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12/09/2007

Le sens du client

556276a856455d707e7e0a84d12c78e5.jpgThierry Spencer anime le Blog du sens du client : http://sensduclient.blogspot.com.

Il envoie régulièrement 3 questions à divers bloggers du marketing, qu’il publie en ligne : je me suis volontiers plié à l’exercice.

Selon vous, pour une entreprise, qu’est-ce qu’"avoir le sens du client" ?

Avoir le sens du client, ce n’est certainement pas l’étudier sous toutes les coutures pour savoir lui parler, c’est avant tout savoir lui répondre quand il s’adresse à vous et que l’on ne s’y attend pas... et c’est là que la grande majorité des sociétés "marketing minded" se plantent.

Que pensez-vous de l’évolution de la relation client en France ?

Une catastrophe ! Essayez de contacter pour une question non paramétrée d’avance un annonceur qui vous inonde pourtant régulièrement de mails en tous genres : on ne considère les consommateurs que comme des acheteurs et l’on oublie que ce sont des… êtres humains. Si, si !

Avez-vous une anecdote, un exemple de relation client remarquable ?

Ayant bénéficié pendant 10 ans d’une voiture de société, j’effectue une simulation sur le site de mon assureur : appel d’une jeune dame qui me propose aussitôt un rendez-vous à l’agence locale « qui se chargera de toutes les démarches nécessaires » pour reconstituer mon historique d’assuré.

Et le jour du rendez-vous… ben non, l’agence locale ne s’en occupe pas, il faut que je revienne avec les papiers nécessaires. Mais au téléphone ? « Ils sont là pour prendre des rendez-vous » point barre ! En quoi c’est remarquable ? Désolé, mais vous êtes sur qu’il y a des exemples vraiment remarquables ?

 

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10/01/2007

Imaginer, rêver peut-être 2007…

medium_bonne_annee.jpgVoilà ce que me demande Denis Failly pour fêter la première année d’existence de la bibliothèque NextModerne : alors rêvons…

De quelle couleur fut votre 2006 dans votre domaine de compétences ?

Mon problème, pour vous répondre avec justesse, c’est que je suis… daltonien ! Je m’en suis même ouvert sur mon blog, et ça m’a permis de me faire des tas de copains de galère : normal, 10% des hommes sont daltoniens. Pas vous ? Etrange…

Sinon, je dirais que l’année a été plutôt chamarrée… pour ne pas dire bousculée ! Mais peut-être l’expérience qui m’a le plus marqué, c’est la découverte d’un groupe américain : Clap Your Hands Say Yeah. Un peu comme leurs lointains cousins des Artic Monkeys, ils se sont hissé au sommet des hit parades simplement parce que les internautes ont aimé leur musique et l’on promu de blog en blog.

Et en plus, leur musique possède une fraîcheur qui manque aux britanniques !

Clap Your Hands Say Yeah, ou les Artic Monkeys, c’est l’émergence d’un No Marketing que les businessmen américains prennent très au sérieux – enfin certains ! C’est surtout l’idée que non seulement les citoyens ont repris le pouvoir et que certains marketers se découvrent soudain débordés et impuissants.

La musique, mon domaine de compétence ? Bien sûr : des centaines de disques à la maison, vinyles et CD, des premiers Soft Machine au premier opus des Raconteurs. Pour moi, vivre le marketing, ce n’est pas simplement réfléchir sur des séries de chiffres, c’est aussi se comporter comme un simple citoyen… comme un autre.

Comment voyez-vous 2007, quelle évolutions majeures sont à attendre dans votre  domaine (métier, expertise, marché…) ?

2007 sera en France une année politique majeure… alors on verra fleurir du buzz politique, du commentaire politique sur le Web, et les cartes de la blogosphères seront politiques.

Pendant ce temps, des gens comme vous et moi prendront des initiatives, que bien évidemment les commentateurs avisés – marketers, businessmen et autres journalistes – ne verront pas vraiment, faute de regarder dans la bonne direction.

Ce que seront ces initiatives ? Je n’en sais rien, mais ça va fourmiller de partout… comme en 2006, d’ailleurs. Le commerce va se réveiller avec des milliers de français moyens en train de vendre et acheter – dans cet ordre là précisément – sur eBay ou ailleurs ; et les majors avec des artistes qui renonceront à enregistrer des CD pour se consacrer uniquement à la scène…

Ça, encore, on s’y attend, les signaux faibles ont été repérés ; pour les reste, il conviendra de scruter l’horizon avec la plus grande prudence : nous voici à l’aube d’une – de plusieurs – année formidable.

Quelles sont vos espoirs et vos craintes pour l’année qui vient ?

Mes espoirs, c’est qu’émergent une multitude de projets les plus incroyables… et que cela fonctionne.

Mes craintes, c’est que les papys fassent de la résistance ; que plutôt de s’adapter à un monde en mutation, les businessmen se contentent d’un lobbying de bas étage pour entraver les citoyens.

Et comme 2007 est une année électorale majeure en France, on peut espérer le meilleur comme craindre le pire… mais heureusement, le reste de la planète ne se sent que très peu concerné par la scène politique française.

