10/06/2012
Les prévisions, c’est comme les éléphants …
Les prévisions, c’est comme les éléphants … ça trompe énormément !
Toujours amusant de retrouver de vieilles coupures de presse !
Le papier avait du bon : contrairement à Internet où une information chasse l’autre, une coupure reste définitivement au fond du dossier où on l’a glissée … jusqu’au jour où, justement, elle en glisse de ce dossier !
Et l’on relit de ces vieilles prévisions que leurs auteurs préféreraient oubliées à jamais.
Comme celle-ci où les « experts » de la banque Close Brothers déclaraient : « Les sociétés "web 2.0" ne sont pas viables à moyen terme » ; mais surtout : « le site de partage de vidéos YouTube n’a pas de "modèle économique" » car « les usagers des sites 2.0 sont peu réceptifs à la publicité ».
Difficile de connaître la rentabilité de YouTube, Google ne publiant pas de résultats séparés, mais les spécialistes estiment que la plateforme – et second moteur de recherche au monde derrière … Google – est bénéficiaire depuis 2010.
Cela ne portera pas atteinte à la réputation de Close Brothers qui s’appelle désormais DC Advisory Partners : à ne pas en douter, avec de telles capacités prédictives, mieux vaut changer de nom de temps en temps, pour gommer le passé !
Autres prévisions un peu pourries, celles du modèle ElectionScope pour qui « depuis Octobre 2010, Nicolas Sarkozy est donné vainqueur au second tour », avec une belle constance, puisque cet article de l’Expansion d’Avril 2012 que j’ai entre les mains donne l’ex-président « vainqueur … à 50,3% ». Comme en arrive-t-on là ?
« On a observé que les facteurs politiques ne suffisaient pas à eux seuls pour expliquer le vote, c’est pourquoi il est apparu nécessaire – pour rendre compte du comportement et des choix électoraux – d’ajouter les facteurs économiques et leurs évolutions » : bref, contrairement aux instituts de sondage (qui, rappelons-le, on tous donné Hollande vainqueur), les heureux créateurs du modèle ElectionScope ont mouliné très fièrement leurs données … pour se planter majestueusement.
Heureusement, le papier, ça brûle !
21:48 Publié dans Un peu de bon sens | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
08/06/2012
Happy end !
Bonne nouvelle : les mésaventures de mon ami Alain avec Darty – voir ici – ont trouvé une heureuse issue.
Petit compte-rendu sous forme d’interview :
MarketingIsDead : Tu m’as récemment passé un papier un peu « virulent » à propos de Darty ; depuis, un contact s’est établi …
Alain : Oui et de façon assez rapide. En fait, cette affaire prenait des proportions démesurées ; il s'agissait d'un problème lié manifestement à un dysfonctionnement de leur système d'informations qui nous valait d'être convoqués au Tribunal pour une faute … inconnue.
Le problème a été identifié (plusieurs échos dans les forums) mais force est de constater que la machine judiciaire s'affolait … pour rien (et on peut s'interroger très sérieusement sur le rôle des sociétés de recouvrement et notamment sur leur mode de communication).
Le bon sens a repris le dessus et le service Client de Darty a réglé le problème dans la matinée. C'est tout à leur honneur.
Et du côté de Darty :
MarketingIsDead : Laurent Chometon, tu es Directeur Marketing Clients de Darty, et donc un peu le Confianciologue en chef du distributeur : avec la montée en puissance du Web social, vous devez sans doute faire face à de plus en plus de plaintes qui vous touchent indirectement, via les blogs, les forums, les réseaux sociaux …
Laurent Chometon : Je préfère nettement qu'un client se manifeste pour nous témoigner son expérience avec Darty car cela nous permet de lui trouver une solution dans la grande majorité des cas. C'est aussi une aide précieuse dans l'amélioration de notre organisation.
Le web social ne change pas grand chose sur le fond. Nos clients sont les bienvenus dans nos services clients, à travers Twitter, Facebook ou le site 36000solutions.com.
Même si en général les moyens plus classiques que sont l'email, le courrier et le téléphone leur permettent de nous donner tout de suite les éléments privatifs qu'ils ne diffusent pas sur les réseaux sociaux, et nous gagnons du temps. 800 personnes chez Darty sont là pour cela.
