30/03/2008
Users Generated Content + Littérature = Nousvelles.com
Un site qui se définit « comme le mariage (d’amour bien entendu !) entre YouTube, eBay et FaceBook destiné aux passionnés de lecture et d’écriture … » : vaste et sympathique programme !
Trois questions à Laurent, responsable du projet.
Marketingisdead : En quelques mots, c'est quoi, nousvelles.com ?
Laurent : Nousvelles.com est une communauté en ligne francophone destinée aux passionnés de lecture et d'écriture de tout âge.
Sur Nousvelles.com :
- Les lecteurs peuvent trouver des textes originaux de qualité en version électronique, et même recevoir des revues papier dans le genre qu'ils aiment le plus, voire des livres. Ils reçoivent même des cadeaux pour laisser des commentaires sur les œuvres !
- Les auteurs peuvent mettre leurs textes, recevoir des commentaires, et si la qualité est là, ils peuvent toucher des droits d'auteurs sur leurs travaux. Les auteurs 'pros' bénéficient de droits d'accès privilégiés.
- Tout le monde peut échanger et partager sa passion grâce aux services de communauté
Si je devais le résumer en une phrase ce serait : lisez, publiez, gagnez des cadeaux !
Bref, Nousvelles.com cherche à réaliser en ligne le rêve de tous les passionnés de lecture et d'écriture !
Marketingisdead : D'où t'es venue cette idée, qu'est-ce qu'il y a à la base de ce projet ?
Laurent : J'ai toujours été passionné par l'écriture.
Hélas, il n'existait rien en français permettant de partager facilement ses textes, voire de toucher des droits d'auteurs sur ses œuvres. De plus, j'ai toujours été passionné de nouvelles et il est très difficile d'en trouver, ou alors il faut passer des heures pour trouver un texte de qualité. La distribution électronique a aussi ses limites, tout le monde aime toucher et sentir le papier !
Après plusieurs années aux US, je me suis rendu compte que les offres pour auteurs et lecteurs étaient très développées sur le net anglophone, et que nous étions clairement à la traîne …
J'ai donc décidé de faire quelque chose pour faire vivre ma passion et en faire profiter les autres !
Après un peu de surf sur les différents sites francophones et anglophones, je me suis fait une idée de ce que je voulais et de ce que je ne voulais pas.
Sur cette base, j'ai lancé un sondage un peu au hasard pour tester l'idée. J'ai récolté un taux de réponse d'environ 3%, ce qui est 10x plus que ce que j'escomptais … Je me suis donc rendu compte qu'il y avait un vrai intérêt.
Au final, c'est très simples : j'ai juste cherché à créer le site dont je rêvais pour moi en tant que lecteur et en tant qu'auteur, et à en faire profiter les autres.
Le reste, c'est du temps, du travail, de la passion, et, je dois l'avouer, un peu de folie douce... ;-)
Marketingisdead : Y a-t-il un business model derrière … où est-ce simplement une façon de faire partager sa passion ?
Laurent : C'est question est absolument fondamentale et j'y ai beaucoup réfléchi. Mes années de cabinet de conseil en stratégie et d'études de commerce font que c'est un sujet que je ne peux pas prendre à la légère !
L'objectif de Nousvelles.com n'est pas de maximiser ses revenus à court terme, mais de s'installer sur la durée.
Nousvelles.com s'inscrit, très modestement mais de façon déterminée, dans la transformation des rapports entre lecteurs et auteurs, et donc dans celle du métier de l'édition. Ecrire c'est long, développer un lectorat aussi. Nousvelles.com est donc là pour établir une relation de confiance avec ses membres et les accompagner. Pas pour faire "un coup" et disparaître.
Tout ceci prend du temps.
Heureusement, nous en avons. Nousvelles.com n'a pas d'actionnaires à satisfaire, pas de banques à rembourser. Nous (le site et ses membres) sommes libres ! Quel privilège aujourd'hui …
En un sens, Nousvelles.com est un acteur de l'anti-nouvelle économie ;-)
A ce titre, il y a des choses très rentables que je refuse de faire. Par exemple, je suis contre certaines pratiques abusives de l'édition à compte d'auteur.