Avez-vous des projets ou des perspectives particulières dans votre domaine dont vous souhaiteriez nous dire quelques mots ?

J’ai une multitude de projets… je ne souhaite pas passer à côté des mutations en cours.

Mais il y en a un qui me tient particulièrement à cœur : il s’agit de WeAreTheMarket, un site de consommateurs citoyens que j’ai créé avec deux copains. Pas un grand truc, non : juste un petit site où les gens peuvent venir discuter des produits qu’ils souhaiteraient voir apparaître dans les linéaires… et où les marques pourront les rejoindre, venir discuter avec eux.

En fait, on souhaite simplement recréer la place du village d’hier où l’on apostrophait le cordonnier pour lui dire que le cuir de ses chaussures n’était pas de bonne qualité, et le pâtissier pour lui demander un gâteau avec plus de fruits pour les fêtes à venir.

Ce gâteau, on le retrouvait ensuite avec plaisir dans la devanture de l’artisan : ce que je souhaiterais, c’est que demain, les consommateurs retrouvent – mutatis mutandis – les produits de leurs souhaits dans les rayons des grandes surfaces avec un petit sigle pour souligné qu’ils ont participé à leur élaboration. 

21:56 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | | Pin it!

28/11/2006

La Bibliothèque Next Moderne

medium_Next_Moderne.jpgEntretien avec Denis Failly, de la Bibliothèque Next Moderne :

http://nextmodernitylibrary.blogspirit.com/

Visitez la Bibliothèque Next Moderne, vous y trouverez toute une sélection d’ouvrages et d’interviews d’auteurs témoignant des évolutions sociétales en cours.

Et ça fait toujours plaisir de cohabiter avec Joël De Rosnay ou Loïc Le Meur : pourvu que mon ego n’en prenne pas un coup !

Denis Failly - François Laurent, le Marketing est en crise et le sous titre de votre livre "la mutation des marques high tech" est "Pour une nouvelle posture marketing", vous gérer aussi un blog dont le nom est plus que signifiant : marketingisdead.com, quel est donc dans un premier temps votre diagnostique de la situation ?

Nous basculons d'une civilisation taillée aux mesures des marketers et des publicitaires à une autre où les consommateurs sont en train de s'emparer du pouvoir. Une petite décennie aura suffit ! La Nouvelle Économie apportait l’espoir d’un monde meilleur à un monde occidental souffrant de crises récurrentes, notamment incarnées en France par le spectre de taux de chômage à deux chiffres : c’était l’illusion du Village Planétaire. Gourous de la Nouvelle Économie, Les Bobos dénoncent alors les valeurs obsolètes d’une Société de Consommation moribonde, retrouvant des accents post soixante-huitards assez surprenants dans la bouche de ces nouveaux leaders économiques !

Et quand s’effondre la Nouvelle Économie, ne restent que des citoyens déboussolés – après avoir été éblouis par tant de promesses non tenues. Des consommateurs désabusés qui ne croient plus vraiment aux modèles traditionnels de consommation.

Mais surtout des consommateurs pour qui le marketing n’a plus de secrets et qui utilisent avec aisance Web et nouvelles technologies tant pour se distraire et s’informer que faire pression sur les prix… tout en se méfiant de plus en plus des marques.

Un empowered consumer est né, qui glisse soudain entre les doigts des marketers. Un empowered consumer en train d'inventer un nouveau monde : à nous d'inventer un nouveau marketing qui va avec !

Denis Failly - Appelez-vous à une revisite quasi épistémologique des fondements du marketing, héritage d’un corpus de théorie et de pratique quasiment demi séculaire ou s’agit t-il pour vous d’un aggiornamento de circonstance ?

Le marketing est né de, et avec, la société de consommation. Aujourd’hui, c’est avec elle qu’il s’effondre ! Quand j’intitule mon blog Marketingisdead, il ne s’agit pas d’une posture esthétique – un coup de pub – mais plutôt d’un avertissement !

Le marketing court à sa perte s’il ne prend pas la mesure de la société qui est en train de naître sur les cendres de la société de consommation : à quoi vous sert l’élaborer patiemment des contenus d’image sophistiqués mais purement virtuels quand vos clients souhaitent plus simplement des produits honnêtes, efficaces…

Le marketing doit avant tout se montrer capable aujourd’hui de replacer l’individu au cœur de la démarche ; de le saisir dans la globalité de son quotidien. C’est cette approche nouvelle que j’ai appelée Consumer Insight.

Aujourd’hui, tout interagit sur tout : le nomadisme des jeunes influe tant sur leur modes de locomotion que d’alimentation ou d’habillement ; dans le budget de la ménagère, le téléphone portable apparaît aussi prioritaire que la nourriture. Et comme son budget n’est pas extensible, ses arbitrages se révéleront souvent « sauvages ».

Le Consumer Insight, c’est tout simplement arrêter d’observer les gens par le petit bout de la lorgnette, comme consommateurs, ou pire : shop-pers, conducteurs, etc. La vie réelle offre plus d’épaisseur !