17:44 Publié dans Un peu de bon sens | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
04/06/2012
Marque personnelle #2
Suite du post paru le 28 Mai 2012.
Les meilleures marques personnelles sont évidemment des créations originales – elles sont donc plus rares !
Karl Lagerfeld en est également une remarquable : couturier de talent, il sortira de l’ornière une Maison Chanel au bord de la fermeture – il en occupe toujours la direction artistique.
Depuis, il s’emploie essentiellement à la construction de la marque Lagerfeld.
Sa différence, il l’exprime par un look improbable (col cassé blanc, lunettes noires, rigidité absolue, etc.) et des sentences à l’emporte-pièce comme : « Seule ma propre opinion m'intéresse » ou : « Je suis une sorte de nymphomane de la mode qui n'atteint jamais l'orgasme » ; Wikipédia en donne ici un amusant florilège.
Couturier, il se veut aussi photographe et surtout « dilettante professionnel », comme il se plaît à se qualifier : inutile de retracer la liste de ses initiatives et collaborations (éditeur, acteur, lunettier, designer, chanteur, etc.), toutes ne visent qu’à construire un personnage – et une marque – hors du commun.
En 2008, il signe un contrat de licence avec Coty pour lancer une ligne de parfums à son nom ; se pose alors la question de la marque à utiliser … ou plutôt : comment l’utiliser ?
Pour Pierre Cardin, Chloé et autres Marc Jacobs, pas de problème : il suffit d’utiliser le logo existant ; et pour Beyoncé ou Céline Dion, un lettrage approprié soulignera la personnalité de la star.
Lagerfeld, lui, n’est pas seulement un personnage complexe, une simple vedette : c’est une marque ; et qui plus est, une marque « dilettante ». Dès lors, comment éviter les dérives et que la marque Karl Lagerfeld ne tire le parfum en des territoires inappropriés ?
En la « démarquant » : Coty utilise la signature du couturier … et ne la laisse apparaître que sous un flacon à la marque Kapsule ; sage précaution, d’autant que circulent par ailleurs des eaux de toilette griffés : Lagerfeld Photo !
La marque Karl Lagerfeld s’est développée essentiellement à partir des années 80, la marque Steve Jobs a réellement explosé à la fin de la décennie suivante : elles ne doivent leur succès qu’à des méthodes traditionnelles de relations publiques – et notamment ses fameuses grand-messes médiatiques baptisées keynotes pour ce dernier.
Internet – et le web social – ont amplifié leur visibilité ; mais le couturier manie parfaitement tous les leviers promotionnels classiques et truste les plateaux télévisés chaque fois que nécessaire.
Par contre, il est clair que les nouveaux moyens de communication vont favoriser le développement de nouvelles marques personnelles comme Huffington.
Toutefois ici, la mise en œuvre apparaît légèrement plus complexe, Huffington constituant le trait d’union entre un patronyme : Arianna Huffington ; et une marque commerciale : The Huffington Post.
On constatera d’ailleurs que ni le média, The Huffington Post, ni même le patronyme d’Arianna Huffington, n’appartiennent réellement à la journaliste : née Stassinopoulos et divorcée d’un parlementaire américain, elle en conservera le nom ; quand au journal en ligne, elle le vendra à AOL en 2011.
Ici encore, et de manière accrue, se pose la question de la coexistence entre marque personnelle et marque d’entreprise : le web autorise aujourd’hui – et favorise même – d’aussi flagrantes ambigüités parce qu’il est aisé pour un entrepreneur de développer sa marque personnelle parallèlement à celle de la société qu’il développe.
En fait, Arianna Huffington et The Huffington Post n’existent tous deux que par et au travers du web : il est non seulement le lieu d’existence du titre d’information, mais c’est sa partie conversationnelle – le web social – qui supporte la marque personnelle Arianna Huffington.
Google indique « environ 948 000 résultats » à la requête « Arianna Huffington » pour la seule blogosphère : aujourd’hui, l’impulsion ne vient plus seulement les individus, mais également de la multitude des internautes qui surfent et écrivent sur des blogs, Twitter, Facebook.
Facebook justement ! Ici aussi coexistent deux marques fortes : celle du réseau social – et celle du héros du film « The Social Network », Mark Zuckerberg ; certes, la première apparaît considérablement plus forte que la seconde, mais la seconde constitue un contrepoint potentiellement dangereux.
