
Le premier défi auquel doivent aujourd’hui faire face les études marketing, ce sont les mutations qui traversent notre société – et leurs conséquences immédiates. Si la Nouvelle Economie a échoué a créer un nouveau modèle sociétal – celui de la Génération Bobos pour schématiser –, les outils high tech sur lesquels elle se fondait, eux, demeurent, et les citoyens s’en sont saisis pour leur plus grand bonheur – parfois en les détournant de leurs usages initiaux.
Les grosses machines socioculturelles des trente dernières années se révèlent soudain totalement incapables d’expliquer les nouveaux comportements des consommateurs, et les marketers se dotent de nouveaux outils pour piloter la stratégie de leurs entreprises, le plus souvent d’essence qualitative, l’intuition remplaçant les certitudes d’hier : certains commencent à se répandre assez largement, comme les études de tendances, et d’autres demeurent à inventer.
Le second défi des études marketing réside dans les multiples bouleversements technologiques qui frappent la profession : une part grandissante des utilisateurs ne jurent plus aujourd’hui que par Internet – plus rapide, plus souple, et surtout moins cher –, sans trop se soucier des conséquences en matière de représentativité, ou de sincérité due à la multiplication des alias, etc. Tandis que les autres fuient l’outil comme un piège diabolique.
Les organismes professionnels édictent des guides de bonnes pratiques, et peu à peu les praticiens apprennent à en optimiser la mise en œuvre, ou plus simplement à en éviter les divers pièges, tandis que se profilent déjà à l’horizon les sondages par téléphonie mobile – pratique fort prometteuse au Japon, où la 3G se répand rapidement.
De la conjonction de ces deux réalités – des nouvelles méthodes d’appréhension du consommateur ; de nouveaux supports technologiques – naissent des pratiques originales, et la profession n’arrête plus d’effectuer des révolutions Coperniciennes : un exemple parmi tant d’autres, celui de la hiérarchie presque centenaire instituée par les Américains, le qualitatif servant à dégager les pistes d’une nécessaire et ultime quantification.
Aujourd’hui, le qualitatif se révèle dans bien des cas la discipline majeure parce que la seule à pouvoir dégager des schémas explicatifs – de réelles causalités, le quantitatif se bornant à constater des coïncidences. D’où un process : un quantitatif « léger » pour fixer des ordres de grandeurs, puis un qualitatif approfondi – et souvent pluridisciplinaire – pour dégager les fondements d’une prise de décision parfaitement étayée.
Le recueil par access panel sur Internet, en dissociant le recueil – les gestionnaires de bases – de l’analyse autorisent les instituts qualitatifs à se doter d’une expertise complémentaire qui auparavant leur échappait, et peuvent désormais légitiment s’imposer comme leaders de vastes projets qui auparavant leur échappaient.
La dernière ambition de ce livre sera de donner à ses lecteurs les moyens d’appréhender plus sûrement ces mutations.
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21/06/2006
La récréation est finie !
Après quelques échanges croquignolets avec ReunionDeConso.com, il est temps de sonner la cloche et de se remettre au travail… sérieusement.
D’autant que si cette société et son médiatique président attirent tous les regards, la grande majorité des intervenants effectue son travail avec la plus grande rigueur.
Quoiqu’il en soit, la professionnalisation des groupes qualitatifs constitue un fléau contre lequel nous nous trouvons hélas aujourd’hui bien démunis.
Pourquoi ? Et là, force est de reconnaître que les divers partenaires se renvoient allégrement la balle.
Les annonceurs – je suis annonceur – s’indignent et dénoncent le manque de professionnalisme d’un trop grand nombre d’instituts et de recruteurs ; les instituts – j’ai longtemps travaillé en institut – rejettent la faute sur leurs commanditaires, qui ne veulent plus payer le juste prix, et leurs sous-traitants ; et ces derniers sur les deux autres parties qui leur imposent des recrutements délirants en des délais encore plus délirants !
Dans de telles conditions, difficile d’espérer qu’un dialogue constructif s’engage facilement, même si la grande majorité des intervenants fait preuve de bonne volonté – un peu comme si une force supérieure s’imposait à nous : une de ces fatalités liées au modèle économique actuel, voire une plaie d’Egypte…
Pour que des solutions émergent – nécessairement collectives –, le dialogue doit impérativement s’engager entre annonceurs, instituts… et recruteurs ; or jusqu’à présent, ces derniers ne disposaient d’aucune structure représentative et se retrouvaient ipso facto exclus de toute discussion ; aujourd’hui, ils tentent de se constituer en association et nous ne saurions tous que les encourager dans cette voie.
Une charte de qualité reste à établir. Récemment, recruteurs, UDA et Syntec se sont retrouvés pour en discuter ; mais le sujet est vaste, et les travaux s’annoncent longs. Toutefois, un dialogue tripartite s’est engagé – et cela constitue un point extrêmement positif.