Denis Failly - Parlons des marques (high tech notamment) maintenant, à quelles types de mutations sont–elles appelées dans des contextes de marché, de comportements,… de plus en plus complexe, flous et incertains ?

A l’origine, la marque ne constituait que la signature d’un produit, d’un fabricant ; les premiers théoriciens publicitaires - Dichter, Joannis – ont enseigné comment s’appuyer sur les motivations pour en enrichir l’image et amener les consommateurs à la préférer à ses concurrentes : acquérir une Peugeot, c’est choisir la robustesse, une Austin, la maniabilité.

C’est partir des années soixante que se constata la lente dérive de la marque garante de qualité vers la marque prestige : je n’achète plus une BMW parce que plus fiable, plus puissante, mais parce synonyme de distinction – dérive dénoncée par un sociologue comme Baudrillard.

Séguéla évoquait alors « la nécessité pour toute campagne de faire de son produit une star » : la valeur ajoutée des marques ne reposait plus sur leurs valeurs tangibles mais sur leurs attributs immatériels.

Le problème aujourd’hui, c’est que les consommateurs ont bien compris qu’à caractéristiques techniques égales, toutes les marques se valent peu ou prou – « tout sort des mêmes usines en Chine » – et qu’ils refusent de plus en plus de payer quelque prime que ce soit au seul prestige.

Par contre, ils se révèlent inversement de plus en plus déterminés à boycotter une marque à la déontologie douteuse – après Nike, la presse anglaise dénonçait encore les conditions scandaleuses dans lesquelles les produits Apple sont fabriqués en Chine.

Aujourd’hui, une marque se doit d’être citoyenne – éthique, adepte du développement durable – et de ne se valoriser qu’au travers d’une offre claire et fiable… sans ajouts inutiles ! Bref, d’en revenir aux fondamentaux même de la notion de marque.

Denis Failly - Pour vous lire sur la toile, je sais que vous êtes un observateur attentif du Web dit 2.0, comment voyez – vous ce magma bouillonnant entre rhétorique, vision, réalité pratique et opérationnelle ?

Je vous livre ma définition personnelle : Web 2.0, c’est le nouveau Web tel que le créent aujourd’hui les citoyens au travers de leurs pratiques quotidiennes. Bien sûr, Web 2.0 ne serait rien sans Ajax et autres flux RSS ; mais Web 2.0 ne serait rien non plus avec seulement Ajax, etc.

Dans tout cela, la théorie ne m’intéresse que très peu… et je dirais même que les gourous m’agacent ! Ce qui me passionne, c’est la vigueur avec laquelle des millions de gens anonymes de par le monde, se saisissent aujourd’hui d’Internet pour construire une nouvelle civilisation – n’ayons pas peur des mots ! Juste un exemple : la musique.

La musique, hier c’était des majors qui boostaient quelques artistes au travers de vastes opérations de promotion – et la chasse aux sorcières des pirates du P2P ; aujourd’hui, ce sont les Arctic Monkeys qui ont réussi ont réussi l’exploit de placer dès sa sortie leur premier single en tête des charts anglais… après l’avoir gratuitement diffusé sur Internet !

Il y a des milliers de débutants qui agissent ainsi et tous n’atteignent pas le succès des Arctic Monkeys : mais tous ne sont pas les Arctic Monkeys. En fait, Web 2.0, c’est avant tout la prime à la qualité… sur le marketing !

Avec Web 2.0, la toile ressemble de moins en moins à une toile d’araignée et de plus en plus à un gigantesque réseau de neurones se connectant de la manière la plus chaotique qui soit… apparemment. En fait apparaissent çà et là comme des excroissances, de nœuds d’autorité : des blogs, des sites dont on suit les conseils, dont on aime mieux la musique.

Denis Failly - L’Adetem (Association Nationale du Marketing) dont vous êtes Vice Président a-t-elle pris la mesure des changements en cours (paradigme de la complexité, Web 2.0…) qui impacte sur le marketing et peut-on avoir un aperçu de ses actions ou ses projets dans ce domaine ?

Plus que jamais, l’Adetem se veut l’association du marketing en construction – pas celui que l’on théorise en regardant dans le rétroviseur. Ce qui signifie, non seulement investiguer les changements sociétaux, se pencher sur le « phénomène » Web 2.0, mais aussi le vivre au quotidien.

Concrètement, cela veut dire quoi ?

L’Adetem, outre l’organisation de grands événements comme la Nuit du Marketing, s’appuie sur une quinzaine de clubs où se rencontrent des professionnels motivés par un intérêt commun pour une activité, une thématique, une méthode, des pratiques.

Petit dernier né : un Club dédié au Web 2.0 et aux pratiques sociétales sous-jacentes.

Mais Web 2.0, ce n’est seulement observer des pratiques : c’est aussi pratiquer soi-même. C’est pourquoi, l’Adetem est en cours de lancement en partenariat avec blogSpirit, de la première plateforme de blogs dédiés au marketing ; et bientôt, notre portail Internet agrégera sur une même page l’ensemble des flux RSS en provenance des blogs marketing majeurs.

Pour l’Adetem aussi, Web 2.0 n’existe qu’au travers des pratiques quotidiennes : d’où la mise à disposition de tels outils destinés à les favoriser.

