31/03/2006
Le futur se conjugue au présent
Pourquoi dites-vous que « nous traversons aujourd’hui un vaste no man’s land sociologique, sans repères concrets, avec pour seule certitude que les recettes d’hier sont définitivement obsolètes » ?
François Laurent : Simplement parce que nous changeons actuellement de société, voire de civilisation. Née au début du 20e siècle, la société de consommation a connu des dysfonctionnements dans les années 70, parce que son éthique ne correspondait plus aux attentes des citoyens, et plus particulièrement des plus jeunes d'entre eux. Elle a ensuite survécu tant bien que mal durant un quart de siècle, parce qu'en crise économique, on a moins envie de tout jeter et de faire la révolution. Et puis, la « nouvelle économie » est apparue prétendant lancer une nouvelle société, au sens le plus large du terme. Les Bill Gates, Steve Job (fondateurs respectifs de Microsoft et d'Apple) et autres patrons d'entreprises des nouvelles technologies (multinationales et start-up) ont tout bouleversé et fait table rase des anciennes valeurs. Le problème est que leur système, bâti trop vite et sur rien de vraiment concret, s'est rapidement effondré, laissant un vide sociétal encore non comblé. Les codes du passé ont été abolis, sans que pour autant le futur n'ait été inventé.
Comment expliquez-vous cet effondrement et surtout la rapide brutalité avec laquelle il s'est produit ?
L'erreur des promoteurs de la « nouvelle économie » a été de croire qu'avec leurs superbes produits et services high tech, ils allaient bouleverser les habitudes des gens. Mais ce sont les citoyens qui font les sociétés, ce ne sont pas les chefs d'entreprise : sous prétexte de vouloir remplacer l'ancienne économie, ils n'ont pas imaginé autre chose que gagner encore plus d'argent sur le dos des consommateurs. Des consommateurs qui, certes, voulaient bien renoncer aux valeurs du passé, d'autant qu'elles ne les satisfaisaient plus guère, mais pour les remplacer par celles qui leur seraient propres et qu'ils définiraient eux-mêmes.
Vous précisez que « la fête est finie et que ce qui hier faisait encore rêver nous fascine beaucoup moins ». Ce constat n’est-il pas pessimiste, quels sont ses causes et tous les domaines d’activité sont-ils concernés ?
II faut entendre le terme de fête telle que la rêvaient les chantres de la « nouvelle économie », à savoir l'ambition de vendre de la technologie à tous les coins de rue et de transférer le Japon à Paris. Si les consommateurs se sont d'abord laissés éblouir par les toute dernières innovations, l'illusion n'a pas duré longtemps. Avoir un téléphone portable, c'est bien. Le renouveler dans l'année qui suit, sous prétexte qu'il y a de nouvelles fonctions, cela séduit un peu moins. Et en changer tous les ans, les citoyens le refusent catégoriquement. Pour être heureux, les gens n'ont pas besoin de faire la fête tous les jours : ils ont juste envie de vivre mieux et autrement. De même, ils rejettent de plus en plus toute idée de fête, si cela revient à polluer leur environnement et dégrader la planète. Ils veulent aussi vivre plus sainement. Cela concerne les hautes technologies mais aussi les nombreux domaines où le gigantisme semblait devenu la règle: ils veulent revenir vers des choses plus humaines. Nous avons besoin d'humanité aujourd'hui.
Le serpent de l'innovation se mord-il la queue ? Trop d’innovation tue-t-il l’innovation ?
Les consommateurs ne souhaitent surtout plus des innovations qui bouleversent leur vie. En fait, ce sont deux logiques inversent qui divergent de plus en plus : d'un côté, des industriels qui doivent sans cesse innover pour ne pas se laisser dépasser par leurs concurrents et séduire les distributeurs, de l'autre, des consommateurs qui veulent prendre le temps de digérer les innovations qui arrivent sur le marché les unes après les autres. Je ne pense donc pas que trop d'innovation tue l'innovation, c'est la fausse innovation qui tue l'innovation. C'est ce qui se passe aujourd'hui pour la téléphonie mobile qui était au départ une vraie innovation, tout comme Internet. Mais beaucoup trop d'acteurs du marché ont oublié que les gens veulent simplement avoir un appareil et un réseau fiable pour téléphoner et envoyer des SMS. Point. A force de multiplier les fonctionnalités inutiles à leurs yeux, ils ont rendu les consommateurs suspicieux vis-à-vis de l'innovation. De fait, nous sommes passés d'un phénomène de high tech à un phénomène, non de low tech, mais de slow tech, les gens prenant un temps d'observation avant d'accepter et a fortiori d'acheter les nouveautés.
Comment alors étonner les consommateurs ?
Le consommateur a-t-il vraiment besoin d'être sans cesse étonné ? Je ne le pense pas. Il a surtout besoin de produits et services qui lui servent et qui le rassurent. Car trop souvent les produits censés le surprendre agréablement ne fonctionnent en réalité pas toujours très bien, ou se révèlent compliqués à installer ou à utiliser. Brancher un nouvel appareil sous son téléviseur nécessite divers câbles et prises différentes, non nécessairement compatibles. Là se situent les vraies problématiques auxquelles le client souhaite trouver une réponse.
La société de consommation est morte selon vous en raison de deux phénomènes frappant les produits : leur caractère superfétatoire et leur obsolescence rapide. Mais n’est-ce pas la rançon – prévisible – de la gloire du progrès, en raison de l’accélération qui le sous-tend et de la démocratisation des biens de consommation qui le justifie ?
L'obsolescence n'est pas nécessairement la rançon du progrès. Prenons l'exemple de l'informatique : l'obsolescence y apparaît certes la conséquence d'innovations technologiques avançant toujours plus vite, selon la fameuse loi de Moore, du nom du fondateur d'Intel, qui prédit que le puissance des microprocesseurs double tous les 18 mois ; mais également le fait de développeurs toujours plus – et bien souvent inutilement – gourmands en mémoire : résultat aujourd'hui, il nous faut un ordinateur de 128 mégaoctets de mémoire vive pour se servir de logiciels basiques, quand 512 kilooctets suffisaient il y a 5 ans. Des logiciels offrant certes dans leur nouvelle version, plus d'esthétique, parfois un peu plus ergonomie, et une multitude de fonctions supplémentaires que personne n'utilisera ! Mais a-t-on vraiment besoin d'ordinateurs 400 ou 500 fois plus puissants – ce qui suppose d'en changer régulièrement – pour rédiger des textes ? Cet exemple montre que les innovations ne sont pas toujours au service des consommateurs. Il est vrai qu'il y a une fuite en avant du progrès et que les ingénieurs se laissent facilement bluffer par leur propre technicité.
Les industriels des produits high tech sont-ils prisonniers de leurs dogmes, leur interdisant « de lancer des produits low cost pour répondre à une évolution consumériste saturée de high tech sans distinction, ni sens réel » ?Il y a certes une logique des marchés, que nous avons déjà évoquée, conduisant les industriels à sans cesse innover pour tenter de surprendre non seulement les consommateurs, mais aussi les distributeurs afin qu'ils continuent de référencer les marques et produits. Mais il ne suffit pas d'innover pour innover, il faut également savoir s'interroger sur la pertinence réelle des innovations proposées, innovations qui doivent avant tout se traduire au quotidien par une plus grande facilité d'usage. Récemment, nous avons mené une enquête au foyer de particuliers afin de connaître au quotidien leur usage de biens d'équipement technologique. Une jeune femme, née avec le high tech et l'informatique domestique, ne savait même pas qu'elle pouvait directement brancher son appareil photo numérique sur son téléviseur. Il y a une énorme carence d'information et d'aide au consommateur, alors que ces nouveaux produits high tech sont supposés améliorer et faciliter la vie ! Le problème est que tant que les choses ne sont pas intuitives, soit on ne les fait pas, soit on essaie de lire les brochures et autres notices d'utilisation et cela tourne alors au cauchemar. Concernant la validité de lancer des produits de différentes hauteurs de gamme, je pense que les tous les segments et divers types de marques ont une place légitime.
Vous notez que plus un produit est impliquant et plus élevé est le niveau de tension chez le consommateur entre freins et motivations dans son acte d'achat. Or, la cuisine équipée, très implicante, continue de séduire et ses ventes de progresser. Est-ce justement parce qu'elle reste simple (sans haute technologie anxiogène), chargée de sens (choix de vie, convivialité) et qu'elle garde sa part de rêve ?