Cependant il y a urgence en la matière : il convient donc de trouver des solutions intermédiaires. Et pour ne plus entendre les sempiternelles antiennes : Les clients serrent trop les prix versus : Nous ne souhaitons pas payer plus chers sans certitude de qualité, je propose d’instaurer plus de transparence.
Il existe des solutions pour recruter efficacement des consommateurs vierges – les recruter au hasard, dans la rue – tout comme il en existe pour ne recruter que des consommateurs professionnels bien rodés – en publiant des petites annonces dans la presse ou sur Internet ; évidemment, le prix à payer n’est pas le même !
Le problème aujourd’hui, c’est que lorsqu’on commandite des groupes qualitatifs, on ne sait que très rarement ce que l’on achète : aucun devis ne précise comment s’effectue le recrutement, ni même ne précise s’il s’effectue en interne ou non.
Ma suggestion serait que toutes les propositions d’études indiquent qui est en charge du recrutement et si cette personne appartient au cabinet conseil ou à une société indépendante.
En ensuite – surtout – sur quelles bases s’effectue le recrutement :
- Approche directe : le recruteur sollicite des consommateurs qui ne sont pas a priori demandeurs :
- Dans la rue,
- In situ, avec ou sans observation préalable,
- Sur annuaires, pages blanches en B2C et jaunes en B2B,
- Sur annuaires spécialisés en B2B,
- Recrutement spécifiques de cibles très rares.
- Approche sur fichier constitué par approche directe : le recruteur sollicite des consommateurs qui ne sont pas a priori demandeurs et constitue un fichier en vue d’une utilisation ultérieure :
- Dans la rue, le démarchage ne visant pas d’autres buts,
- En fin de questionnement quantitatif en face à face,
- En fin de questionnement quantitatif par téléphone, en cas de terrain aléatoire ou par quotas,
- Sur annuaires, pages blanches en B2C et jaunes en B2B ; annuaires spécialisés également en B2B
- Approche sur fichier constitué sur panel entrant : le recruteur sollicite les répondants par annonces ou mailings et constitue un fichier en vue d’une utilisation ultérieure :
- Par annonces presse, dans la rue, ou Internet,
- Par parrainage,
- Par fichier d’adresses achetés : postal, mails, téléphone, etc.
- Approche sur fichier fournis par le client :
- Fichier interne à l’entreprise,
- Fichier acheté par l’entreprise,
- Access panels,
- Mégabases ou assimilés.
- Approche spécifiques et rares :
- Consommateurs ayant préalablement répondu à une enquête quantitative dans le cadre de la même étude,
- Appel sur petites annonces spécialisées : recrutement de consommateurs ayant passé une petite annonce pour vendre leur automobile par exemple,
- Autre – dont approches mixtes : à préciser.
Cette liste n’est pas exhaustive ; je remercie Pierre Ferrer et Isabelle Camps qui m’ont aidé à la constituer : vous pouvez tous nous aider à l’améliorer, soit en postant un commentaire, soit en m’envoyant un mail : francois.laurent@adetem.net
En cas de fichiers constitués par le recruteur, il conviendrait en outre de préciser si le consommateur a déjà participé à une ou plusieurs réunions de groupe au cours des douze derniers mois – et si oui, à combien, et sur quels sujets.
Il est clair que ceci ne constitue qu’une première étape, toute comme la constitution des recruteurs en association*, et que la profession ne saurait faire l’économie d’une réelle charte de qualité ; toutefois, j’y vois un réel avantage pour les trois parties en présence : celui de la réalité des prix et du service acheté.
* Les recruteurs indépendants qui souhaitent en savoir plus peuvent contacter Isabelle Camps : isabel.camps@wanadoo.fr ou Carlos Corsmata : carlos.corsmata@forumetudes.com
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19/06/2006
Sémioticiens, Cogniticiens, même combat !
Bon nombre d’ouvrages traitant de la communication publicitaire se référent au schéma de Shannon et Weaver, ce qui est une hérésie, les travaux de ces ingénieur et philosophe américains concernant essentiellement les transmissions… télégraphiques et téléphoniques !
Dans ces cas précis, le signal émis doit parvenir au niveau de la cible dans l'état le plus proche de ce qu'il était au niveau de la source : si vous lancez un SOS, mieux vaut pour vous que celui qui le capte le perçoive également comme un SOS.Le schéma précédent présuppose pour toute communication six éléments essentiels : l’émetteur qui encode son message avant de le diffuser sur un canal, ou média, à un récepteur, à charge pour ce dernier de le décoder ; reste le bruit, extérieur au processus, mais qui peut le perturber.
Manquait initialement la notion de retour – ou feed back – qui viendra ultérieurement compléter le modèle. Moyennant quoi il devenait aisé de l’utiliser pour la communication publicitaire, d’autant qu’ici les choix entre médias occupent une position capitale ; et si le consommateur ne saisit pas à la perfection le sens du message qui lui est destiné, c’est qu’il y a de la friture sur la ligne.