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07/05/2006

Prix, vous avez dit prix ?

Propos recueillis par Anika Michalowska.

Des études et modèles statistiques pour déterminer le prix idéal des biens technologiques, comme il en existe pour les produits de consommation courante ? Admirable, bien que quelque peu illusoire ! Mais plutôt que de se morfondre ici sur les échecs passés, rappelons plutôt quelques évidences caractéristiques des biens high tech.

Avec la première d’entre toutes : leur vertigineuse chute des prix. Ainsi les écrans LCD 16/9 de 17 pouces, qui à l'automne 2003 se vendaient en France plus de 1 000 €, en valaient-ils à peine 800 un an plus tard, soit une chute de 20%. Chute qui n'est certainement pas près de s'arrêter au vu des gigantesques capacités de production asiatiques.

Souvenons-nous également qu'un lecteur DVD qui coûte en moyenne 100 € aujourd’hui – voire 40€ en hyper –, se payait 850€ en 1998, et encore près de 400€ en 2000 ! On se situerait donc plus ici au niveau du pilotage à vue en pleine tempête : le temps de réaliser une telle étude et d’en modéliser les résultats… elle sera depuis longtemps périmée.

Ne sauraient donc être réellement concernés par quelque tentative de modélisation que les produits pour lesquels la concurrence demeure balbutiante : les innovations de rupture, au demeurant fort rares.

Innovations qui demeureront encore des mois après leur lancement totalement incompréhensibles aux consommateurs non avertis, voire même à tous consommateurs – à l'exception de ces aficionados que sont les early adopters. La grande majorité des Français se révèle aujourd’hui totalement incapables d’imaginer l’usage qu’ils pourraient faire de produits réellement innovants, et totalement différents ce ceux qui peuplent leur quotidien.

Prenez les enregistreurs vidéo à disque dur qui commencent à pénétrer le marché : même si tout le monde sait à quoi sert un disque dur dans un ordinateur, bien peu de gens l’an passé étaient capables d’imaginer comment utiliser le même disque dur logé dans un petit boîtier près de leur téléviseur, à la place de leur bon vieux magnétoscope. Seule solution pour le chercheur : équiper une population cible de prototypes. Ce qui va bien en quali, mais devient plus problématique en quanti. Or les modèles sont gourmands en chiffres.

On sera alors tenté d’extrapoler à partir d’information recueillie auprès de la seule population des early adopters, ces fous de high tech à l’affût de toute nouveauté. Ce qui hier marchait encore à peu près, quand le high tech était encore très aspirationnel ; mais aujourd’hui la situation s’est hélas encore un peu plus compliquée.

Au lancement de toute innovation, on distingue schématiquement trois cibles : ces fameux early adopters qui se ruent dessus et constituent un réservoir de 2 à 300 000 individus à l’échelle du continent ; les immediate followers, qui prennent aussitôt le relais et en assurent le succès, avant que les populations mainstream s’y intéressent… mais les prix auront alors très sévèrement chuté.

Le comportement des early adopters importe en fait relativement peu : ils se gavent continuellement d’innovations, et leur intérêt pour un produit particulier ne préjuge en aucun cas de son succès ultérieur ; celui des immediate followers apparaît en revan­che capital : ce sont eux qui lui confèrent sa légitimité, lui assurant une réelle assise. Un bien high tech dont ils ne se saisissent pas demeurera une curiosité, au mieux ancrée sur un marché de niche.

Le problème ces dernières années est celui d’un croissant découplage entre early adopters et immediate followers, ces derniers adoptant des comportements de plus en plus proches des populations mainstream : dès lors, où mettre le curseur en matière de prix ?

En fait, le marché s’en charge fort bien tout seul. Les industriels lanceront toujours leurs innovations au prix le plus élevé, ne serait-ce que dans l’espoir fragile d’amortir le plus rapidement possible leurs coûts de R&D ; et ils auraient bien tort de s’en priver, l’élasticité au prix se révélant très faible auprès des early adopters.

Et après ? Après, ce sera la vertigineuse chute des prix, liée aux gigantesques capacités de production en matière d’écrans, aux faibles coûts de production asiatiques, …  et à l’attentisme de consommateurs de plus en plus blasés. Besoin de modèles sophistiqués ? Pas vraiment : simplement de bon sens. Et des nerfs solides.

Marketing Magazine N°92 – Janvier 2005

19:39 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | Pin it!

31/03/2006

Le futur se conjugue au présent

Propos recueillis par Jérôme Alberola.

Pourquoi dites-vous que « nous traversons aujourd’hui un vaste no man’s land sociologique, sans repères concrets, avec pour seule certitude que les recettes d’hier sont définitivement obsolètes » ?

François Laurent : Simplement parce que nous changeons actuellement de société, voire de civilisation. Née au début du 20e siècle, la société de consommation a connu des dysfonctionnements dans les années 70, parce que son éthique ne correspondait plus aux attentes des citoyens, et plus particulièrement des plus jeunes d'entre eux. Elle a ensuite survécu tant bien que mal durant un quart de siècle, parce qu'en crise économique, on a moins envie de tout jeter et de faire la révolution. Et puis, la « nouvelle économie » est apparue prétendant lancer une nouvelle société, au sens le plus large du terme. Les Bill Gates, Steve Job (fondateurs respectifs de Microsoft et d'Apple) et autres patrons d'entreprises des nouvelles technologies (multinationales et start-up) ont tout bouleversé et fait table rase des anciennes valeurs. Le problème est que leur système, bâti trop vite et sur rien de vraiment concret, s'est rapidement effondré, laissant un vide sociétal encore non comblé. Les codes du passé ont été abolis, sans que pour autant le futur n'ait été inventé.

Comment expliquez-vous cet effondrement et surtout la rapide brutalité avec laquelle il s'est produit ?

L'erreur des promoteurs de la « nouvelle économie » a été de croire qu'avec leurs superbes produits et services high tech, ils allaient bouleverser les habitudes des gens. Mais ce sont les citoyens qui font les sociétés, ce ne sont pas les chefs d'entreprise : sous prétexte de vouloir remplacer l'ancienne économie, ils n'ont pas imaginé autre chose que gagner encore plus d'argent sur le dos des consommateurs. Des consommateurs qui, certes, voulaient bien renoncer aux valeurs du passé, d'autant qu'elles ne les satisfaisaient plus guère, mais pour les remplacer par celles qui leur seraient propres et qu'ils définiraient eux-mêmes.

Vous précisez que « la fête est finie et que ce qui hier faisait encore rêver nous fascine beaucoup moins ». Ce constat n’est-il pas pessimiste, quels sont ses causes et tous les domaines d’activité sont-ils concernés ?

II faut entendre le terme de fête telle que la rêvaient les chantres de la  « nouvelle économie », à savoir l'ambition de vendre de la technologie à tous les coins de rue et de transférer le Japon à Paris. Si les consommateurs se sont d'abord laissés éblouir par les toute dernières innovations, l'illusion n'a pas duré longtemps. Avoir un téléphone portable, c'est bien. Le renouveler dans l'année qui suit, sous prétexte qu'il y a de nouvelles fonctions, cela séduit un peu moins. Et en changer tous les ans, les citoyens le refusent catégoriquement. Pour être heureux, les gens n'ont pas besoin de faire la fête tous les jours : ils ont juste envie de vivre mieux et autrement. De même, ils rejettent de plus en plus toute idée de fête, si cela revient à polluer leur environnement et dégrader la planète. Ils veulent aussi vivre plus sainement. Cela concerne les hautes technologies mais aussi les nombreux domaines où le gigantisme semblait devenu la règle: ils veulent revenir vers des choses plus humaines. Nous avons besoin d'humanité aujourd'hui.

Le serpent de l'innovation se mord-il la queue ? Trop d’innovation tue-t-il l’innovation ?

Les consommateurs ne souhaitent surtout plus des innovations qui bouleversent leur vie. En fait, ce sont deux logiques inversent qui divergent de plus en plus : d'un côté, des industriels qui doivent sans cesse innover pour ne pas se laisser dépasser par leurs concurrents et séduire les distributeurs, de l'autre, des consommateurs qui veulent prendre le temps de digérer les innovations qui arrivent sur le marché les unes après les autres. Je ne pense donc pas que trop d'innovation tue l'innovation, c'est la fausse innovation qui tue l'innovation. C'est ce qui se passe aujourd'hui pour la téléphonie mobile qui était au départ une vraie innovation, tout comme Internet. Mais beaucoup trop d'acteurs du marché ont oublié que les gens veulent simplement avoir un appareil et un réseau fiable pour téléphoner et envoyer des SMS. Point. A force de multiplier les fonctionnalités inutiles à leurs yeux, ils ont rendu  les consommateurs suspicieux vis-à-vis de l'innovation.  De fait, nous sommes passés d'un phénomène de high tech à un phénomène, non de low tech, mais de slow tech, les gens prenant un temps d'observation avant d'accepter et a fortiori d'acheter les nouveautés.

Comment alors étonner les consommateurs ?

Le consommateur a-t-il vraiment besoin d'être sans cesse étonné ? Je ne le pense pas. Il a surtout besoin de produits et services qui lui servent et qui le rassurent. Car trop souvent les produits censés le surprendre agréablement ne fonctionnent en réalité pas toujours très bien, ou se révèlent compliqués à installer ou à utiliser. Brancher un nouvel appareil sous son téléviseur nécessite divers câbles et prises différentes, non nécessairement compatibles. Là se situent les vraies problématiques auxquelles le client souhaite trouver une réponse.

La société de consommation est morte selon vous en raison de deux phénomènes frappant les produits : leur caractère superfétatoire et leur obsolescence rapide. Mais n’est-ce pas la rançon – prévisible – de la gloire du progrès, en raison de l’accélération qui le sous-tend et de la démocratisation des biens de consommation qui le justifie ?