Dangereux parce leurs valeurs apparaissent radicalement opposées : Facebook, c’est avant tout la convivialité, l’amitié, le réseau sympa et conversationnel ; Zuckerberg, c’est le petit génie névrotique, complètement monomaniaque, et dont on ne sait s’il faut l’aimer ou de le haïr pour avoir marché sur ses copains d’université.
Certes, le film peut revendiquer une forte responsabilité dans la réputation sulfureuse du fondateur de Facebook … mais aujourd’hui, celle-ci constitue une réalité dont il convient de tenir compte : pour les internautes qui surfent sur les médias sociaux, ce dernier est (selon les auteurs) névrotique, névrosé, ou pour le moins instable !
Et surtout, il apparaît très doué pour se construire une image personnelle atypique … bien que plagiant volontiers Steve Jobs : le patron d’Apple organise-t-il des keynotes pour assurer la promotion de ses nouveaux produits ? Zuckerberg organise son « F8 » pour annonce les évolutions majeures de son réseau social.
Mais attention, ce sera un évènement taillé à la mesure de son héros : ainsi le 22 Septembre 2011, avant de parler « TimeLine », « Ticker » et autres nouvelles fonctionnalités, c’est un sosie de Zuckerberg qui monte sur scène – tellement caricatural qu’en fin de compte, on se fait plus qui parodie qui …
On est loin de l’osmose Jobs / Apple : or s’il est aisé pour des actionnaires de se débarrasser d’un CEO encombrant (tout dépend la plupart du montant du chèque …), il l’est beaucoup moins de décoller l’image personnelle d’un fondateur de celle du produit qu’il a créé.
L’affaire Guerlain en a récemment apporté la preuve : le 15 octobre 2010, interrogé sur France 2 sur la création du célèbre parfum Samsara, Jean-Paul Guerlain déclare : « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin … ».
Evidemment les propos choquent, les associations antiracistes se mobilisent, de même que nombreux journalistes (dont Audrey Pulvar, lors de son éditorial quotidien sur France Inter) – et bien évidemment la blogosphère s’enflamme ! Sur Twitter, on relaie à l’envie les : « Le nègre t’emmerde et boycotte #Guerlain » et autres réactions similaires.
L’après-midi, le parfumeur tente de s’excuser au travers d’un communiqué à l’AFP, mais sans réellement convaincre ; le lendemain après-midi, c’est au tour de la filiale de LVMH de tenter de prendre ses distances, en précisant sur Facebook que : « Jean Paul Guerlain n’est plus salarié, ni actionnaire de la société » et : « Ses propos ne correspondent en rien aux valeurs de l’entreprise » …
… ce qui ne suffit en rien à calmer les consommateurs indignés ; et malgré une nouvelle prise de distance le 22, une manifestation est organisé le samedi suivant devant la boutique des Champs Elysées.
Quand il s’exprime ainsi, Jean-Paul Guerlain, arrière-arrière-petit-fils du fondateur de la maison Guerlain ne possède donc plus, ni actions, ni fonctions au sein de la société éponyme, comme le souligne le groupe LVMH : pour les internautes, cela ne change rien.
D’ailleurs les hashtags (#) mettent bien évidemment en avant la marque, Jean-Paul Guerlain s’écrivant alors « Jean-Paul #Guerlain » : et une recherche sur le site de micro-blogging mêlera nécessairement propos racistes et parfums !
LVMH aura trop trainé à réagir – et bien trop mollement ! Quand début 2011 John Galliano sera interpellé pour avoir proféré des insultes antisémites et racistes dans un café parisien, il sera immédiatement suspendu de ses fonctions par Dior avec qui il est sous contrat.
Bien sûr, la marque Galliano ne s’écrit pas comme la marque Dior, mais Guerlain a trop tergiversé ; or si les médias sociaux constituent un vecteur exceptionnel de promotion pour les marques personnelles, ils peuvent également très rapidement les tuer … avec le risque, pour les marques commerciales associées, d’être prises dans la tourmente !
17:41 Publié dans Marques | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
03/06/2012
Franck Cochoy et le self marketing
Enseignant à l’Université de Toulouse II, Franck Cochoy est également l’auteur de nombreux ouvrages, comme De la curiosité et Sociologie d'un curiositif ; récemment de passage à Paris, il était l’invité de l’Adetem.