De même, j'ai refusé par principe un financement principalement par la publicité, car je crois que la création littéraire peut et doit être rémunérée en tant que telle – personne ne m'a jamais encore tendu le dernier Nothomb en me disant "prends, c'est gratuit, y'a d'la pub dedans". Je ne veux pas non plus que les membres de Nousvelles.com se sentent harcelés par des messages publicitaires : est-ce qu'on imagine une bibliothèque avec des jingles toutes les 30 mn ?
Ceci étant posé, il faut bien que Nousvelles.com gagne de l'argent. Mais pour un projet aussi innovant, parler de 'Business Model' serait un peu présomptueux. Sans point de comparaison, qui peut savoir, sans l'avoir testé, ce qui va marcher ou pas ?
Le nombre de services possibles est infini, mais je suis très pragmatique : je test petit, et si ça marche j'étends ! Tout ceci permettra d'ajuster très rapidement l'offre par rapport à la demande effective des membres. Je suis parti avec mes idées et celles de mes membres, j'en ai encore beaucoup sous le coude, on verra où ça nous mène.
Avant les objectifs financiers, ma priorité est donc d'avoir une communauté solide de membres qui se développe à long terme, en leur offrant la possibilité de participer suivant leur passion et leur budget.
Par exemple, Nousvelles.com peut être totalement gratuit. Certains services (ex: achat de nouvelles 'droits d'auteur', achat de livres, abonnement à des revues, ...) sont payants en 'coupons'. Mais on peut gagner des coupons en laissant des commentaires sur les œuvres ! Bien sûr, c'est plus rapide de les acheter, mais c'est possible de tout faire rien qu'en lisant les textes qu'on aime !
Je vois Nousvelles.com comme une aventure commune que je partage avec mes membres. Sans promotion, environ 2.000 personnes ont répondu à mon sondage. Sur cette base, je sais ce que les gens recherchent, je connais leur passion, leurs frustrations... Si Nousvelles.com se lance aujourd'hui, c'est grâce au soutien de ces nombreux parrains et de ceux qui les ont rejoints !
Je considère donc qu'il existe un contrat moral entre les membres et moi. L'argent qu'ils me donnent en achetant les services du site doit être utilisé pour développer au mieux un site qui nous est cher. C'est très concret : par exemple, les membres qui me soutiennent en s'abonnant sont consultés pour les décisions d'investissement.
Mes membres (plusieurs milliers aujourd'hui) peuvent compter sur moi, j'espère pouvoir compter sur eux !
Bonus complémentaire de lancement pour les lecteurs de MarketingIsDead : en créant votre compte (gratuit) sur Nousvelles.com et en tapant le code market8, vous recevrez 5 coupons ! (attention offre limitée dans le temps).
11:37 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Users Generated Content, Littérature, Web 2.0 | Facebook | |
29/06/2007
Vaches et hippopotames à la Nuit du Marketing
Puis la soirée a tournée au bestiaire avec la venue d’Anne Thevenet, directrice Prospective et Nouveaux Concepts de Danone, suivie de deux charmantes vaches, pour nous parler de l’aventure bio de son groupe… mais je pense qu’une petite interview s’imposera à la rentrée.
Et après les vaches, l’hippopotame du coup de cœur de l’Adetem : l’animal fétiche d’Hippon, la toute jeune société de Gilles Santini. Comment, vous ne connaissez pas encore Hippon : laissons Gilles s’en expliquer.
Marketingisdead : Hippon, en deux phrases, c'est quoi ?
Gilles : Hippon permet au sein d’un groupe d’utilisateurs connectés dans un réseau de rechercher anonymement et confidentiellement un contact susceptible de disposer de compétences lui permettant de répondre à une question posée par un autre utilisateur ou de planifier puis d’établir avec ce dernier une session de discussion électronique pour en débattre.
Marketingisdead : Pour chercher de l'information sur Internet, il y a pléthore de moyens, dont Google : alors, pourquoi Hippon, en plus ?
Gilles : Les moteurs de recherche permettent de localiser des documents utiles pour un problème.