Seulement, c’est peut-être aller un peu vite en besogne que d’assimiler le cerveau humain à une puce ou à une membrane microphonique : que celle-ci vibrera toujours pareillement soumise à ces conditions physiques identiques, notre encéphalogramme, quant à lui, tirera des conclusions totalement différentes d’une même information selon l’heure, le contexte – et la personnalité de l’individu, bien évidemment.
En d’autres termes, rien ne garantit un décodage inversement identique à l’encodage. Pire : aucun ne saurait l’être. Ce que soulignent Dan Sperber et Deidre Wilson dans La pertinence : « D'Aristote aux sémioticiens modernes, toutes les théories de la communication ont été fondées sur un seul et même modèle, que nous appellerons le modèle du code. Selon ce modèle, communiquer, c'est coder et décoder des messages. Récemment, plusieurs philosophes, dont Paul Grice et David Lewis, ont proposé un modèle tout à fait différent, que nous appellerons le modèle inférentiel. Selon le modèle inférentiel, communiquer, c'est produire et interpréter des indices »*.
Modèle inférentiel qui, lui, s’applique parfaitement à la communication publicitaire : pour interpréter une annonce, le consommateur va tisser tout un ensemble de liens entre cette matière première vide de sens et les informations déjà classifiées dont il dispose par ailleurs.
Avec l’univers publicitaire qu’il connaît, et notamment le passé de la marque présentée : à qui sinon attribuer ces publicités que Nike ne signe que de son Woosh ? La publicité Ariel ci-contre tire une partie de son sens de l’historique publicitaire Kookai.
Par contre, de tels raccourcis freinent toute tentative de repositionnement puisque notre cerveau nourrira plus aisément son interprétation de ses pré requis que des informations nouvelles, qu’il négligera parce que réputées inutiles : à quoi bon aller chercher dans une annonce Ariel des matériaux que l’on possède déjà par ailleurs ? A moins que ne surgisse un élément perturbateur : comme le style totalement en rupture pour la marque de ce message à la Kookai destiné à forcer la lecture.
Avec le médium supportant le message : sans affirmer aussi catégoriquement que Marshall Mc Luhan : « Le message, c’est le médium »**, l’étude des Climats de lecture*** de la presse magazine a montré combien le contexte rédactionnel pouvait enrichir la perception des annonces qui y sont insérées, et en faciliter, ou en perturber, la lecture : un titre féminin élitiste magnifiera le parfum, un autre, plus populaire, le transformera en une banale eau de toilette.
Avec sa propre existence, son propre vécu, ce qui se révèle souvent moins maîtrisable : tant que message se situe sur le plan des archétypes sociaux et d’un imaginaire plus ou moins collectif, l’intellection en sera assez prévisible ; mais s’il s’en vient buter sur des expériences plus personnelles, il pourra se charger de connotations, parfois positives, plus souvent négatives, peu contrôlables.
Ainsi les divers messages de solidarité suscitent-ils un écho plus favorable auprès de ceux qui connaissent de telles situations dans leur entourage propre ; et plus couramment les femmes en attente d’un premier enfant se montrent plus attentives aux publicités pour les produits de puériculture.
Avec les éléments contextuels les plus variés : quand le Crédit Agricole utilise la chanson Imagine de John Lennon, ou Microsoft Start me up des Rolling Stones, ce sont les valeurs de rébellion de toute une génération, aujourd’hui bien encadrées pour ne pas dire embourgeoisées, qui resurgissent et s’en viennent enrichir un propos par trop commercial. La communication des parfums et autres produits de mode joue énormément sur les connexions hypertextuelles à la création artistique.
Le modèle inférentiel proposé par les sémioticiens recoupe étroitement les modes opératoires du cerveau humain mis en évidence par les sciences cognitives, en contredisant tous deux les modèles mécanistes comme celui de Shannon et Weaver. Nous avons déjà analysée, notamment dans L’image de marque au fond d’un verre de vin – note du 29.03.2006 –, comment fonctionne notre cerveau. Nos perceptions se construisent avant tout par un dialogue entre organes des sens et mémoire à long terme, dialogue orchestré par le lobe temporale et surtout l’hippocampe.
Surtout, elles doivent plus à notre mémoire à long terme qu’a nos sens : ceux-ci se contentent de lui fournir les indices permettant de retrouver les informations nécessaires et pertinentes dont nous disposons déjà par ailleurs. Les sciences cognitives non seulement confirment les approches sémiotiques précédentes, mais elles leur fournissent une topologie : le processus inférentiel se situe au niveau de l’hippocampe.
*Dan Sperber et Deidre Wilson, La pertinence
**Marshall Mc Luhan, Understanding Media.
***François Laurent, Valoriser votre communication.
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