L'obsolescence n'est pas nécessairement la rançon du progrès. Prenons l'exemple de l'informatique : l'obsolescence y apparaît certes la conséquence d'innovations technologiques avançant toujours plus vite, selon la fameuse loi de Moore, du nom du fondateur d'Intel, qui prédit que le puissance des microprocesseurs double tous les 18 mois ; mais également le fait de développeurs toujours plus – et bien souvent inutilement – gourmands en mémoire : résultat aujourd'hui, il nous faut un ordinateur de 128 mégaoctets de mémoire vive pour se servir de logiciels basiques, quand 512 kilooctets suffisaient il y a 5 ans. Des logiciels offrant certes dans leur nouvelle version, plus d'esthétique, parfois un peu plus ergonomie, et une multitude de fonctions supplémentaires que personne n'utilisera ! Mais a-t-on vraiment besoin d'ordinateurs 400 ou 500 fois plus puissants – ce qui suppose d'en changer régulièrement – pour rédiger des textes ? Cet exemple montre que les innovations ne sont pas toujours au service des consommateurs. Il est vrai qu'il y a une fuite en avant du progrès et que les ingénieurs se laissent facilement bluffer par leur propre technicité.

Les industriels des produits high tech sont-ils prisonniers de leurs dogmes, leur interdisant « de lancer des produits low cost pour répondre à une évolution consumériste saturée de high tech sans distinction, ni sens réel » ?

Il y a  certes  une logique des marchés, que  nous avons déjà évoquée, conduisant les industriels à sans cesse innover pour tenter de surprendre non seulement les consommateurs, mais aussi les distributeurs afin qu'ils continuent de référencer les marques et produits. Mais il ne suffit pas d'innover pour innover, il faut également savoir s'interroger sur la pertinence réelle des innovations proposées, innovations qui doivent avant tout se traduire au quotidien par une plus grande facilité d'usage. Récemment, nous avons mené une enquête au foyer de particuliers afin de connaître au quotidien leur usage de biens d'équipement technologique. Une jeune femme, née avec le high tech et l'informatique domestique, ne savait même pas qu'elle pouvait directement brancher son appareil photo numérique sur son téléviseur. Il y a une énorme carence d'information et d'aide au consommateur, alors que ces nouveaux produits high tech sont supposés améliorer et faciliter la vie ! Le problème est que tant que les choses ne sont pas intuitives, soit on ne les fait pas, soit on essaie de lire les brochures et autres notices d'utilisation et cela tourne alors au cauchemar. Concernant la validité de lancer des produits de différentes hauteurs de gamme, je pense que les tous les segments et divers types de marques ont une place légitime.

Vous notez que plus un produit est impliquant et plus élevé est le niveau de tension chez le consommateur entre freins et motivations dans son acte d'achat. Or, la cuisine équipée, très implicante, continue de séduire et ses ventes de progresser. Est-ce justement parce qu'elle reste simple (sans haute technologie anxiogène), chargée de sens (choix de vie, convivialité) et qu'elle garde sa part de rêve ?

Le niveau de tension est élevé dans l'achat de cuisine équipée, simplement en raison de son prix important, de l'ordre de plusieurs milliers d'euros, même pour les marques d'entrée de gamme. De plus, de tels ensembles participent directement à l'environnement quotidien et intime des gens. S'inscrivant dans la durée, leur acquisition est donc naturellement implicante. Cela dit, le choix des modèles n'est pas compliqué : on les voit dans les catalogues et dans les magasins où on peut les toucher, les manipuler. La prise de risque n'est pas gigantesque. De fait, le meilleur moyen de faire baisser le niveau de tension est de modifier son principal facteur anxiogène, à savoir le prix. Force est de constater que c'est une pratique généralisée dans la distribution de cuisine. Tous les consommateurs qui ont acheté un ensemble intégré se félicitent d'avoir su bénéficier de remises ou d'opérations promotionnelles spéciales, soldes, etc. Le même phénomène joue pour l'automobile. Quant à la part de rêve généré par la cuisine équipée, cela me laisse dubitatif, partant du principe que, démocratisée, la cuisine est un bien accessible. Et ce qui fait le plus rêver, c'est justement ce qui ne l'est pas. Et c'est en cela que le high tech a perdu sa part de rêve. Pour la cuisine, il vaut mieux parler d'un rêve réaliste... La différence en faveur du main tien d'une part de rêve tient dans le fait que la concurrence y est nettement moins forte que dans le domaine des biens d'équipements high tech et informatique. Il n'y a pas vraiment d'importateurs chinois ou coréens qui inondent le marché français de cuisines transportées par bateau…

Vous annoncez la mort de la société de consommation et avec elle le marketing classique. Quelles sont les causes du décès et en particulier, pouvez-vous expliquer cette séduisante formule : « L’erreur des futurologues (ingénieurs, journalistes et autres stratèges), est d’avoir rêvé la société du futur comme simple futur de la société de consommation, de la seule société qu’ils connaissaient » ?