Souvent néanmoins, ce n’est point tant un document que l’on recherche qu’un individu qualifié, susceptible d’apporter un éclairage sur un problème ou une question donnée auxquels on est confronté.
La difficulté est que celui qui a besoin d’une réponse ne connaît pas tous les autres membres du réseau, ni leurs compétences, ceux-ci n’étant d’ailleurs ni forcement disponibles, ni prêts à un échange qui ne serait pas confidentiel.
Hippon opère donc comme un GPS dans le réseau pour trouver l’interlocuteur qui est utile puis organise les échanges de façon équilibrée, sécurisée et exclusive.
Marketingisdead :Hippon est anonyme : ça veut dire, que je peux répondre n'importe quelle bêtise en totale impunité.
Gilles : Absolument pas. D’abord si vous dîtes une bêtise vous ne le direz qu’à une seule personne et en plus à une personne que vous ne connaissez pas : aucun intérêt puisque c’est totalement inefficace. Ensuite vous vous exposeriez à être mal noté ce qui affecterait votre score de compétence dans la catégorie de savoir concernée. Dès lors le système vous sollicitera de moins en moins et vous ne gagnez plus de points pour pouvoir poser vos propre question avec pour conséquence que vous sortirez progressivement du réseau.
Par ailleurs le système est conçu de telle façon qu’un jugement négatif à un effet beaucoup plus fort qu’un jugement positif : même les meilleurs ont intérêt à ne répondre que s’ils sont sûrs de leur contribution.
Marketingisdead : Finalement, Hippon, c'est plus un réseau social qu'un moteur de recherche. Hippon, c'est Web 2.0 ?
Gilles : Oui pour sa fonction “social search engine” et son mécanisme d’évolution des scores de compétence fondé sur le jugement du réseau, mais avec un zeste en plus !
Précision : l’Adetem aime tellement Hippon – et vice versa – que dès septembre, tous ses membres pourront l’utiliser gratuitement.
18:55 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Wikipedia, Neuf Cegetel, Adetem, Marketing, Danone, Google | Facebook | |
08/02/2007
VadeMarketum
450 pages – et c’est gratuit ! Surprenant ? Sympa ? Stupide ? J’ai été un peu surfer sur son site*, avant de lui e-mailer les deux questions suivantes, hier soir ; la nuit portant conseil, les réponses m’attendaient dans ma boîte aux lettres ce matin.
Marketingisdead : Le VadeMarketum 2007 est gratuit : la connaissance ne vaut plus grand chose que tu l'offres comme ça ?
Stéphane Boucharenc : Gratuité ne veut pas dire sans valeur, tout d’abord il y a les jours de travail que cela représente pour compiler toutes ces données et les actualiser, cela a une certaine valeur pour moi, ensuite cette compilation a de la valeur pour les utilisateurs en tant qu’outil « anti-gaspi » (de temps) même si ces données sont éparpillées sur Internet et théoriquement accessibles à tous.
Alors pourquoi gratuit, il y a 2 raisons, des contraintes juridiques d’abord, j’ai obtenu l’autorisation de présenter certains extraits de nomenclatures internationales (exemple les maladies (CIM10) maintenu par l’OMS) uniquement sous condition de gratuité, des produits complets et payants étant diffusés par ces organismes. Il y a également un aspect philosophique, si l’on veut qu’Internet ne soit pas qu’une gigantesque galerie marchande, il faut que chacun accepte de partager un peu de son savoir, de son temps et de ses ressources (voir projets Wikipédia, Open source). Donc à mon modeste niveau, le VadeMarketum est ma contribution à cette évolution.
En aparté, je trouve scandaleux que de nombreuses statistiques publiques, financées par les contribuables, ne soient pas accessibles sur Internet, par exemple il est impossible de trouver à ma connaissance un tableau synthétique de répartition de l’ensemble des entreprises françaises en grands secteurs et classes de taille. Je remarque que d’autres pays que la France sont plus ouverts de ce point de vue.