Le niveau de tension est élevé dans l'achat de cuisine équipée, simplement en raison de son prix important, de l'ordre de plusieurs milliers d'euros, même pour les marques d'entrée de gamme. De plus, de tels ensembles participent directement à l'environnement quotidien et intime des gens. S'inscrivant dans la durée, leur acquisition est donc naturellement implicante. Cela dit, le choix des modèles n'est pas compliqué : on les voit dans les catalogues et dans les magasins où on peut les toucher, les manipuler. La prise de risque n'est pas gigantesque. De fait, le meilleur moyen de faire baisser le niveau de tension est de modifier son principal facteur anxiogène, à savoir le prix. Force est de constater que c'est une pratique généralisée dans la distribution de cuisine. Tous les consommateurs qui ont acheté un ensemble intégré se félicitent d'avoir su bénéficier de remises ou d'opérations promotionnelles spéciales, soldes, etc. Le même phénomène joue pour l'automobile. Quant à la part de rêve généré par la cuisine équipée, cela me laisse dubitatif, partant du principe que, démocratisée, la cuisine est un bien accessible. Et ce qui fait le plus rêver, c'est justement ce qui ne l'est pas. Et c'est en cela que le high tech a perdu sa part de rêve. Pour la cuisine, il vaut mieux parler d'un rêve réaliste... La différence en faveur du main tien d'une part de rêve tient dans le fait que la concurrence y est nettement moins forte que dans le domaine des biens d'équipements high tech et informatique. Il n'y a pas vraiment d'importateurs chinois ou coréens qui inondent le marché français de cuisines transportées par bateau…
Vous annoncez la mort de la société de consommation et avec elle le marketing classique. Quelles sont les causes du décès et en particulier, pouvez-vous expliquer cette séduisante formule : « L’erreur des futurologues (ingénieurs, journalistes et autres stratèges), est d’avoir rêvé la société du futur comme simple futur de la société de consommation, de la seule société qu’ils connaissaient » ?
Le marketing a été créé par les lessiviers dans les années 30, à la naissance de la société de consommation où l'offre était supérieure à la demande. Pour distinguer les produits, il fallait créer autour une image de marque et un imaginaire avantageux, ce qui était la vocation du marketing. Et les gens acceptaient de payer 30 % plus cher pour en bénéficier. Aujourd'hui, l'image de marque et le statutaire, sans encore devenir marginaux, perdent de leur importance dans les choix des consommateurs. Et à partir du moment où ces derniers en reviennent à des référents plus basiques, le marketing « classique » n'a plus de raison d'être : en fait, le marketing est aujourd'hui un métier à totalement réinventer. Tous les secteurs d'activité sont concernés. Pour changer de domaine, prenons le cas des transports pour répondre plus précisément à votre question. J'assistais récemment à un colloque sur les déplacements dans la cité de demain, où étaient présents des responsables des transports tant collectifs qu'individuels. La discussion portait notamment sur le développement du « car sharing » ou co-voiturage. Tous parlaient d'une époque future où ils seraient déjà tous… à la retraite. Mais ils ne se posaient pas la question de définir comment les jeunes âgés de 15 ou 20 ans – c'est-à-dire ceux qui seront directement concernés par ces évolutions - se déplacent aujourd'hui. Force est de constater qu'ils n'étaient pas capables d'imaginer le futur autrement que comme une extrapolation du présent, ou plutôt de leur présent. Or, le futur n'est pas un simple développement de notre quotidien, il se crée sur des bases qui n'existent pas encore. De fait, ceux qui font le futur sont les adolescents de 15 ans. Contrairement à ce que laisse croire le débat moralo-économique soulevé par leurs aînés, ils ne se posent pas la question de savoir si c'est bien ou mal de télécharger de la musique. Ils vont dans les boutiques asiatiques du 12ème arrondissement de Paris pour acheter des baladeurs mp3, ou pour acheter leur matériel informatique avec des composants choisis à la carte pour répondre exactement à leurs besoins. Ce faisant, ils n'accordent pas d'importance aux marques, qu'il s'agisse d'informatique ou d'autre chose. Ce phénomène n'existait pas il y a 5 ans seulement.