Le marketing a été créé par les lessiviers dans les années 30, à la naissance de la société de consommation où l'offre était supérieure à la demande. Pour distinguer les produits, il fallait créer autour une image de marque et un imaginaire avantageux, ce qui était la vocation du marketing. Et les gens acceptaient de payer 30 % plus cher pour en bénéficier. Aujourd'hui, l'image de marque et le statutaire, sans encore devenir marginaux, perdent de leur importance dans les choix des consommateurs. Et à partir du moment où ces derniers en reviennent à des référents plus basiques, le marketing « classique » n'a plus de raison d'être : en fait, le marketing est aujourd'hui un métier à totalement réinventer. Tous les secteurs d'activité sont concernés. Pour changer de domaine, prenons le cas des transports pour répondre plus précisément à votre question. J'assistais récemment à un colloque sur les déplacements dans la cité de demain, où étaient présents des responsables des transports tant collectifs qu'individuels. La discussion portait notamment sur le développement du « car sharing » ou co-voiturage. Tous parlaient d'une époque future où ils seraient déjà tous… à la retraite. Mais ils ne se posaient pas la question de définir comment les jeunes âgés de 15 ou 20 ans – c'est-à-dire ceux qui seront directement concernés par ces évolutions - se déplacent aujourd'hui. Force est de constater qu'ils n'étaient pas capables d'imaginer le futur autrement que comme une extrapolation du présent, ou plutôt de leur présent. Or, le futur n'est pas un simple développement de notre quotidien, il se crée sur des bases qui n'existent pas encore. De fait, ceux qui font le futur sont les adolescents de 15 ans. Contrairement à ce que laisse croire le débat moralo-économique soulevé par leurs aînés, ils ne se posent pas la question de savoir si c'est bien ou mal de télécharger de la musique. Ils vont dans les boutiques asiatiques du 12ème arrondissement de Paris pour acheter des baladeurs mp3, ou pour acheter leur matériel informatique avec des composants choisis à la carte pour répondre exactement à leurs besoins. Ce faisant, ils n'accordent pas d'importance aux marques, qu'il s'agisse d'informatique ou d'autre chose. Ce phénomène n'existait pas il y a 5 ans seulement.

Vous soulignez que « les produits nouveaux n’existent que dès qu’ils échappent à leurs géniteurs, quand les consommateurs leur donnent une raison d’exister ». On peut y voir une similitude avec les œuvres artistiques. Plus prosaïquement, ceci valide-t-il la stratégie péremptoire du marketing reposant sur des certitudes dogmatiques (nul ne pouvant être sûr de la réussite commerciale d’un produit avant sa rencontre avec le public) et aboutissant in fine sur une vacuité des discours ?

Je crois que toute chose échappe à son créateur, à l'instar effectivement des œuvres d'art. Globalement, les plus grandes innovations de ces dernières années illustrent clairement cela. Le SMS est ainsi un exemple probant. Ce sont les ados qui ont fait le succès immense du SMS, alors que les fabricants de téléphones portables, les opérateurs et les gens du marketing n'y croyaient pas. De même, le phénomène des blogs (petits sites conçus par les internautes amateurs) a pris une dimension extraordinaire et personne n'y comprend rien. Ce sont les consommateurs qui en font l'usage qui décident ou non de leur raison d'être ou pas, donc de leur succès commercial. Et c'est pourquoi il y a des produits qui, malgré toutes les campagnes marketing, échouent radicalement, comme cela s'est passé pour le WAP

C'est donc l'usage réel des produits et services par les consommateurs qui constitue leur pertinence, et non la pertinence déclarée par les fabricants ou distributeurs qui garantit leur usage répandu, comme le pense encore le marketing.

En effet. Il le pense encore parce que pendant des années, ce théorème fonctionnait dans le high tech. Les gens achetaient ce que le marketing déclarait être le plus branché ou le plus performant. Mais dans la mesure où il y a aujourd'hui trop de nouveaux produits qui sortent à un rythme trop rapide, les consommateurs pratique le droit d'inventaire pour choisir ce qui les intéresse et leur sert vraiment. Cela ne signifie pas que les industriels doivent arrêter d'innover, mais qu'ils doivent essayer de comprendre comment les consommateurs évoluent et comment ce qu'il y a en gestation dans les bureaux de R&D peut être pertinent pour bien s'inscrire dans cette évolution.

Sommes-nous vraiment arrivés à une rupture profonde dans notre Histoire ?

Je le pense. Depuis un millénaire environ, nous nous dirigions vers une société globalisée et centralisée, où le « big is beautiful » primait. Or, aujourd'hui, les individus ont la possibilité par divers vecteurs, grâce notamment à Internet, de faire entendre leur voix, de développer des alternatives aux options proposées ou imposées par le système, de redevenir des citoyens actifs, voire de lutter contre les puissants, quitte à les faire disparaître. Je pense ainsi qu'il y aura des faillites dans l'industrie musicale, si celle-ci ne se réforme pas en profondeur, majors au premier chef. Plus généralement, l'institution était jusqu'à récemment plus puissante que les individus ; aujourd'hui, c'est l'inverse. Et cela, c'est une rupture radicale dans notre histoire.

Le meilleur chapitre de votre excellent ouvrage est sans doute celui consacré à la « veille sociologique », parce qu'il pose une vraie et profonde analyse sur la situation de notre société actuelle, ses cause et ses conséquences sur l’économie et ses modes de consommation. Tout est lié en tout dans ce monde unique :aux expressions plurielles. Le marketing et les développeurs d’innovations ont-il tendance à l’oublier ?

Non, ou en tout cas moins qu'auparavant. Les industriels se parlent entre eux et échangent leur perception du consommateur, afin que chacun puisse profiter de la vision et de l'expérience des autres. Cela ne se produisait pas il y a quelques années. Le constat d'échec du marketing traditionnel est réel et fondé, mais il est aussi vrai que de nouvelles méthodes se mettent en place, avec des résultats.

Devenus plus solidaires grâce aux NTIC et en réaction face aux majors uniformisantes de l'économie, les jeunes consommateurs d'aujourd’hui bâtissent « une société qui n'est déjà plus la nôtre ». parce que répondant a une éthique et des codes en rupture réels à ceux en vigueur depuis 50 ans. Comment des lors les décisionnaires actuels peuvent-ils s'y adapter sans tomber dans le jeunisme ou la démagogie à coup de récupération trop vite dénoncée ?

Le jeunisme serait de vouloir copier les jeunes sans les comprendre, c'est-à-dire sans se dire que le futur qu'ils sont en train de bâtir n'est pas forcément à l'image que ce nous avons vécu et de ce que nous connaissons. Il ne s'agit pas d'adopter leurs codes vestimentaires et leurs modes de vie en général, mais d'analyser les raisons qui les conduisent à vivre comme cela. Cela suppose aussi de donner aux jeunes des outils et vecteurs pour s'exprimer et faire entendre leurs besoins et leurs visions des choses. Cela nécessite une réforme des esprits pour ceux qui sont actuellement aux commandes de la société socioéconomique. Toutefois, la volonté de récupération est un réflexe normal, parce que cela apparaît – à tort – comme la solution la plus facile parce que la plus rapide.

Les early adopters ne constituent plus la population a suivre et sont remplacés par des trends setters Quelles réalités recouvrent ces termes ? Et cela signifie-t-il que le critère le plus valide de succès commercial futur d'une nouveauté n'est plus censitaire (par CSP notamment, mais sociodémographique (pyramide des âges réels ou subjectifs) ?

Les early adopters sont ceux qui achètent n'importe quel produit pourvu qu'il soit nouveau et qui n'hésitent pas à y consacrer un budget élevé. Jusqu'à ces dernières années, les autres parties de la population suivaient, les premiers à le faire étant les immédiate followers. On s'aperçoit aujourd'hui qu'il y a un fossé entre les deux. Aussi de nombreux produits choisis par les early adopters ne trouveront pas de population relais et resteront invendus. On ne peut donc plus se fonder sur le fait que 200 ou 300 000 personnes ont acheté un produit en Europe pour tabler sur son large succès commercial populaire. Une méthode plus fiable consiste à observer les gens qui ouvrent de nouvelles voies de consommation, afin de leur proposer des produits qui s'y inscrivent. Cela a été le cas des jeunes qui ont acheté les premiers baladeurs mp3 il y a quelques années et qui  les  utilisaient différemment de leur usage de base. Les petites tendances sont comme des ruisseaux ; elles sont nombreuses, mais en les suivant, on arrive toujours aux rivières puis aux fleuves qui alimentent la société de demain. Appliqué à l'univers de la cuisine, les early adopters sont ceux qui ont acheté les premiers réfrigérateurs avec écran LCD pour naviguer sur Internet. Globalement, ces équipements relèvent davantage du gadget. D'ailleurs, le reste de la population n'a pas suivi et on peut douter de leur succès commercial dans les prochaines années. A contrario, certaines enseignes comme Résonances ont développé avec succès une offre correspondant au retour vers de l'authentique, désir émis par les citoyens eux-mêmes et non par des bureaux d'étude.

Quel avenir pour le high tech selon vous ?

Le high tech a encore un bel avenir devant lui, simplement parce qu'il y aura toujours des produits de technologie avancée ou illustrant la course ininterrompue du progrès. Par contre, je pense que, de plus en plus, le consommateur exprimera son pouvoir de décision, et fera son choix sans se presser en privilégiant des produits répondant bien à ses besoins. Cela signifie que les fabricants réfléchissent davantage en fonction des modes de vie réels et non supposés des gens, de l'usage qu'ils font des objets de leur quotidien, et non pas de ce que font ou prévoient les ingénieurs. De cela va émerger une dichotomie dans la structure concurrentielle du marché. Celui sera occupé d'une part par les acteurs de mass market, proposant des produits corrects mais d'entrée de gamme ; et d'autre part, par des fabricants qui auront pris des longueurs d'avance en inventant de nouvelles solutions à valeur ajoutée, pas forcément technologique, mais en terme d'usage pratique. La prime ne sera pas donnée au gigantisme monolithique industriel. Je crois au contraire que l'avenir sera profitable aux petites structures plus souples, réactives, inventives et intégrées dans des réseaux commerciaux d'entreprises. La faculté de bien ouvrir l'esprit et les yeux pour regarder autour de soi, pour observer le contexte autour de son activité, est la clé du succès de demain.

Univers Cuisine N°14 – Octobre 2005

22:12 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | Pin it!