On ne demande pas à avoir accès à l’intégralité des données, seulement à quelques grandes statistiques de cadrage nécessaires pour préparer les études de marchés. On a parfois l’impression d’assister à la stratégie du coffre-fort (sensations que l’on a également dans certaines bibliothèques et certains musées pour l’accessibilité aux œuvres).
Certaines fois, cela tourne au ridicule, exemple sur les sites français il est impossible d’accéder gratuitement à la répartition des décès en France par causes de mortalité, mais par obligation statistique (avec un certain délai certes), ces statistiques sont remontées dans le système statistique européen, elles deviennent donc accessibles via Eurostat sur le web, étonnant non ! Il faudrait vraiment changer cela, et avec Internet les questions de coût ne sont plus justificatrices.
Marketingisdead : Sur ton site, tu parles d'innovation : mais en statistiques, tout date d'il y a une bonne centaine d'années, il n'y a grand chose à innover.
Stéphane Boucharenc : Cette affirmation n’est pas exacte selon moi, il est vrai que la base de l’exploitation d’une étude de marché reste les tableaux croisés de données et les bon vieux tests statistiques de grand-papa, mais ce n’est pas parce que l’on rentre dans l’ère des nanotechnologies, que 2 et 2 ne font plus 4 (du moins au niveau de la vie courante).
De ma formation en sciences expérimentales, il me reste une affirmation : les faits sont têtus, on a beau retourner l’angle d’approche dans tous les sens, si on est en face d’un phénomène lourd, on ne pourra pas l’effacer, et par exemple si les hommes consomment massivement plus de bière que les femmes, il sera très difficile de trouver une sous population où le contraire est vrai, c’est un aspect que j’ai maintes fois constaté durant mes 20 années d’expériences en traitement d’études, et non une posture théorique.
Maintenant le traitement a évolué au cours de ces 40 dernières années grâce aux puissances de calcul avec notamment l’introduction des analyses multivariées : Analyses factorielles, Typologies, Segmentations etc. Elles se sont banalisées et sont utilisées régulièrement dans les études de plus en plus d’ailleurs comme de simples intermédiaires de calcul et non plus comme une fin en soi. Comme les logiciels crachent des chiffres dans toutes les circonstances, tout le savoir faire de l’homme de l’art est la préparation des variables, l’élimination des aspects non pertinents, l’enchaînement des techniques par exemple : Analyses Factorielles, puis Typologie sur ces axes, puis Segmentation pour retrouver plus facilement les types sur un nombre restreint de variables.
Et puis il y a des modes, il y a 6 ans il y a eu la mode des réseaux de neurones, certes cela produisait des groupes intéressants, mais comme il n’y a qu’une boîte noire pour pouvoir expliquer en détail la formation de ces groupes et pour avoir des règles d’affectation des individus, le soufflet est retombé.
Par contre les régressions PLS qui permettent de faire des régressions sur des ensembles de données fortement corrélées entre elles (ce qui provoque des problèmes d’instabilité des calculs dans la méthode classique) se sont bien implantées depuis quelques années. Et tous les 3-4 ans on entend parler de nouvelles méthodes « ultra puissantes », « génialissimes », seul le temps permettra de voir si elles pourront prendre leur place aux côtés des autres.
De mon point de vue, les méthodes qui marchent bien sont celles qui permettent de revenir vers les données d’origines (tableaux de pourcentage, de moyenne) en les éclairant d’un jour nouveau. Par exemple pour une bonne typologie, lorsque l’on regarde les tableaux croisés, on voit clairement apparaître des profils (même si on sait que toutes les personnes d’un type ne sont pas dans le même moule, on est des êtres humains quand même, avec nos contradictions personnelles !) et le commercial averti saurait mettre des noms de clients particuliers pour illustrer ces types.
Concernant les innovations que je revendique, il s’agit d’une nouvelle approche pour la restitution des résultats soit sous forme de feuilletages Excel (un tableau par onglet, je reconnais on est quelques-uns à le faire sur la place de Paris), soit sous forme d‘applicatifs Excel permettant de livrer des résultats d’analyse de données de manière autonome et pédagogiques, ce sont les Calculoïdes.
En 2 mots, par exemple le Regressoïde, permet de calculer le résultat d’une régression sur tout ordinateur sans posséder le programme SPSS, SAS, STATISTICA … qui a permis de l’établir à l’origine, autre exemple le Conjointoïde, permet de faire des simulations de parts de marché à partir des résultats d’un trade-off, sans avoir de programme d’analyse conjointe etc.
Concrètement, on dissocie donc le logiciel statistique d’origine de l’exploitation de ses résultats, de plus comme c’est sous Excel, on peut avoir l’option d’une visée pédagogique (totale transparence des mécanismes de calcul) ou opérationnelle et cryptée (par exemple l’équation de régression est protégée par mot de passe, et des variables superflues sont à renseigner, il est donc très difficile de retrouver le mécanisme de calcul).
Voilà ce que j’appelle approche innovante de mon point de vue, c’est quelque chose que je n’avais jamais vu en institut de sondage durant ma carrière.
21:47 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
14/01/2007
Thierry Maillet - La Génération Participation
Marketingisdead : A la fin d'une critique assez violente de la Société de Consommation, tu cites la directrice éditoriale de novethic.com : "Les deux mamelles du marketing, les promesses bienfaitrices et le discours de rêve véhiculés par la publicité ont apparemment épuisé les réserves de crédibilité dont elles bénéficiaient". Peux-tu préciser ce que t'inspire plus particulièrement cette réflexion ? Marketing is dead ?
Thierry Maillet : Cher François, il m’est difficile d’être en désaccord avec toi car tes commentaires résonnent souvent justes à mes oreilles mais permets-moi de le confesser. Non le marketing n’est pas mort puisque ce n’est qu’une technique, une modalité et non pas une finalité… comme continuent à le croire trop souvent les étudiants d’écoles de commerce.
Là où je te rejoins volontiers néanmoins est que son contenu traditionnel doit être totalement repensé. Hier le marketing était au service du producteur dans le cadre d’une société de consommation qui revendiquait ostensiblement voire fièrement les termes de l’Académie Française : Consommer, c’est achever pour détruire.
Cette finalité est devenue difficile à afficher eu égard aux dommages admis par tous de cette consommation à outrance qui nous aura autant apporté qu’elle nous aura pris. La consommation évolue progressivement vers une variante liée à l’utilisation des produits et le gratuit est une forme d’expression. Dans cette perspective, le marketing redevient plus que jamais indispensable pour penser cette transformation. La modalité, penser la relation du producteur au consommateur, perdure, par contre les outils et méthodes utilisés jusqu’à présent doivent être indiscutablement rénovés.
Ce n’est pas un hasard si Marketing Magazine, dans son Centième Numéro Anniversaire, revisitait toutes les techniques du marketing2 ou si l’Association des Agences de Publicité titrait la dernière Semaine de la pub à Paris en Novembre : Révolution3. Les professionnels semblent acquis à l’idée qu’un tournant est amorcé mais ils restent dubitatifs sur son degré et son ampleur. A nous de les y aider.
Marketingisdead : Le concept de participation en France n'est pas nouveau : De Gaulle avait tenté de l'introduire dans les années soixante, sans grand succès d'ailleurs. En quoi la participation que tu proposes aujourd'hui diffère-t-elle de celle du fondateur de la Cinquième république et quelles sont ses réelles chances de succès ?
Thierry Maillet : Le concept de participation a été relancé récemment à partir d’une idée initiale du Général de Gaulle qui cherchait une voie intermédiaire entre les visions traditionnelles du capitalisme et du socialisme au lendemain de mai 68. Il est toutefois possible de se demander si les Américains de la Côte Ouest proche de la contre-culture post 68 n’ont pas été inspiré par cette démarche gaulliste en créant les stock-options pour motiver les futurs cadres d’entreprises en création, à fort potentiel mais à faibles revenus immédiats.
Rapprocher Capital et Travail est une nécessité car les individus des pays développés ne veulent plus compartimenter leur vie et ils sont simultanément consommateurs, salariés, citoyens et les obliger à choisir n’est plus crédible ni souhaitable. La Génération Participation est la nouvelle classe dominante qui refuse de choisir pour respecter une segmentation qui lui était plus imposée par les différents pouvoirs que librement décidée.
Marketingisdead : Plus loin, tu précises : "L'entreprise sera citoyenne si elle devient participative" ; c'est quoi, une entreprise citoyenne ? Et quel rôle la participation vient-elle jouer là dedans ? Entreprise citoyenne, entreprise participative : ce ne sont pas simplement des termes à la mode, comme hier de développement durable ?
Thierry Maillet : L’entreprise citoyenne était peut-être une idée creuse, je te le conçois volontiers. Une mode sûrement. Néanmoins c’était la première manifestation d’une question essentielle : l’entreprise doit-elle le lieu central de la vie comme l’écrivait Patrick Viveret dans son percutant, Pourquoi cela ne va pas plus mal ? (Fayard, 2005). Cette centralité a été imposée dans les années 80 (sous un Gouvernement Socialiste…) peut-être plus comme un recours dans une période économique tendue (la France était en grande difficulté financière) qu’une proposition mûrement réfléchie.
Par contre en devenant participative c’est à dire en impliquant et en redonnant la parole grâce à une écoute retrouvée (les blogs) l’entreprise peut donner du contenu et du sens à la formule creuse des origines. Les entreprises qui sauront s’inscrire dans la durée seront celles que les consommateurs citoyens se seront réappropriées.
Je ne peux que m’inscrire en faux contre les spécialistes qui revendiquent les marques aimantes (Love Marks de C Roberts) ou encore plus récemment les marques qui racontent des histoires (Tous les marketers sont des menteurs de S Godin). Les entreprises ne doivent pas chercher à être aimées ou à séduire mais tout simplement à rendre service et à répondre aux attentes d’individus qui n’acceptent plus de croire en la suprématie de l’économie mais simplement son utilité.
Je me permets aussi de t’adresser le lien avec un papier de Véronique Richebois récemment paru sur mon livre et qui revient sur cette distinction, que je crois essentielle pour nos étudiants d’écoles de commerce entre supériorité ou primauté de l’entreprise par rapport simplement à leur nécessité. L’entreprise doit avoir un comportement citoyen mais elle n’est pas citoyenne au sens qu’elle serait centrale dans nos modes de vie.4
C’est la différence que je vois aussi entre Mode et Modernité : trop souvent nous avons cédé à la mode en oubliant que l’essence du progrès était la modernité.5
Marketingisdead : Page 175, tu annonces la mort, sinon de la publicité, du moins des groupes publicitaires : "Les publicitaires connaîtront-ils le sort des industriels de la musique avec la disparition de leur principal support nourricier, le film de 30 secondes comme le fut pour les producteurs de disques, le CD ?" Ce n'est pas un peu provocateur comme prédiction ?
Thierry Maillet : La publicité n’est pas morte si elle se transforme. Aucun grand groupe publicitaire n’a crée une structure aujourd’hui classée dans les premières agences web et Publicis est obligé de lancer une OPA à 1,3 billions$ pour combler son retard.
Oui les publicitaires, comme les journalistes, comme les producteurs de musique, comme hier tous les industriels doivent apprendre à évoluer. N’est-ce pas les seules professions (presse, pub) qui considéraient inutiles un budget R&D pour elles-mêmes. CQFD, ces entreprises ont eu dû mal à penser leur avenir en dehors des champs habituels de développement :
- Gratuit pour la Presse,
- Peer to Peer pour la Musique,
- Internet et nouvelle création/nouvelles formes de rémunération pour les agences.
Je me permets de te joindre un récent post à ce propos6.
Tous les communicants ne l’ont pas encore compris puisqu’une agence de RP réputée a voulu adopter avec les bloggers un comportement identique (je t’offre le produit pour que tu en parles) qu’ils adoptaient hier avec les journalistes. Ils ont simplement omis de considérer (il ne pouvait en être autrement puisqu’ils n’ont pas été préparé à cette évolution) que les good old days ne reviendront pas.7
Avant Internet, les relations entre pouvoirs économique et d’influence étaient moins éventées et leur régulation était plus aisée. Il n’en est plus de même et ce renversement de paradigme lié à l’accès à l’information n’est pas encore compris (sans parler d’être ou non admis) par nombre de professions qui restent conservatrices au sens où elles veulent espérer que le changement sera plus lent que prévu…
Dommage peut-être mais peu crédible. Le gazogène n’a plus jamais été utilisé pour s’éclairer pas plus que la diligence pour se déplacer. Alors oui le marketing des good old days, est mort mais pas le métier qui doit assumer la gestion de la relation entre des producteurs et des individus utilisateurs/consommateurs. Doit-il toujours s’appeler marketing, je te laisse y répondre et cela pourra faire l’objet d’un débat à venir.
Marketingisdead : Et en définitive, tu la vois comment, la société de demain ?
Thierry Maillet : La société de demain : la question la plus importante et la plus difficile. Nous sommes à un carrefour entre une direction individualo-égoïste qui place la consommation et ses projections de réussite et de bonheur au-dessus des autres valeurs. Véhiculée autant par une certaine Amérique que par les nouveaux riches de Shangaï, Bombay, Londres ou Moscou, ce paradigme exacerbe à l’extrême les éléments hier positifs de la consommation lorsque les pays étaient démunis mais qui deviennent ridicules.
L’autre voie à l’œuvre dans les pays développés est la direction participativo-implicante qui a été initiée par les classes créatives et peut se diffuser à l’ensemble de la société grâce à Internet et aux nouvelles applications. Cette voie est très présentes aux Etats-Unis (GW Bush n’est pas l’Amérique et il ne faut pas céder à ce tropisme) et en Europe, notamment en Europe du Nord.
En France l’année 2007 s’annonce passionnante car l’élection présidentielle pourrait aussi se résumer à cette confrontation qui pourrait permettre au pays de choisir une des deux orientations étant entendu que la voie participativo-implicante me semble promise à un futur plus dégagé.
1Note du 25.11.2006
2http://mailletonmarketing.typepad.com/mailletonmarketing/...
3www.lasemainedelapub.com/programme.html
4www.lesechos.fr/journal20070104/lec1_competences/4519069.....
5http://mailletonmarketing.typepad.com/mailletonmarketing/...
6http://mailletonmarketing.typepad.com/mailletonmarketing/...
7www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,39365948,00.htm
22:02 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
03/01/2007
Un institut d’études sur… Second Life !
Marketingisdead : Récemment, vous avez annoncé la création du premier institut d'études sur Second Life : c'est où, Second Life ?
François Abiven : Second Life est partout ! C’est aujourd’hui la manifestation la plus évidente d’une évolution / extension de notre réalité qui intègre maintenant une composante numérique.
D’un point de vue plus prosaïque, Second Life est une plateforme de développement en 3D multi utilisateurs, qui à première vue pourrait s’apparenter à un jeu en ligne : pour aller sur Second Life, vous customisez votre personnage, appelé avatar, et vous pouvez ensuite évoluer librement dans cet univers en 3 dimensions, où vous rencontrerez d’autres utilisateurs avatars, avec qui vous pourrez communiquer via une messagerie instantanée.
Néanmoins, Second Life se différencie des jeux en ligne type World of Warcraft :
- Dans Second Life, il n’y a pas de quête à accomplir ni d’histoire prédéfinie, ni de personnages automates,
- Tout le contenu de l’univers Second Life a été crée par les utilisateurs, nous sommes là en plein dans le modèle du web participatif,
- les créateurs de Second Life, Linden Lab, ont cédé les droits de propriété intellectuelle aux utilisateurs : si vous créez un objet sur Second Life, celui-ci vous appartient et vous pouvez bénéficier des revenus que cet objet peut générer…
car, et c’est là la grande force de cet univers, une véritable économie existe dans Second Life, avec une monnaie, le Linden Dollars, que vous pouvez échanger contre des US Dollars (autour de 280 L$ pour 1 US$, avec un cours mis à jour en permanence).
A titre d’exemple, le 2 janvier, les transactions journalières au sein de Second Life ont représentées plus de 950 000 US$. Vous pouvez facilement devenir entrepreneur sur Second Life : vous créez puis vous mettez en vente votre création. Ainsi plusieurs personnes commencent à vivre de leur revenus sur Second Life. La figure la plus emblématique de ces entrepreneurs est Anshe Chung, qui par son activité de promotion immobilière a accumulé un patrimoine sur Second Life évalué à plus de 1 million de US$.
Toutes ces caractéristiques font aujourd’hui le succès et la croissance exponentielle de Second Life, avec environ 50 000 nouveaux résidents chaque jours, même si aujourd’hui ce monde est encore peu peuplé. A ce jour, il y a environ 2.3 millions de résidents mais dont seulement 225 000 se sont connectés au cours de la semaine passée.
Marketingisdead : Un institut d'études dans un jeu en ligne : c'est pas très sérieux ?
François Abiven : Dès lors qu’il y a une économie et une valorisation des créations, nous ne sommes plus dans un jeu mais bien dans le réel. Les entreprises ne s'y sont pas trompées et sont de plus en plus nombreuses à être présentes, par exemple : Nike, Adidas, Toyota, IBM, les hôtels Starwood, Reuters et tout récemment Philips Design.
Les motivations pour une entreprise de Real Life à venir sur Second Life sont multiples :
- Bénéficier d'une plate-forme de développement dans les domaines de la communication et de la 3D, avec la possibilité de faire tester ses créations via les avatars,
- Avoir accès à une communauté internationale et à l'avant garde pour détecter des tendances, observer une société qui préfigure notre futur,
- Mettre en scène de manière expérientielle les valeurs de sa marque : imaginez une île sur Second Life où toutes les facettes de la marque sont incarnées pour une véritable communion des visiteurs avec la plate-forme de marque…
Dans le cas de Repères, notre présence sur Second Life participe pleinement de notre positionnement à la pointe des méthodologies d'études et de notre volonté de connaître le consommateur dans toute sa complexité et sa richesse, en ayant notamment accès ici à une dimension imaginaire libérée des contraintes du monde physique.
Marketingisdead : Et que fait-on comme études dans un monde virtuel ? A quoi cela sert-il ?
François Abiven : A terme, toute la gamme des études ad hoc a sa place dans Second Life : tests de concepts, de packaging, de produits, pré-test de communication, usages et attitudes, notoriété et image de marque, études shopper…
Ainsi nous avons vocation a réaliser des études à la fois pour les entreprises présentes sur Second Life, avec des prestations facturées en Linden $, et pour des annonceurs non implantés qui désirent mieux connaître cet univers et ses résidents. On peut imaginer assez facilement des protocole d'étude autour de l'image d'une marque qui envisage de s'installer sur Second Life : quelle est sa légitimité dans cet univers, comment mettre en scène les valeurs qu'elle souhaite promouvoir, comment réussir son insertion dans la communauté des résidents…
Concrètement, nous avons initié la constitution d'un access panel d'avatars qui peuvent être sollicités pour répondre à nos études.
La première étude Repères Second Life vient d'être réalisée, il s'agit d'une approche exploratoire portant sur la perception de Second Life par ses résidents. Ces premiers résultats confirment notre vision de Second Life comme un univers profondément humain, plus progressif que transgressif, et qui permet une véritable rencontre avec l'autre. Je vous invite à lire la synthèse des principaux résultats à l'adresse suivante : http://francoisabiven.blogspirit.com/archive/2006/12/01/l...
Marketingisdead : Et le futur de Second Life et de Repères sur Second Life, vous le voyez comment ?
François Abiven : Second Life préfigure le web de demain, où nous ferons notre shopping dans des sites en 3D, où les réunions avec des collègues à l'étranger se feront dans des sites stimulant plutôt que via de tristes visioconférences.
Plus globalement, nous allons sans aucun doute vers une intégration à notre quotidien des environnement numériques en 3 dimensions, Second Life ou d'autres. L'expertise de ces environnements que nous acquérons aujourd'hui grâce à notre implantation sur Second Life est donc un atout certain pour le développement futur de Repères.
* Voir Note du 06.10.2006
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