Vous soulignez que « les produits nouveaux n’existent que dès qu’ils échappent à leurs géniteurs, quand les consommateurs leur donnent une raison d’exister ». On peut y voir une similitude avec les œuvres artistiques. Plus prosaïquement, ceci valide-t-il la stratégie péremptoire du marketing reposant sur des certitudes dogmatiques (nul ne pouvant être sûr de la réussite commerciale d’un produit avant sa rencontre avec le public) et aboutissant in fine sur une vacuité des discours ?
Je crois que toute chose échappe à son créateur, à l'instar effectivement des œuvres d'art. Globalement, les plus grandes innovations de ces dernières années illustrent clairement cela. Le SMS est ainsi un exemple probant. Ce sont les ados qui ont fait le succès immense du SMS, alors que les fabricants de téléphones portables, les opérateurs et les gens du marketing n'y croyaient pas. De même, le phénomène des blogs (petits sites conçus par les internautes amateurs) a pris une dimension extraordinaire et personne n'y comprend rien. Ce sont les consommateurs qui en font l'usage qui décident ou non de leur raison d'être ou pas, donc de leur succès commercial. Et c'est pourquoi il y a des produits qui, malgré toutes les campagnes marketing, échouent radicalement, comme cela s'est passé pour le WAP
C'est donc l'usage réel des produits et services par les consommateurs qui constitue leur pertinence, et non la pertinence déclarée par les fabricants ou distributeurs qui garantit leur usage répandu, comme le pense encore le marketing.
En effet. Il le pense encore parce que pendant des années, ce théorème fonctionnait dans le high tech. Les gens achetaient ce que le marketing déclarait être le plus branché ou le plus performant. Mais dans la mesure où il y a aujourd'hui trop de nouveaux produits qui sortent à un rythme trop rapide, les consommateurs pratique le droit d'inventaire pour choisir ce qui les intéresse et leur sert vraiment. Cela ne signifie pas que les industriels doivent arrêter d'innover, mais qu'ils doivent essayer de comprendre comment les consommateurs évoluent et comment ce qu'il y a en gestation dans les bureaux de R&D peut être pertinent pour bien s'inscrire dans cette évolution.
Sommes-nous vraiment arrivés à une rupture profonde dans notre Histoire ?
Je le pense. Depuis un millénaire environ, nous nous dirigions vers une société globalisée et centralisée, où le « big is beautiful » primait. Or, aujourd'hui, les individus ont la possibilité par divers vecteurs, grâce notamment à Internet, de faire entendre leur voix, de développer des alternatives aux options proposées ou imposées par le système, de redevenir des citoyens actifs, voire de lutter contre les puissants, quitte à les faire disparaître. Je pense ainsi qu'il y aura des faillites dans l'industrie musicale, si celle-ci ne se réforme pas en profondeur, majors au premier chef. Plus généralement, l'institution était jusqu'à récemment plus puissante que les individus ; aujourd'hui, c'est l'inverse. Et cela, c'est une rupture radicale dans notre histoire.
Le meilleur chapitre de votre excellent ouvrage est sans doute celui consacré à la « veille sociologique », parce qu'il pose une vraie et profonde analyse sur la situation de notre société actuelle, ses cause et ses conséquences sur l’économie et ses modes de consommation. Tout est lié en tout dans ce monde unique :aux expressions plurielles. Le marketing et les développeurs d’innovations ont-il tendance à l’oublier ?
Non, ou en tout cas moins qu'auparavant. Les industriels se parlent entre eux et échangent leur perception du consommateur, afin que chacun puisse profiter de la vision et de l'expérience des autres. Cela ne se produisait pas il y a quelques années. Le constat d'échec du marketing traditionnel est réel et fondé, mais il est aussi vrai que de nouvelles méthodes se mettent en place, avec des résultats.
Devenus plus solidaires grâce aux NTIC et en réaction face aux majors uniformisantes de l'économie, les jeunes consommateurs d'aujourd’hui bâtissent « une société qui n'est déjà plus la nôtre ». parce que répondant a une éthique et des codes en rupture réels à ceux en vigueur depuis 50 ans. Comment des lors les décisionnaires actuels peuvent-ils s'y adapter sans tomber dans le jeunisme ou la démagogie à coup de récupération trop vite dénoncée ?
Le jeunisme serait de vouloir copier les jeunes sans les comprendre, c'est-à-dire sans se dire que le futur qu'ils sont en train de bâtir n'est pas forcément à l'image que ce nous avons vécu et de ce que nous connaissons. Il ne s'agit pas d'adopter leurs codes vestimentaires et leurs modes de vie en général, mais d'analyser les raisons qui les conduisent à vivre comme cela. Cela suppose aussi de donner aux jeunes des outils et vecteurs pour s'exprimer et faire entendre leurs besoins et leurs visions des choses. Cela nécessite une réforme des esprits pour ceux qui sont actuellement aux commandes de la société socioéconomique. Toutefois, la volonté de récupération est un réflexe normal, parce que cela apparaît – à tort – comme la solution la plus facile parce que la plus rapide.
Les early adopters ne constituent plus la population a suivre et sont remplacés par des trends setters Quelles réalités recouvrent ces termes ? Et cela signifie-t-il que le critère le plus valide de succès commercial futur d'une nouveauté n'est plus censitaire (par CSP notamment, mais sociodémographique (pyramide des âges réels ou subjectifs) ?
Les early adopters sont ceux qui achètent n'importe quel produit pourvu qu'il soit nouveau et qui n'hésitent pas à y consacrer un budget élevé. Jusqu'à ces dernières années, les autres parties de la population suivaient, les premiers à le faire étant les immédiate followers. On s'aperçoit aujourd'hui qu'il y a un fossé entre les deux. Aussi de nombreux produits choisis par les early adopters ne trouveront pas de population relais et resteront invendus. On ne peut donc plus se fonder sur le fait que 200 ou 300 000 personnes ont acheté un produit en Europe pour tabler sur son large succès commercial populaire. Une méthode plus fiable consiste à observer les gens qui ouvrent de nouvelles voies de consommation, afin de leur proposer des produits qui s'y inscrivent. Cela a été le cas des jeunes qui ont acheté les premiers baladeurs mp3 il y a quelques années et qui les utilisaient différemment de leur usage de base. Les petites tendances sont comme des ruisseaux ; elles sont nombreuses, mais en les suivant, on arrive toujours aux rivières puis aux fleuves qui alimentent la société de demain. Appliqué à l'univers de la cuisine, les early adopters sont ceux qui ont acheté les premiers réfrigérateurs avec écran LCD pour naviguer sur Internet. Globalement, ces équipements relèvent davantage du gadget. D'ailleurs, le reste de la population n'a pas suivi et on peut douter de leur succès commercial dans les prochaines années. A contrario, certaines enseignes comme Résonances ont développé avec succès une offre correspondant au retour vers de l'authentique, désir émis par les citoyens eux-mêmes et non par des bureaux d'étude.
Quel avenir pour le high tech selon vous ?
Le high tech a encore un bel avenir devant lui, simplement parce qu'il y aura toujours des produits de technologie avancée ou illustrant la course ininterrompue du progrès. Par contre, je pense que, de plus en plus, le consommateur exprimera son pouvoir de décision, et fera son choix sans se presser en privilégiant des produits répondant bien à ses besoins. Cela signifie que les fabricants réfléchissent davantage en fonction des modes de vie réels et non supposés des gens, de l'usage qu'ils font des objets de leur quotidien, et non pas de ce que font ou prévoient les ingénieurs. De cela va émerger une dichotomie dans la structure concurrentielle du marché. Celui sera occupé d'une part par les acteurs de mass market, proposant des produits corrects mais d'entrée de gamme ; et d'autre part, par des fabricants qui auront pris des longueurs d'avance en inventant de nouvelles solutions à valeur ajoutée, pas forcément technologique, mais en terme d'usage pratique. La prime ne sera pas donnée au gigantisme monolithique industriel. Je crois au contraire que l'avenir sera profitable aux petites structures plus souples, réactives, inventives et intégrées dans des réseaux commerciaux d'entreprises. La faculté de bien ouvrir l'esprit et les yeux pour regarder autour de soi, pour observer le contexte autour de son activité, est la clé du succès de demain.
Univers Cuisine N°14 – Octobre 2005
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