30/03/2009
Xavier Charpentier a-t-il les nerfs solides ?
"Ils forment le coeur de la société française, ceux sans qui rien n’est possible, ceux sur qui la nation compte pour produire et consommer, ceux dont le vote fait la différence. Ceux aussi qui supportent, dans tous les sens du terme, notre modèle social.
"Ce sont les classes moyennes.
"Ces Français qui sont scrutés à longueur de sondages parce que leurs avis sont déterminants dans la formation de l’opinion mais que finalement on connaît peu. Que ressentent-ils vraiment ? Comment vivent-ils avec un pouvoir d’achat en berne ? Se sentent-ils dans une société bloquée ou craignent-ils les réformes que l’on nous annonce ? Est-ce qu’ils paniquent devant la crise qui arrive ou gardent-ils pour l’instant la tête froide ?"
Dans Les nerfs solides - Paroles à vif de la France moyenne, qu'ils viennent de publier aux Nouveaux débats publics, Xavier Charpentier et Véronique Langlois posent les bonnes questions, celles d'un débat que j'ai déjà initié ici : par delà le scandale des escroqueries banquières, c'est quoi, la réalité de la crise au quotidien ?
Avec Véronique, Xavier a créé Free Thinking ; il est aussi membre du Comité Scientifique de l'Adetem.
MarketingIsDead : Qu'est-ce qui vous a amenés, Véronique et toi, à vous pencher sur la situation des classes moyennes ?
Xavier Charpentier : Un peu le hasard, un peu l'intuition.
Un peu le hasard : au départ, c'étaient bien sûr les sujets des investigations qui nous intéressaient au premier chef - l'opinion des Français sur les candidats aux élections présidentielles, sur les réformes engagés, sur les marques dans un contexte de pouvoir d'achat attaqué...
Et puis, au fil des investigations, nos communautés elles-mêmes sont devenues, en un sens, notre sujet d'étude, tant elles se sont avérées passionnantes à cerner, avec des valeurs communes très fortes au-delà de leurs préoccupations quotidiennes.
Un peu l'intuition aussi, que c'était là que "ça se passait" aujourd'hui, que c'était autour des classes moyennes, élément pivot à la fois de la société de consommation et de notre démocratie. Parce que sans elles, rien n'est possible. Parce que ce sont elles qui font à la fois les carrières politiques, en votant ...
Et les marques, en les élisant ! Bref, l'intuition très forte que ceux que qui nous sont (trop) souvent présentés comme le "ventre mou" de la société avaient en réalité des convictions "dures".
MarketingIsDead : "Je me dois de tout restrictionner" lance une de vos blogueuses : pourtant, elle ne fait partie des Français réellement pauvres, bien au contraire, remarques-tu. Alors pauvreté psychologique, discours dans l'air du temps ... ou réalité sociale ?
Discours dans l'air du temps, je ne pense pas - en tous cas pas au moment où nous avons mené ces enquêtes, alors que beaucoup d'experts continuaient à s'interroger sur la réalité de la baisse du pouvoir d'achat.
Réalité sociale, oui, sans doute, pour des raisons qui commencent à apparaître au grand jour - comme la stagnation des salaires et des revenus réels depuis 10 ans : un salaire qui augmente de, disons 3% par an pendant 8 ans, cela peut sembler important ... Sauf que si sur la même période, c'est-à-dire en temps "humain" entre 24 et 32 ans par exemple, on s'est marié et on a un eu 1 ou 2 enfants, alors en fait cette augmentation légèrement supérieure à l'inflation ne représente pas grand chose.
Pauvreté psychologique : oui, à l'évidence, et finalement c'est là le plus important. Parce qu'au fond c'est la réalité perçue qui compte, pour le marketeur mais plus généralement pour le reponsable, économiqaue ou politique : si tout le monde a l'impression de devenir pauvre, vous pouvez toujours essayer de prouver statistiquement que le revenu moyen a augmenté de quelques pourcents, vous avez un problème .
Et vous avez plus intérêt à dépenser votre énergie à diagnostiquer et à résoudre les causes de ce problème, de cette distorsion entre "votre" réalité et la leur, qu'à expliquer sa non-existence.
Peut-être que les élites devraient un peu plus s'interroger sur la validité de leurs instruments d'appréhension de la réalité, ou sur les outils conceptuels qu'elles mettent en oeuvre pour la lire, et un peu moins sur la réalité que leurs contemporains leurs disent vivre tous les jours...
MarketingIsDead : Traditionnellement, ces classes moyennes constituent un inestimable réservoir pour la consommation : ce sont eux qui achètent massivement les produits marqués, n'hésitant pas à payer la qualité à son juste prix. C'est même la cible marketing par excellence : tout un marketing à réinventer, un marketing de la "pauvreté" ou du moins des "restrictions" ?
Xavier Charpentier : Tout un marketing à réinventer, oui bien sûr - et c'est naturel, on ne peut pas faire du marketing en 2009 comme en 1980 !
Un marketing de la "pauvreté" ou de "restrictions", non : les classes moyennes, comme tu le soulignes, continuent à désirer les marques. Elles ne souhaitent pas du tout sortir de la société de consommation, elles ont bien plutôt l'impression d'en être expulsés de force !
En revanche, oui elles attendent aujourd'hui autre chose des marques et des enseignes de la grande distribution. Un marketing de l'utilité. Dans lequel la marque doit justifier de son existence, de son rôle à la fois quotidien, imaginaire ET social en permanence.
MarketingIsDead : Vous avez amenés quelques dizaines de Français à dialoguer sur la toile : or de telles conversations ne sont neutres, et l'on constate souvent qu'elles aboutissent à des consensus. La volonté d'agir, de construire quelque-chose de nouveau que l'on voit émerger, peut-elle résister à l'épreuve des faits, une fois ces individus retournés dans leur train train quotidien ?
Xavier Charpentier : C'est une vraie question. A ce jour, il n'y a pas de réponse, encore moins, ai-je envie de dire, aujourd'hui que nous avons menés d'autres blogs sur la crise de la rentrée, les mouvements sociaux et les propositions du Gouvernement.
Tout est plus que jamais ouvert. Notre analyse, c'est que ces Français qui ont parlé avec nous et entre eux ont vraiment envie que les choses changent, que nous inventions ensemble quelque chose de nouveau et de meilleur, de se rassembler, au-delà du consensus, sur quelques principes forts et en fait souvent politically incorrect (arrêter l'assistanat, par exemple).
Mais qu'en même temps, ils ne sont plus disposés à accepter l'idée de se sacrifier pour des lendemains meilleurs. Les sacrifices, ils estiment les avoir déjà fait. Donc, la balle n'est plus dans leur camp.
... et pour ceux qui veulent poursuivre le débat, rendez-vous le 29 avril à 9 heures, pour une réunion du Club Marketing 2.0 de l'Adetem au cours de laquelle, Xavier présentera son ouvrage.
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26/03/2009
En direct (des blogs) de Chine
Quand il y a quelques mois j'ai constitué mon panel de blogs chinois, à l'instar de celui que j'avais élaboré un an plus tôt au sein de la blogosphère japonaise, j'ai été surpris par la prolixité des résidents français dans l'Empire du Milieu.
Surprise aujourd'hui : bon nombre d'entre eux se taisent, comme si la vie les avait attirés vers d'autres pass
ions, d'autres centres d'intérêts - alors qu'au Japon, on constate une bien plus grande stabilité. Sans doute me faudra-t-il très prochainement "recruter" de nouveaux blogueurs en Chine !
Peu de papiers sur la crise économique ... mais n'oublions pas la Chine se sent moins concernée que la France ou les USA, car elle "devrait vraisemblablement atteindre son but de 8% de croissance du produit intérieur brut cette année", rappelle Aujourd'hui la Chine ... ce qui laisse rêveur quand on parle chez nous de résultats négatifs.
Non, ce sont les libertés qui préoccupent le plus ces jours-ci nos blogueurs, et la situation au Tibet : "plus de 90 moines tibétains ont été arrêtés ou se sont rendus à la police dans une ville à forte population tibétaine du nord-ouest de la Chine après l'attaque d'un poste de police par plusieurs centaines de personnes", souligne encore Aujourd'hui la Chine.
Le Journal d'un Chinois évoque, quant à lui, comme "ACFTU, le syndicat officiel a tenté interrompre, bien évidemment sous l’ordre du parti, une évolution spontanée politique et sociale importante", à savoir une "association" de travailleurs migrants : ces derniers constituent, rappelons-le, une main d'œuvre extrêmement bon marché et "jetable", entièrement à la merci des nouveaux patrons.
Aujourd'hui, ces migrants "sont contraints de retourner à la campagne, et face à la baisse des salaires que l’on constate à tous les niveaux, beaucoup de fonctionnaires vont jusqu’à conseiller aux migrants de “réduire leurs attentes en matière de rémunération”.
Bref, la crise semble moins visible dans les grandes villes côtières - où demeurent les expatriés occidentaux - parce que les premières victimes de la dite crise en sont très discrètement éloignés : de l'ordre, encore de l'ordre !
Pas très gai, tout cela : heureusement, un improbable animal s'en vient mettre une note d'humour dans le paysage, de Si Mao savait à Quand la Chine déblogue...
"L’alpaga, une sorte de lama des hauts plateaux andins au pelage bouclé, est devenu le symbole improbable d’un mouvement de résistance à la censure en Chine par le biais de la dérision".
Comment ? Une vidéo circule sur la toile montrant comment "au terme d’une bataille épique pour préserver leur environnement, les alpagas mettront en déroute les crabes d’au douce qui envahissaient leurs steppes".
Or "dans le langage codé de l’internet chinois, les crabes d’eau douce, ou hexie, rappellent le mot « harmonie » et donc la « société harmonieuse » dont le président Hu Jintao a fait le paradigme de son mandat". Et difficile de censurer tous les sites évoquant ces crables ... à moins de vouloir également censurer le président Hu Jintao lui-même !
Si la blogosphère chinoise peut désormais tourner impunément les autorités en dérision ... Il y a quelque-chose de pourri au royaume ... pardon, dans l'Empire du Milieu !
Publié également sur Intelligence Collective.
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24/03/2009
Les emplois de Fabrice Lacombe
Fabrice Lacombe vient de publier avec Lucie Robequain : Les emplois de demain, au Cherche Midi, une "prospective du marché de l'emploi et des métiers de recrutement à l'horizon 2015", comme le précise la sous-titre.
Rencontre avec le président pour la France du cabinet de conseil en recrutement Michael Page International et de l’entreprise de travail temporaire Page Personnel.
MarketingIsDead : L'art de de la prévision est difficile : tu évoques dans la première partie du livre l'attrait qu'exerce Londres sur les jeunes diplômés. Sauf ces dernières semaines, la City et la livre ont plongé : plus du tout aussi attractif l'expatriation anglaise ! Ne s'achemine-t-on pas vers d'autres flux migratoires ? Car "si vous avez encore une livre sterling en poche, vendez-là : c'est fini", déclarait récemment Jim Rogers, l'ancien associé de George Soros.
Fabrice Lacombe : La City demeure une place de référence mais, effectivement, la crise financière à inversé le marché de l'emploi qui n'est plus en faveur des candidats et, même si l'immobilier y est devenu plus accessible, une rémunération en livres présente moins d'avantages. Gardons tout de même en tête que le marché de l'emploi anglais a été certes très réactif à la baisse mais a aussi une capacité de rebond rapide très forte.
MarketingIsDead : Le portage salarial attire de plus en plus de fortes personnalités qui ont choisi la voie de l'autonomie et de l'indépendance ; des professionnels souvent de haut niveau qui ne comptent sur personne pour leur trouver des clients. Le portage, c'est, philosophiquement parlant, l'antithèse de l'intérim où le travailleur est totalement dépendant de l'entreprise qui le place : n'est-ce pas étrange de vouloir confier à l'intérim la mission d'encadrer le portage salarial. Surtout sans consulter les salariés portés qui sont plutôt hostiles à l'intérim.
Fabrice Lacombe : C'est un vaste et complexe sujet qu'il me semble dommage d'aborder de façon aussi polémique, le Portage est une nouvelle forme de travail en pleine expansion et répond à un vrai besoin, l'Interim a été sollicité pour apporter son expérience de la relation tripartite (expérience qu'aucune autre branche ne possède) afin de définir le cadre du portage (attention à ne pas mal interpréter le verbe encadrer), les portés n'ont donc pas vocation à devenir intérimaires, à suivre sur les mois qui viennent afin de voir commence avancent les choses.
MarketingIsDead : La sortie des seniors du marché du travail n'est pas gérée : les garder plus longtemps n'est pas la solution - même si je trouve scandaleux la politique d'une grande majorité d'entreprise de se débarrasser de ses quinquagénaires ! Le véritable question est celle de la transmission d'un savoir, d'une génération à l'autre, que nul ne songe à organiser.
Fabrice Lacombe : Oui. La question des séniors progresse mais pas assez vite, nous venons de publier au sein de l'association de cabinets de recrutement que nous avons co-fondée ("à compétence égale") un guide sur le sujet afin de continuer à faire avancer les choses, il y a la transmission du savoir mais aussi la contribution permamente des séniors au sein des entreprises qu'il faut revaloriser, un des axes est la mise en exergue de leur expérience, de leurs compétences.
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23/03/2009
RATP : Vive la prévention !
Vendredi 20 Mars en fin d'après-midi, le métro stationne station Picpus quand retentit une annonce de service :
"En raison d'importants travaux de rénovation, la station Trocadéro sera fermée sur la ligne 6 jusqu'au Vendredi 13 Mars inclus".
Sourire en coin des passagers quand nous proviennent les échos d'une conversation radio entre le conducteur et un interlocuteur distant : "C'est une annonce de prévention".
De prévention ?
Paco Rabanne, qui avait imprudemment annoncé que la station spatiale Mir allait s'écraser en France le 11 Août 1999, juste avant une éclipse totale de soleil, devrait en prendre de la graine : à la RATP, on n'annonce que les évènements passés !
07:50 Publié dans Un peu de bon sens | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
19/03/2009
Réputation en ligne, éthique des marques : comment les apréhender ? comment les gérer ?
Aujourd'hui, plus question pour une marque d'avancer masquée sur la toile : tout se sait, tout se dénonce immédiatement.
Hier, les marques soignaient leur image à coups d'investissements publicitaires colossaux ; aujourd'hui, il leur faut prendre garde à leur réputation.
Ce qui ne se fait en investissant massivement les médias, mais en discutant très sincèrement avec les parties prenantes : toutes les parties, y compris les humbles blogueurs de la long tail.
A l'heure ou entreprise et marque se confondent et ou leur citoyenneté est interrogée, écouter les critiques ,échanger avec les clients, la société civile est le seul moyen de co-construire le monde de demain.
Tel sera le thème de la conférence thématique que j'aurai le plaisir d'animer avec Elisabeth Reiss, d'Ethicity, lors des Journées de la Communication et du Marketing (c'est ne nouveau nom du Salon MD Expo), le Mercredi 1 Avril, de 13 heures 45 à 14 heures 45 (Plateau TV1).
Inscriptions ici.
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