08/12/2015
Le marche des objets connectés n’existera jamais
Les objets connectés sont à la mode, et nul doute que les startups françaises seront encore à l’honneur au prochain CES de Las Vegas, en janvier 2016.
Les chiffres les plus fous circulent sur ce « marché » que d’aucuns estiment à près de 2 milliards de dollars en 2020 – même si on ne sait pas trop ce que l’on met dedans ! Et rien qu’en France, ce sont 2 milliards d’objets connectés qui devraient être vendus d’ici 2020 …
Pourtant, à mon humble avis, et quoi qu’en pense tous les gourous du secteur, le marche des objets connectés n’existe pas encore … et n’existera jamais.
Il n’existe pas encore parce qu’un objet ou un service n’existent qu’au travers des usages qui en sont faits : avant, c ne sont que des « choses » sont fonction – donc sans réalité. Or mis à part une clientèle de geeks très présente dans le monde du marketing et de la communication, personne ne s’intéresse vraiment aux objets connectés. Et surtout, personne n’en achète : le consommateur lambda n’y trouve encore aucun réel intérêt.
Il n’existera jamais parce que dans quelques années, TOUS les objets seront connectés : c’est juste la loi de l’évolution technologique, on n’imagine pas un fabricant rester en dehors du mouvement ; donc il sera aussi vain de vanter les mérites de sa machine à la laver connectée que ceux de sa machine à la laver branchée sur le 220 volts. La révolution de l’Internet des Objets, elle ne se situe pas dans les objets, mais dans l’Internet – la fait que les objets parleront aux objets comme les êtres humains dialoguent entre eux.
Et la marketing dans tous ça ? Il devra faire face à deux challenges.
Celui de trouver des usages aux objets nouveaux – ou plutôt à la capacité qu’auront des objets on ne peut plus banals à communiquer entre eux. De vrais valeurs d’usage, pas du gadget : car jamais les consommateurs ne paieront pour des features qui ne leur servent à rien – sauf les geeks qui pullulent dans le microcosme du marketing.
Mais surtout, et c’est le second challenge, de savoir traiter en temps réel l’avalanche de nouvelles données qui vont leur tomber dessus : car Internet des Objets se conjugue nécessairement avec Big Data. Et là, il va falloir trouver mieux que des solutions aussi simplistes que le retargeting : car franchement, se voir proposer pendant des semaines une machine à café alors qu’on vient juste d’en acheter une, c’est lassant.
Deux challenge de poids et deux problématiques tout aussi lourdes également en vue.
La première d’ordre juridique : déjà que tous les problèmes liés à l’émergence du Net (du vieux Net, pas du Web social …) sont loin d’être résolus, on va se retrouver face à de gigantesques flous (trous ?) juridiques.
La seconde d’ordre éthique : jusqu’où les (mauvais) marketers vont-ils aller dans le sens du nom respect du consommateur ? Sûr, d’aucun vont rééditer le coup des spams pour le Viagra ! Imaginez, demain vous aller acheter un pack de lait dans le centre commercial voisin … et votre montre n’arrête pas de vibrer à cause des multiples SMS que vous adressent les multiples beacons ! Et ce n’est qu’un tout petit exemple de ce qui peut nous attendre.
Bref, le marche des objets connectés n’existera sans doute jamais … mais ses dérives, elles, risquent de se multiplier.
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01/04/2015
Le marketing exerce-t-il un rôle sociétal ?
Le marketing exerce-t-il un rôle sociétal, peut-on légitimement évoquer le rôle sociétal du marketing ? Selon les périodes, selon les entreprises, selon les secteurs économiques concernés, la réponse apparaît plus ou moins évidente, voire pertinente. Question subsidiaire : ce rôle est-il positif, ou négatif ? En fait, seuls les gens de marketing se posent réellement la question, simplement parce que les consommateurs y ont apporté leur réponse … négative.
Dans les années 50, si la question ne se posait pas, la réponse serait certainement apparue évidente : oui, le marketing est utile, il permet aux consommateurs de découvrir et accéder à un progrès sans précédent ; ce sont les Trente Glorieuses et l’époque du Modernisme – que l’on pourrait nommer ainsi puisque la suivante sera qualifiée de postmoderniste ! Et nos compatriotes de quitter des maisons rurales peu salubres, pour des appartements urbains modernes, et goutter aux joies d’un équipement confortable : machine à laver, réfrigérateur, télévision.
Il permet de découvrir des produits et services performants, même s’il participe encore peu à leur conception : les ingénieurs dominent les process, et de toutes façons, pas vraiment besoin de demander aux clients potentiels s’ils rêvent de posséder un lave-linge ou une voiture tant leur marché se révèle dynamique ; le marketing n’est pas là pour donner envie d’acheter un bien de consommation courante ou durable : juste pour faire préférer celui d’une marque à celui d’une autre. Et entre une Citroën 2 CV et une Renault 4, pas vraiment de risque de confusion : chaque voiture présente des caractéristiques propres et des atouts spécifiques.
Evidemment, c’est quand les producteurs vont lancer pléthore de produits quasi identiques que l’on va demander au marketing d’intervenir plus efficacement, à la fois en amont et en aval. En amont, dans la conception même des offres, pour mieux les différencier des concurrentes ; et en aval, pour mieux faire percevoir leur originalité par les populations visées.
Le marketing devient guerrier : cible, stratégie, tactique, conquête … et dans une guerre, il y a toujours des victimes.
Passons l’époque postmoderne – qui, n’en déplaise à quelques théoriciens nostalgiques, s’est bien achevée avec le millénaire : où en est la société … et ou en est le marketing ?
D’un point de vue économique, ce n’est plus l’enthousiasme des Trente Glorieuses : d’aucuns ont parlé des Trente piteuses … sauf que les années noires durent depuis plus longtemps ! Les inégalités, qui se comblaient doucement durant la période précédente, se creusent à nouveau, et les citoyens doivent développer des stratégies de consommation alternatives pour survivre, d’où le succès de la nouvelle économie du partage – économie dont le moteur premier n’est d’ailleurs pas le partage, mais d’ordre financier.
De nouveaux progrès technologiques tirent la consommation avec une multiplication des offres et une double conséquence : d’une part, ce sont des Français au pouvoir d’achat brinquebalant qui doivent économiser sur des postes essentiels comme l’alimentaire pour pourvoir accéder à ces nouveaux services ; d’autre part, les marques traditionnelles doivent se démener pour continuer à exister – et à vendre – à côté des GAFA et futurs GAFA.
Enfin le temps s’est considérablement accéléré … et s’accélère encore ! D’où un décalage générationnel de plus en plus flagrant.
Quelle est la place réservée au marketing dans les entreprises ? Dans les startups – qui rêvent toutes de devenir des GAFA, bien évidemment : nulle part ! Leurs managers possèdent – ou pensent posséder – une vision claire de leur marché, de leur offre, de la voie royale qui s’ouvre devant eux ; alors le temps qu’ils ne consacrent pas au développement technologique, ils le passent à chercher des financements … pas à se soucier de clients qui de toutes façons, ne pourront d’aimer ce qu’ils leur proposeront.
Et dans les nouvelles entreprises technologiques, GAFA et challengers ? Bien souvent, réduit à la portion congrue – à celui de support à la vente : c’est la course à la croissance qui prime, avec deux leaderships, celui des ingénieurs – que nul n’oserait remettre en question : ils ont construit les succès d’hier ; et celui des financiers – qui consolident l’ensemble par croissance externe.
Ce qui n’empêche pas les consommateurs et leurs défenseurs d’accuser le marketing de tous les maux : mais franchement, quand Steve Jobs hier, Tim Cook aujourd’hui, multiplient les effets d’annonces, et rendent obsolètes d’un coup de baguette magique les produits d’hier, doit-on vraiment montrer le marketing du doigt ? L’obsolescence programmée, est-elle réellement de son fait … ou faut-il chercher ailleurs, et plus haut ?
Quant aux autres entreprises, celles qui ne sont pas concernées par cette fuite en avant technologique ? Elles doivent continuer à exister, voire affronter des défis complexes, dans un monde de plus en plus difficile pour elles.
A quoi leur sert le marketing, sinon créer, adapter leurs produits pour les rendre plus conformes aux attentes, aux besoins, aux désirs des consommateurs ? En fait, elles lui demandent toujours la même chose qu’il y a un demi-siècle, mais dans un contexte bien plus dur : parce les consommateurs disposent de moins d’argent, parce qu’ils préfèrent le dépenser en communication qu’en textile ou en alimentaire … Pas simple.
Le marketing devient le porte-parole du consommateur dans l’entreprise : si l’entreprise est honnête – et elles le sont dans leur grande majorité –, elle ajuste son offre aux souhaits de ses clients et prospects ; si elle l’est moins, elle cherche à tricher … quitte à se faire prendre la main dans le sac et dénoncer sur les médias sociaux. Globalement, les entreprises qui développent un marketing intelligent ont certainement plus de chance de réussir que les autres.
Maintenant, les efforts ne sont pas toujours aisés à mener : quand l’industrie automobile voit les conducteurs renoncer à l’achat d’un véhicule pour préférer des systèmes de déplacement alternatifs, c’est tout un business model à revoir – et derrière, des investissements gigantesques.
Le rôle sociétal du marketing se révèle finalement assez modeste : il ne constitue qu’un des rouages des entreprises – un rouage bien nécessaire cependant. Car si les patrons visionnaires s’en passent allègrement – toujours le mythe Steve Jobs –, on oublie un peu trop les patrons visionnaires qui ont conduit leur entreprise à la faillite !
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25/11/2014
De l'intelligence à la bêtise collective
Aujourd’hui le Web 2.0 se mue en Web social et ses valeurs se pervertissement.
Le Web 2.0, Wikipédia en tête, incarnait le royaume un peu utopique – et pourtant bien réel – de l’intelligence collective : des milliers d’anonymes qui se mobilisaient autour d’un projet d’un projet pharaonique, sans en attendre d’autres retours que d’y avoir participé.
A y regarder de plus près, Wikipédia dérogera très rapidement au schéma chimérique originel … si tant est que tel schéma n’ait jamais existé. En théorie, tout un chacun peu rédiger et publier un article au sein de l’encyclopédie ; en pratique, il faut non seulement respecter un certain nombre de règles qui peuvent dérouter les néophytes, mais également accepter de passer sous les fourches caudines des « administrateurs ».
Votre papier n’est pas jugé « éligible » : vous risquez de la voir brutalement disparaître sous les ciseaux électroniques d’un administrateur de Wikipédia (= « un utilisateur élu par la communauté pour en assurer la maintenance via des outils techniques particuliers »).
Tout le monde peut poser sa candidature ; après il faut recueillir des votes favorables, sachant que « la définition d'un vote "favorable" relève du pouvoir discrétionnaire des bureaucrates et s'appuie sur un ratio de pour/contre plus ou moins défini » ! Wikipédia France compte aujourd’hui 7 bureaucrates et 173 administrateurs.
Wikipédia constitue plus une oligarchie qu’une réelle démocratie, ce qui peut paraître frustrant par rapport au mythe fondateur (= l’idéal du Web 2.0) mais aura certainement permis la survie de l’institution face de réels dangers de dérives (= réécriture de faits historiques, rumeurs et calomnies concernant des personnages publiques, etc.).
Dérives auxquelles n’échappera pas un autre site emblématique du Web 2.0 : AgoraVox. Les conspirationnistes y ont construit leur nid depuis presque les tout débuts, tout d’abord très discrètement, en rédigeant 4 papiers aisément acceptables par les modérateurs – soit les milliers de rédacteurs ayant publié au moins 4 articles. Ensuite, on devient soi-même … modérateur !
Avec évidemment la possibilité de publier des articles de plus en plus orientés – bref, de moins en moins conformes à l’éthique journalistique, et à celle du support lui-même.
Premier avantage pour le petit malin : profiter de la visibilité que confère un titre aussi puissant, qui bénéficie d’un PageRank de 6 ; second avantage : un lien hypertexte convenablement placé en signature renverra vers le blog du rédacteur, ce qui ne pourra que favoriser à son référencement. Aujourd’hui, il devient difficile de systématiquement dupliquer les contenus sur les deux médias, sous peine de se voir blacklister par les moteurs de recherche, mais nos conspirationnistes en ont usé et abusé dans les premières années du Web 2.0.
Mais le Web social ne véhicule qu’une part des rumeurs : les plus pernicieuses voguent de boîtes aux lettres en boîtes aux lettres. Les chaînes de mail ne datent pas d’aujourd’hui : elles ont commencé à se développer dès les premiers jours de la toile, bien avant le Web 2.0. Si depuis les forums, puis Facebook et Twitter relaient à leur tour des quantités impressionnantes de fausses informations, les courriels continuent de charrier quotidiennement leur lot.
La plupart utilisent d’ailleurs désormais les deux canaux : Web social et chaînes de mail, ce dernier vecteur pour au moins deux raisons.
D’une part de nombreux internautes, notamment les plus âgés mais pas seulement, hésitent à franchir le pas qui ferait d’eux de réels et actifs socionautes ; par contre en relayant – sans forcément toujours y adhérer – les multiples messages qu’ils reçoivent, il leur semble participer activement à la grande communauté du Net et ne pas rester en deçà de la sinistre fracture numérique.
Par ailleurs, les chaînes de mail correspondent mieux à la mécanique des rumeurs qui s’appuient toujours sur des sources d’autorité mais non vérifiables, qu’elles soient lointaines (des chercheurs aux USA, par exemple) ou nécessairement anonymes (des proches du gouvernement, des membres des forces de l’ordre qui ne peuvent s’exprimer publiquement, etc.) : le même message publié sur un forum risque de se voir contredit au vu et su de tous par un expert compétent.
D’autant que des sites comme hoaxbuster.com traquent et démontent toutes les désinformations qui passent à leur portée : là, c’est même l’intelligence collective (= une foule d’internautes un peu plus avertis) qui traque la bêtise collective. Car si « hoax » se traduit par canular, la plupart des sujets évoqués relèvent plus des rumeurs pernicieuses que du simple gag, les plus nombreuses désormais se caractérisant par une cible, une source, et un bénéficiaire car … in fine la thématique importe peu.
Prenons le dernier ragot dénoncé par hoaxbuster : on nous a dissimulé que le vaccin ROR augmente de 340% les risques d'autisme[1].
La cible, ce sont les autorités sanitaires qui œuvrent pour la vaccination des populations, avec un certain succès puisqu’une maladie comme la variole a pu être déclarée éradiquée en 1980 ; les bénéficiaires, ce sont tous les groupuscules qui militent contre la vaccination, qu’elles qu’en soit les raisons : ici l’association Initiative Citoyenne[2] (la plupart du temps, ces derniers sont plus difficiles à identifier).
Bien sûr il ne suffit pas de crier haut et fort que « le vaccin ROR augmente de 340% les risques d'autisme » pour que les internautes y croient : il faut le prouver, essentiellement en faisant référence à une source crédible – dans le cas présent, un article publié sur le site en ligne de CNN : que du sérieux !
Sauf que le dit papier se situe dans une partie de type UGC[3] du site ; que le site lui-même a ensuite publié un long article contredisant les allégations avancées : en d’autres termes, la source réelle n’est pas CNN, mais un simple opposant à la vaccination (tout comme les rédacteurs d’Initiative Citoyenne) … mais qui va cliquer sur le lien vers le site de CNN et se donner la peine de suivre un débat complexe, de surcroit en anglais ?
Quand les rumeurs circulent par mail, plus grand monde ne pas prendre la peine d’en vérifier la véracité sur la toile : et de toutes façons, si CNN (ou n’importe quelle autre source d’autorité) le dit …
Dans le petit monde du marketing, difficile de lancer des rumeurs pour nuire à ses concurrents : le bénéficiaire sera très rapidement identifié et ses actes se retourneront rapidement contre lui. Samsung en a fait la dure expérience en 2013 en suscitant de faux commentaires à l’encontre de son compétiteur taïwanais HTC : ses smartphones planteraient pour cause de … moisissure ! Non seulement la supercherie aura rapidement été démasquée, mais leader coréen dut non seulement affronter les sarcasmes des internautes, mais aussi les foudres de l'autorité de la concurrence taïwanaise.
Toutefois, quand les rumeurs ne visent pas une marque particulière mais assez globalement, les produits ou services commercialisés par de grandes marques, cela peut assez aisément fonctionner : on rejoint alors le schéma général avec des bénéficiaires diffus, voire masqués ; des cibles quasi institutionnelles, donc nécessairement suspectes – reste alors à trouver des sources crédibles et peu vérifiables.
En 2009 circulait dans la blogosphère de nombreux messages soulignant la nocivité du parabène : ce conservateur, utilisé tant en cosmétique qu’en alimentaire et en pharmacie, souffre d’une image désastreuse – Wikipédia botte en touche en précisant juste que des « études aux résultats contradictoires [ont] été publiées concernant l'effet sur la fertilité et le potentiel cancérigène ».
Peu importe la réelle dangerosité du parabène : ce qui nous intéresse ici est que nombre de ces discours anxiogènes provenaient de blogs liés à des sites vendant … des cosmétiques bio – donc sans parabène ! L’effet sur les internautes est immédiat, d’autant que thanatos s’invite dans les conversations : « J’ai peur du PARABEN. Ce nom chimique est contenu dans MES produits de beauté et cosmétiques … Et il parait que ça donnerait le cancer », note cette blogueuse.
La source de toutes ces rumeurs : une étude britannique de 2004, dont les résultats n’ont pas été jugés probants par la communauté scientifique – ce qui cependant n’empêche pas les opposants au parabène de s’y référer constamment.
Cibles (les grandes marques de cosmétiques – sans bien évidemment jamais les citer), source (une étude anglaise controversée – mais ça, on ne le dit pas), et bénéficiaires (de petits sites de vente en ligne de cosmétiques bio) : le schéma classique des rumeurs … J’ai déjà évoqué le moteur à eau, les couches qui brûlent les fesses des bébés : cherchez les bénéficiaires !
Mais bien évidemment, ce sont les rumeurs politiques qui courent le plus vite … et là, on peut même se passer de source : on citera l’histoire de cette mère interpelant « la garde des sceaux, Christiane Taubira, au motif que son fils aurait tué le sien »[4] ; hoaxbuster évoque des versions antérieures argentines et péruviennes, tout aussi fantaisistes.
Seules comptent les cibles – qui souhaite-t-on déstabiliser ? – et bien évidement les … bénéficiaires : le Web social aujourd’hui ne transmet plus de l’information, il doit juste s’analyse sous l’angle du principe d’équifinalité cher aux membres de l’école de Palo Alto[5] : peu importe ce qui est dit, seul compte le résultat obtenu.
Le Web social, de créateur de connaissance – via son intelligence collective – est devenu manipulateur – et source de bêtise collective –, les rumeurs courant de site en site, de profil en profil et de boite mail en boite mail.
Le Web 2.0 constitue une rupture puissante, non seulement dans l’histoire du Web, mais dans celle de nos sociétés contemporaines : le passage d’une communication verticale, hégémonique – celle des médias, des marques, des institutions, à une communication horizontale, égalitaire, de citoyen à citoyen, s’est rapidement révélée porteuse d’espoir, d’un grand espoir, celui d’une civilisation ré-humanisée.
Sa métamorphose en un Web social marque une nouvelle rupture, hélas peu porteuse de progrès : la lecture des rumeurs qui se multiplient chaque jour un peu plus sur la toile ne peu que laisser pessimiste.
On ne s’en revient pas au village d’hier : car dans le village global, l’anonymat est roi, les lanceurs de désinformation avancent masqués, seuls ceux qui les relaient affichent ouvertement leur futilité. Peut-être ce nouveau Web n’est-il que transitoire, peut-être une nouvelle rupture se profilera-t-elle bientôt à l’horizon ? Pour l’heure, il n’en est hélas rien.
[3] User Generated Content : contenus rédigés par des internautes, et non par la rédaction du titre.
[5] Watzlawick, Beavin, Jackson : Une logique de la communication.
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30/09/2013
La crise est à venir … et en attendant, le marketing ?
En attendant la crise – la vraie, pas la Crise cache-sexe des politiques et des économistes, ses nouveaux prêtres –, que peut faire de marketing, sinon s’adapter ?
Les inégalités s’accroissant, deux solutions : cibler en priorité les plus riches – mais de moins en moins nombreux – ou les autres – extrêmement nombreux, mais désargentés.
Cibler les plus riches, tout le monde en rêve et presque tout le monde y pense : quand on leur demande un plan marketing, la majorité des étudiants ne pense qu’à des positionnements de luxe. Et c’est vrai, le luxe constitue un des rares secteurs à ne pas souffrir de la crise ! Mais non seulement le luxe se vend mal chez nous – sauf aux touristes étrangers : le luxe est un produit d’exportation – mais c’est un segment étroit : par essence, les produits de luxe ne visent pas le plus grand nombre.
On vous parlera d’Apple, qui a réussi à imposer ses smartphones au monde entier – et de son inégalable capacité d’innovation, son incroyable storytelling, etc. – mais le leader s’efface aujourd’hui derrière Android – très loin derrière même ! Certes, le luxe – et le haut de gamme – ne se vendent pas qu’aux ultra riches : la classe moyenne supérieure aussi aspire au rêve ; mais elle oscille simplement entre ses envies et … ses moyens.
Sinon, la cible majoritaire du marketing – et celle de tous les produits de consommation courante – c’est une cible en perte de pouvoir d’achat : aux marketers de s’adapter.
Comme les politiques, ils font le gros dos : c’est la Crise, alors on casse les prix – mais de manière ponctuelle. Il suffit de visiter une galerie marchande de banlieue un samedi après-midi pour s’en convaincre : le faux marbre est nickel, les boutiques regorgent de produits et à une extrémité, l’hypermarché draine des flux ininterrompus de consommateurs.
A l’autre, la FNAC offre smartphones et tablettes à l’envie des chalands : on se demande si les journalistes spécialisés ne galéjent pas un peu quand ils déclarent l’enseigne au bord du gouffre, comme Surcouf hier.
Oui, c’est business as usual et tout le monde joue le jeu : les vendeurs qui sourient et les clients qui font semblant de pouvoir se payer tout se qu’ils découvrent en rayons.
La réalité est ailleurs.
A la caisse d’un Lidl de lointaine banlieue où une quinquagénaire pose le contenu de son charriot sur le tapis roulant et demande à la caissière d’arrêter d’enregistrer à partir de 21,50 euros : tout ce dont elle dispose encore en liquide, elle ne veut pas prendre le risque d’un chèque en bois. Elle abandonnera quelques paquets de pâtes et de charcuterie …
A Aignay-le-Duc, en Bourgogne, ou un automobiliste s’arrête à la station service pour « prendre 5 euros », dixit le Monde de ce 22 septembre : « On va entrer dans la dernière semaine du mois, celle où les voitures commencent à rouler de moins en moins ».
Les ultra pauvres ne constituent pas une cible très porteuse … bien que, hélas, très réelle ; et puis, très proche, il y a celle de ceux qui sentent le plancher se dérober sous leurs pieds : la population de base des hypermarchés et autres supermarchés, des centres commerciaux banlieusards – ceux qui calquent en partie leur consommation sur les précédents, parce qu’ils ont peur de claquer tout le fric qui leur reste encore.
Leur consommation n’est pas nécessairement triste : il suffit de se balader dans une brocante pour les voir échanger gaiement, dehors de tout circuit marketé ; ils se retrouvent en ligne sur le Bon Coin, et surtout, ils commencent à se regrouper pour se proposer – entre eux – des produits et surtout des services plus abordables … d’où le succès des sites de covoiturage par exemple pour éviter de ne plus pouvoir se déplacer « la dernière semaine du mois », et même le mois entier.
Les consommateurs s’organisent, parce que pour eux, il ne s’agit pas d’attendre que passe la Crise : juste une question de mieux vivre, sinon de survie. On nomme ça, la consommation collaborative, j’en ai déjà parlé ici.
Les marketers, eux, balancent quelques promotions pour faire un peu de dégagement, et allument quelques bougies sur l’autel de la Crise en espérant une improbable reprise : business as usual …
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25/09/2013
La crise est à venir … j’espère !
L’Occident – façon de parler, puisqu’il convient d’y ajouter le Japon – est en crise depuis … 40 ans : tout a commencé avec les deux chocs pétroliers, s’est amplifié avec les bulles immobilières, Internet, financières …
Pendant ce temps, le pouvoir d’achat salarial en France stagne – réalité masquée dans les statistiques officielles par la progression des revenus non salariés, d’où la progression homéopathique du revenu moyen.
Et surtout, les inégalités ne cessent de s’amplifier … pas seulement chez nous, mais même dans les pays émergents, comme je l’évoquais récemment ici très récemment : contrairement à nos Trente Glorieuses, les citoyens les plus pauvres des BRICS … le restent !
Bref, la situation n’est pas : les vieux (pays) se révèlent incapables de relever les nouveaux défis économiques, contrairement aux plus jeunes ; mais le clivage riches / pauvres s’accentue partout.
Les plus riches se répartissent un peu partout de par le monde entier, et leur pouvoir transcende celui des états : d’ailleurs, ils se rient des états, puisqu’ils se débrouillent pour ne pas payer d’impôts – acceptant de ci, de là, de laisser quelques miettes comme l’a fait récemment Google pour la presse française.
Une situation qui perdure depuis bientôt un demi siècle n’a rien d’anormal – c’est l’inverse (qui n’existe plus) qui le serait : c’était un peu comme parler de paix pendant la Guerre de 100 ans, personne ne savait plus ce dont il s’agissait.
1929 fut bien une crise économique : ruinés, les riches sautaient la fenêtre des gratte-ciel, tandis que les pauvres s’enfuyaient le long des routes en quête d’un hypothétique job – relisez Steinbeck ! En d’autres termes, c’était le bordel partout – bien sûr, certains ont su profiter de la situation mieux que d’autres, mais globalement sans le New Deal (et la guerre, aussi), on y serait encore.
Aujourd’hui, c’est différent : les états et les pauvres souffres … mais d’autres, pas vraiment.
Jadis, quand le pauvres souffraient au-delà du supportable, on leur promettrait … le Paradis : comme ça, ils ne se rebellait pas trop. Marx disait que la religion était l’opium du peuple : il suffit de se rendre aujourd’hui en Inde pour voir comment les ultra pauvres supportent, au nom de leur Karma, leur situation.
Aujourd’hui la Crise (avec une majuscule) a remplacé les religions : en son nom, les pauvres doivent accepter la stagnation de leur pouvoir d’achat, l’incertitude de leur retraite … qu’il ne prendront pas parce que la mal bouffe les aura eus avant. Elle excuse l’incompétence des politiques – qu’ils aient eu l’heure de gouverner ou non : Le FN n’est certainement pas une solution, pas plus que le nazisme en d’autres temps.
Au nom de la Crise, il nous faut tout accepter : après, on corrigera les inégalités, on rasera même gratis. En attendant, les plus pauvres doivent se serrer la ceinture un cran de plus, tandis que d’autres …
Jusqu’au jour où cela explosera : jadis, les Jacqueries ont suivi les grandes famines ; certainement les Printemps arabes, les mouvements des Indignés, les occupations du DAL constituent des prémisses : tout n’est pas toujours acceptable.
Bref, vivement la crise : pas celle dont on nous rabâche les oreilles pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes et tout accepter – la vraie, celles où les trop inégaux du bas se révolteront contre les trop inégaux du haut.
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