MarketingIsDead : Peux-tu préciser la notion de self marketing que tu as développée lors de ta récente intervention au Club Marketing 2.0 de l’Adetem ?
Franck Cochoy : En marketing, on connaît le self marketing au sens de « marketing de soi », c’est-à-dire au sens d’autopromotion, par exemple si je présente mes livres De la curiosité (Armand Colin, 2011) et Sociologie d'un curiositif (Le Bord de l'eau, 2011) dans ton interview pour me faire de la pub !
Je donne plutôt au mot de self-marketing le sens de « marketing pour soi », sur le modèle du « self-service » : de même que, dans un supermarché, je prends moi-même les produits que je souhaite, je m’aperçois qu’aujourd’hui un nombre croissant d’outils me permettent d’aller moi-même à la rencontre des informations commerciales susceptibles de m’intéresser, et donc de « faire mon marketing », en quelque sorte.
Ainsi, les codes-barres 2D me permettent de découvrir si tel est mon désir des offres ou d’obtenir des informations additionnelles ; l’application « Shazam » me permet de trouver avec mon smartphone le titre de la chanson que j’écoute, etc. La grande nouveauté avec le self-marketing, c’est qu’au lieu de recevoir comme jadis des informations commerciales non sollicitées, le consommateur participe volontairement au travail d’information commerciale, se rendant en quelque sorte complice, sans forcément s’en rendre compte, de sa propre séduction.
L’un des ressorts cruciaux d’activation du self-marketing est l’appel à la curiosité.
MarketingIsDead : Le Web social favoriserait la sérendipité en marketing : comment et surtout, avec quelles implications ? Et avant tout, quelle est ta définition de la sérendipité ?
Franck Cochoy : La sérendipité désigne l’aptitude à donner sens aux choses que l’on rencontre de façon inopinée au long de sa route ; c’est une notion dérivée d’un vieux conte oriental où trois Princes envoyés découvrir le monde par le roi leur père Sérendip, sont parvenus à s’intéresser aux traces d’un chameau découvertes au long de leur route, et à en tirer toutes sortes d’informations au gré d’habiles déductions : ils ont compris que le chameau boitait et était borgne car l’herbe était moins écrasée et broutée d’un seul côté, qu’il portait une femme enceinte parce qu’ils ont repéré qu’une femme avait uriné en laissant les traces de ses mains soutenant son corps alourdi, etc.
Cette vieille histoire renaît de plus en plus dans nos pratiques d’exploration du monde commercial, notamment grâce à l’Internet mobile : comme les Princes de Sérendip, nous allons notre chemin, sans forcément nous orienter a priori vers les offres commerciales, mais nous faisons mille rencontres auxquelles nous sommes portés à donner sens.
La nouveauté, c’est qu’aujourd’hui la Sérendipité est provoquée et/ou assistée : le web, les applications de géolocalisation, les comparateurs de prix comme Prixing ou les outils du marketing en temps réel suscitent et facilitent notre exploration du monde commercial.
MarketingIsDead : Tu as également évoqué l’idée « d’économie de l’attention » …
Franck Cochoy : Les économistes de l’Internet ont montré que l’attention des consommateurs est aujourd’hui un bien rare, une ressource cruciale pour les acteurs du marché, qu’il s’agit non seulement de capter, mais surtout d’économiser (pour ne pas gaspiller inutilement les ressources attentionnelles limitées des clients) et de valoriser (les traces d’attention font l’objet d’un commerce, comme le montre bien la vente du nombre de clics, etc.).
Les outils qui m’intéressent, à savoir les « curiositifs » ou dispositifs de curiosité, inaugurent un troisième mode de gestion de l’attention : désormais, l’attention est non seulement économisée et valorisée, mais elle est aussi excitée : le ressort de cette excitation est paradoxal, puisqu’il consiste à soustraire l’information commerciale pour susciter le désir de sa recherche : une affiche de teasing, une offre surprise, un code à découvrir nous prive d’un accès immédiat à l’information et par là-même captent notre attention.
Là aussi c’est une rupture importante avec les anciens modes d’information commerciale qui consistait plutôt à saturer l’attention des personnes au moyen de messages « pleins » et non sollicités.
17:03 Publié dans Interviews 2.0 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |