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14/04/2010

Marketing 360 : un nouveau contrat de communication ... sociable pour une reprise en devenir

Jean-Paul Baradel.jpgAujourd'hui, MarketingIsDead ouvre ses colonnes à Jean-Paul Baradel, ancien Directeur Général CRM et Internet du Groupe Danone, et administrateur de l'Adetem.

Les dieux du marketing seraient-ils désespérément fâchés en ces temps de crise, de redistribution des cartes et des budgets ?

Quelles solutions les annonceurs vont-ils pouvoir adopter dans un marché en pleine mouvance où vendre est au cœur de toutes les problématiques du moment ?

Comment leurs agences vont-elles pouvoir les aider à relancer la machine à consommer ou à fabriquer une confiance qui s'étiole ? C'est sans doute, de cette dernière dont notre monde a le plus besoin aujourd'hui et pas uniquement entre acteurs financiers !

Certes, les points de repères ont fondamentalement changé, cela ne date pas d'hier, mais la crise actuelle nous oblige à repenser les stratégies ; auparavant, nous aurions fait semblant de le faire ... tout allait si bien !

Avant même la crise, une nouvelle donne était clairement apparue : le consommateur/client plus  savant que jamais, rompu à nos bonnes vieilles méthodes de communication qui datent ... du siècle précédent ne s'en laisse plus compter! Il décrypte, analyse, soupèse, valorise, choisit sans que les communicants ou marketers de tout poil ne parviennent réellement à maîtriser ce qu'il doit penser et comment il doit agir. Car la logique était bien celle-là, nous étions « les maîtres à ... penser », le client final était comblé, il n'avait qu'à ... consommer !

Aujourd'hui,  grâce aux nouvelles technologies et tout particulièrement au WEB, la donne est bouleversée ou plutôt accélérée. C'est un lieu commun que de le répéter ? Sans aucun doute. Mais là où le bât blesse, c'est que nous n'avons pas suffisamment accompagné ce mouvement et nous restons, bien souvent, d'un profond conservatisme : on le dit, on le proclame, mais on ne le fait pas ! Comme de nombreux cadres en ont désormais pris l'habitude, il faut que le marketing, lui aussi, fasse son 360, son retour sur soi.

Et pourtant, les appellations fleurissent et le laissent à penser : les agences s'affublent de ces nouveaux qualificatifs. Elles deviennent précisément 360°, tentent d'atteindre la quatrième Dimension, prennent « le parti du client », « dialog (ent)», s'organisent et se réorganisent en tentant d'intégrer toutes les techniques de communication... Autant d'excellentes initiatives qui font également échos aux prétendues évolutions des annonceurs qui remettent « le client au cœur de l'entreprise », développent la gestion de la relation clients, outils CRM et autres approches novatrices en marketing que l'on dit relationnel ...

Sans fustiger ces initiatives, je crains qu'elles ne fassent la part belle ... au suivisme et aient bien du mal à se concrétiser suffisamment dans les actes !

La question semble pourtant assez simple : comment passer d'un marketing monothéiste, un tantinet monomaniaque, axé exclusivement sur le produit, sa promotion, sa distribution, son prix et sur la marque, à un marketing plus orienté client qui ne perdent pas pour autant ses racines précédentes ?

Sans doute en (re)partant de ce dernier... le client, le consommateur, notre bonne et générique « Mme Michu » (sans aucun mépris à son encontre évidemment).

Car aujourd'hui, c'est bien lui qui décide et à nous d'être en phase ; c'est-à-dire être plus proches, plus attentifs, plus en symbiose, en donnant une âme véritable à nos entreprises qui ont souvent du corps, mais restent trop perçues comme des corps ... étrangers, aux discours souvent convenus, parfois inaudibles à force d'être rebattus.

Se saisir de l'air (ère ?) du temps ne suffit pas. Certes, évidemment, protégeons l'environnement, facilitons le développement durable, focalisons-nous sur la santé, le bien-être, une vie plus commode : en bref, le bonheur et conditions de vie de nos clients, consommateurs, concitoyens.

Mais en plus de cela, tentons de les comprendre nos clients si précieux, de les écouter, de les connaître, de les « apprivoiser » pour mieux les aimer, leur dire et surtout leur prouver au quotidien.

A cette fin, les méthodes doivent changer radicalement. Aux discours traditionnels tellement déclamatoires, faisons place à de nouvelles formes de dialogues, d'échanges : « co-mmuniquons » différemment, peut-être plus modestement en apparence, mais plus vrai, plus franc, plus réel, plus partagé.

La TNT impose de repenser la télé, l'offre et la demande se morcellent, TF1 ne sera plus le suppô(r)t quasi exclusif du prime time, France Télévision se voit imposer une alternative sans pub : de tout cela, tant mieux, car nous allons pouvoir/devoir changer !

Le consommateur de toute façon zappe. Il dispose désormais (aux Etats Unis surtout) des boitiers lui permettant d'éviter la pub ; il peut sur internet refuser les cookies ; il parle, sur le web également, de nos marques et produits (sans nous ...), jette au panier nos mailings convenus et surtout tellement impersonnels, refuse le contact conventionnel et impersonnel de nos centres (téléphoniques) qui ne facilitent pas tant les contacts que leur titre l'affirme.

Notre consommateur a, en effet, parallèlement appris à s'exprimer et à donner de l'écho à son expression. Avant, seules les associations de consommateurs étaient des interlocuteurs reconnus et craints à la fois. Aujourd'hui, c'est  Mme et M. « Toulemonde » qui prennent la parole ;  leurs pairs leur reconnaissent une vraie valeur, en tiennent compte dans leur comportement et leur donnent une formidable audience. Alors prenons-les pour les adultes qu'ils sont et entamons une approche différente.

Celle de la connaissance partagée, voulue et utilisée pour ce qu'elle est : en quelque sorte un nouveau contrat social marketing qui respecte vraiment le sujet. « Je t'autorise à me connaître, donc je te donne de l'information parce que j'attends qu'elle me soit utile : elle peut (donc tu peux) m'informer, m'aider, me distraire, m'inciter aussi, mais tu dois me respecter pour ce que je suis et surtout pas pour ce que je ne suis pas ou ce que tu crois que je suis ! ».

Confiance = Connaissance réciproque grâce à un dialogue renouvelé et par un contenu et une valeur renforcés.

Les modalités sont connues, leur expression massive la plus aboutie passe par le web, sans exclusive d'ailleurs : écrire, dialoguer sont faciles sur le net, mais ne sont pas son seul apanage. C'est sans aucun doute la symbolique de la relation entre son l'épicier et ma grand-mère qu'il faut y voir : rien de neuf, si ce n'est un renouveau organisé et structuré pour gérer, en nombre, une relation plus individualisée, plus mature.

Le « one to one » est certainement une forme utopique du marketing client, mais savoir s'adresser au peu (few) en plus grand nombre constitue sans aucun doute l'orientation du jour et de demain.  Cela n'implique pas de renoncer aux mass medias, cela implique seulement de les penser différemment, comme une partie d'un tout dont la multiplicité est garante de la richesse des contacts.

Alors que les budgets marketing sont pris dans le cyclone des coupes budgétaires liées ou non à la crise, il s'agit aujourd'hui sans doute de dépenser moins mais certainement de dépenser mieux et plus immédiatement utile.

Il est temps de changer : passer au « 360 » client en lieu et place du « 360 » produit, c'est sans doute faire une  révolution (aux deux sens du terme !), mais cela peut-être aussi tourner autour ... et ne rien faire !

Avons-nous encore le choix ?

Jean-Paul Baradel

04/02/2009

Crise de la consommation ou pas de côté ?

Drapoport.jpgL'invitée du jour, c'est Danielle Rapoport, Directrice de DRC, études et conseil.

Assistons-nous en direct à la fin d’une mécanique de consommation telle que nous la connaissons depuis plus de quarante ans et à la radicalisation de nouveaux comportements ?

À écouter ce que les consommateurs eux-mêmes nous en disent, il semblerait que oui, et que ces changements ne relèvent pas d’une crise mais d’une logique, d’une évidence réactive au contexte économique et social actuel. Et plus profondément, d’une recherche de consonance entre ce qu’ils perçoivent de l’offre de produits notamment de la grande consommation, et de leurs propres comportements d’achat qu’ils jugent parfois sévèrement.

Gaspillage, conséquences délétères pour l’environnement, inégalités dans l’accès à la qualité, risques d’addiction par des offres trop tentatrices … autant de critiques qui révèlent aussi une déception sous jacente, celle de ne pas avoir reçu de « récompense » de la part des marques (au sens large du terme) face au poids de la « dépense » dans l’acte d’achat : argent, temps, difficulté de choisir qui demande un véritable travail de tri des informations nécessaires, peurs liées aux risques sanitaires, effets négatifs de l’absence de confiance …

Ces aspects délétères de la consommation montrent que celle-ci a perdu de son innocence et qu’il convient de jouer différemment le lien entre acteurs de l’offre et acteurs de la demande.

En quoi consisteraient ces nouveaux liens, ce nouveau regard sur des individus qui ont fait un « pas de côté » et proposent, par la tangente, de nouveaux modèles à leur échelle ?

Leur démarche en « crabe », parfois réactive et souvent créative, relève d’une mise à distance critique et d’une revendication d’être réellement reconnus comme acteurs piliers de la « croissance », par ceux-là même qui les désignent ainsi. Si les inégalités sont si grandes entre marges réalisées par les marques et leur accès difficile par un prix trop élevé, si elles prêtent si peu d’attention à leurs acheteurs, continuent leur course au profit dans un courtermisme, une myopie, une surdité, une absence de reconnaissance propres à décourager les plus fidèles, pourquoi continuer de les aimer et ne pas aller « voir ailleurs », se relier à des offres plus généreuses et qui fassent rêver, ou moins onéreuses et génératrices de pouvoir d’achat ?

Le « pas de côté » correspond à un déplacement de la norme consommatoire, qui jusqu’ici pouvait se résumer à une équation simpliste : provoquer le besoin (en principe limité) sur le mode d’une sollicitation du désir (par essence illimité) qui mène les personnes à devenir des « consommateurs », en réponse immédiate et émotionnelle à des stimuli, soumis à des pulsions irrépressibles, dans une omniprésence du présent.

Le « pas de côté » réhabilite l’idée que le consommateur est symptôme et partie prenante d’un contexte socioéconomique et qu’il cherche à le faire savoir par des comportements à sa mesure. Caisse de résonance et acteur à la fois, les solutions qu’il élabore sont éminemment pragmatiques : sauver ses sous, amenuiser son sentiment de perte – pouvoir d‘achat, travail, statut, désir - s’inscrire dans des valeurs qui privilégieraient « l’humain », le lien, la proximité, la participation, la contribution. Sur ce dernier point, Internet lui facilite la tâche, dans ce qu’il permet de communication horizontale (« C to C ») et de création de pôles de confiance.

Ce « pas de côté » est aussi la cristallisation d’attitudes que nous avions décelées au début des années 90, notamment en termes de perte de confiance vis-à-vis des institutions. L’angoisse de l’avenir et la focalisation excessive sur le présent ont été les conséquences négatives de l’incapacité des institutions et des marques à proposer autre chose que des stimuli au présent - innovations sans valeur ajoutée rendant l’offre plus confuse, les choix plus difficiles, le gaspillage et l’obsolescence plus répréhensibles.

Si certaines entreprises en ont tiré des leçons, mettant « le consommateur au cœur des préoccupations », d’autres se sont emparées de la formule sans en appliquer les conséquences. Le besoin de maîtrise pour compenser des achats plaisir marque une reconfiguration du désir en questionnant ses vrais besoins.

S’y ajoute une sensibilisation à l’idée de « limite », dans la dénonciation du « trop », d’une obésité de l’offre dans sa redondance absurde. La question de la limite est aujourd’hui renforcée par les grands enjeux environnementaux qui nous obligent à une conversion radicale des systèmes de production, de fabrication, de distribution et de consommation, où posséder, détruire, abuser des ressources, s’imposent comme des contre-valeurs et devront générer des contre-pratiques plus respectueuses … sous conditions de conviction à tous les niveaux, ce qui est loin d’être le cas !

Pour les individus, leur permettre des actes engageants renforçant leur sentiment d’utilité (les petits ruisseaux faisant les grandes rivières).

Pour les entreprises, associer le court terme au long terme du durable, et rendre leurs offres cohérentes, crédibles, accessibles et désirables.

Pour les médias, convertir leurs stigmatisations dramatisantes et culpabilisantes en informations utiles.

Pour les publicitaires, cesser de s’abreuver au « filon vert » sous perte de lasser leurs publics et de décrédibiliser les marques qu’ils veulent défendre.

Les consommateurs ont montré depuis près de 20 ans leur obstination à réclamer leur dû tout en exprimant, pour certains la nécessité de leurs devoirs, à condition d’inscrire ceux-ci dans une vraie réciprocité. Cette « co-reconnaissance » - lien positif et synergique entre l’entreprise et les consommateurs - viendrait réparer un sentiment d’impuissance plutôt partagé chez les consommateurs – mais aussi les salariés.

Ce sentiment est, du point de vue psychologique, ce qu’il y a de pire.

Pire que la dissonance, quand les acheteurs naviguent entre « low cost » et attrait pour une fabrication locale plus chère. Pire que la frustration, dont on peut se convaincre qu’elle est choisie via des arbitrages « astucieux » et « intelligents », l’envie de faire du vide et adopter des comportements plus justes pour soi-même. Pire que l’absence de confiance qui a donné lieu à la construction compensatoire de nouveaux liens et lieux de proximité et des choix de confiance par la preuve. Pire que le sentiment de « perte », qui peut se retourner en gain matériel et psychologique, comme le sentiment de compassion, quand la visibilité de la très grande pauvreté relativise la sienne propre. Si les consommateurs choisissent d’acheter moins pour s’offrir du « mieux » et donner au superflu des vertus de sens - ce qui est perceptible dans la baisse constatée en volume des achats en hypermarchés quand la valeur ajoutée n’y est pas perceptible – le rétablissement de la confiance suffira-t-elle à renverser la tendance ?

S’il ne faut pas compter encore sur une « consommation citoyenne » - acheter plus cher pour sauver des emplois par exemple - il faudra des marques, des entreprises qui fassent lien, et aident les individus à trouver dans leurs offres et services un « collectif de confiance ». Elles récupèreront de ce fait le statut de « puissances bienveillantes » qui leur fait tant défaut aujourd’hui : produire du futur et redonner de l’espérance à l’ensemble du système.

Chronique également publiée dans Les échos.

02/02/2009

Quand musique et politique mènent la danse

Olivier.jpg

L'invité du jour, c'est Olivier Covo, directeur associé et fondateur de Brandy Sound.

En ce début d’année d’investiture de l’espoir aux Etats-Unis, il est intéressant de noter à quel point la musique est un catalyseur émotionnel lorsqu’il faut parler au cœur des gens. Dans ce processus démocratique, information, communication et propagande font beau jeu dans le rationnel (et l’irrationnel) d’une campagne.

Petite analyse comparée de deux de nos leaders maximo, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique.

Quand la petite musique parle au cœur de nos ouailles, il est plus aisé de faire passer des messages ou des réformes plus dures parce que la musique qui est un cri qui vient de l’intérieur adoucit résolument les mœurs.

Dans le grand jeu du marketing politique, on notera que le marketing dit sensoriel a pris une part importante pour mieux toucher le consommateur, plutôt le citoyen, pour mieux consommer les produits (les promesses) qu’on lui sert.

La musique est l’un des éléments de support à l’entertainment proposé par nos showmen politiques. Que ce soit par l’utilisation de la musique en soutien à un discours pour densifier la charge émotionnelle et passer un message aussi dur qu’il soit, ou en s’associant à des Artistes de renom ; les hommes politiques savent bien exploiter les ficelles du marketing musical.

En France, la marque Sarkozy s’associe pour le meilleur et pour le pire à une Artiste – technique dite (même si ce n’était pas obligatoirement calculé) dans le jargon professionnel de « l’endorsement » - on s’associe à une caution artistique à forte image et notoriété pour en profiter soi-même.

On peut ne pas adhérer aux idées portées par Nicolas Sarkozy et dans le même temps adorer l’artiste Carla Bruni – Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, Président du Parti de Gauche. Lorsque Johnny Hallyday apporte sa caution à Optic 2000, la marque profite du capital de sympathie et de séduction de la personnalité Hallyday pour sublimer Optic 2000. Même combat pour Monsieur Sarkozy qui ainsi s’associe à toute la sympathique petite musique de « quelqu’un m’a dit… ».

Plus tactique au moment du coup de chaud des banlieues, Doc Gyneco a pris l’habit de l’endorsement pour rendre l’image de notre président plus jeune, plus populaire et plus proche des jeunes. Il s’y est brûlé les ailes car le « mariage » entre la marque et l’artiste n’était guère cohérent. C’est un peu ce qui se passe par exemple entre une Olivia Ruiz et Coca Cola, personne n’y croit vraiment.

Nicolas Sarkozy n’a d’ailleurs jamais eu la sympathie de l’univers du Rap et du Slam qui reste contestataire au système qu’il représente. On peut dire en conclusion que notre président, qui a résolument le sens du rythme politique a trouvé une couleur musicale plus soft qui lui confère une profondeur propice à mieux éclairer sa posture d’homme d’état.

Alors que Monsieur Sarkozy cherche à s’associer à des Artistes, Les Artistes s’associent à Obama et chantent ses louanges. Comme le dit très justement Barack Obama, « Motown* a fait de moi l’homme que je suis ». Yes, we can !

C’est bien sûr la posture du nouveau président qui symbolise un changement énorme mais aussi la nature du discours qui est dit et raconté avec un rythme et une musicalité qu’envieraient beaucoup de stars de la Pop, du R&B, du Rap et de la Soul. Signe que diversité raciale et réussite pouvaient aussi exister pour cette communauté dans le contexte historique des Etats-Unis d’Amérique.

Cet homme a non seulement le sens du rythme, mais il sort de sa bouche une petite musique où il ne manque que les instruments pour soutenir et densifier émotionnellement le discours. Les musiciens, ainsi que les communautés Afro ou Latino … ne s’y sont pas trompées et ont, par le vecteur de différents artistes donnés de la voix à Obama, si j’ose dire. Montre-moi ta musique, je te dirai qui tu es.

Mais aussi pour l’évocation, cela rappelle le temps des conteurs qui louangeaient les bienfaits de leurs héros en musique pour transmettre la bonne parole.

En termes techniques, nous sommes là dans le registre de la synchro musicale à l’image. Un clip, une star, une musique et une belle histoire pour soulever la liesse et réveiller l’humanité qui est en chacun de nous. Pour citer le plus connus et pour ceux qui ne l’ont pas vu, je conseille très fortement ce clip fait par des artistes américains qui reprennent les phrases de Barack Obama et les chantent en cœur.

Une vraie leçon de bonheur, d’ailleurs récompensée d’un Emmy Award. Obama apparaît de temps en temps en « split image » où on le voit dire son texte à côté de l’un des chanteurs - ce qui renforce encore la charge émotionnelle. C’est une vraie leçon de marketing politique.

Ce qui prime n’est pas autant ce qu’il dit que la façon dont il le dit. Standing ovation assurée … Ce clip a d’ailleurs fait le tour du monde en bien moins de 80 jours.

Alors, qui de nos deux leaders maximo maîtrise le mieux la petite musique politique ? Les techniques sont différentes et vieilles comme le monde mais on a affaire assurément à deux communicants d’envergure.

Tous deux ont bien compris que c’est le chant des sirènes qui nous touche à l’âme. Si la musique sert à transporter les mythes, et si en politique les mythes ne font pas toujours de bonnes réalités, il ne faudrait pas, un peu comme dans un bateau ivre, avoir à se boucher les oreilles.

Pour ne pas succomber à ces voix irrésistibles qui connaissent la musique, mais ne nous la font pas toujours partager !

* Motown, c’est le label soul qui a révélé les plus grands chanteurs afro-américains – Stevie Wonder, Marvin Gaye, Diana Ross ou en encore Michael Jackson.

08/12/2008

L'éthique selon Helen Zeitoun

ethique4.jpgÉthique et études marketing : telle était le thème de la conférence que j'ai eu le plaisir d'animer le 5 Novembre dernier au Sémo.

Le 3 Novembre, je publiais ici même le texte de mon introduction ; puis le 25 Novembre, celui de l'intervention de Philippe Jourdan. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous faire part de la réponse d'Helen Zeitoun - Représentante Esomar pour la France et Directrice Générale de GfK Custom Research France - à ma question : "Respecter la déontologie, est ce suffisant pour être éthique?"

Helen Zeitoun : La réponse est NON, mais il y a trois points que je souhaite développer pour sous-tendre ceci :

  • 1 - L'éthique existe à la base s'il y a consensus autour des règles juridiques : c'est le rôle fondamental d'ESOMAR. L'objectif essentiel est de créer la confiance du public interrogé : donc de valoriser dans les pratiques les valeurs de :

- honneteté,
- objectivité,
- rejet de toute intrusion vis à vis des participant.

Dans ce contexte le Code ICC ESOMAR révisé en 2008 impose la protection des données privées, dans un monde ou les dérives sont possibles en effet, non seulement dans les pays occidentaux , par exemple dans la distinction entre MR et marketing direct/vente, mais également et surtout dans les pays émergents dans lesquels la notion et pratique de protection des consommateurs n'est pas toujours très mâture.

Ce code est adopté par 32 associations et par 26 pays, dont la France et Syntec bien sûr. Concrètement, le code dit que la coopération du participant doit être volontaire et sans ambiguité ; que les droits du répondant sont respectés au titre d'individus par les gens d'études donc qu'ils ne seront pas personnellement "harmed"/pénalisés ; que les données personnelles ne seront jamais utilisées pour un autre objectif que celui du MR; le tout avec transparence et objectivité.

Un code spécifique a été développé pour les enfants et jeunes adultes : leur protection passe par le respect parental ; et repose sur la définition d'un enfant ou jeune adulte, qui n'est pas la même d'ailleurs selon les pays : 12 ans ou moins en Espagne ; 18 ans ou moins en Hollande.

  • 2 - Mais c'est une condition nécessaire et pas suffisante pour assurer l'éthique dont a besoin l'industrie pour assurer son avenir et éviter le tableau noir que tu décris François: c'est là le deuxième pan des actions d'ESOMAR

C'est l'initiative WIN, qui rassemble depuis 18 mois annonceurs et professionnels des études du monde entier: premier épisode à Barcelone en 2007, deuxième à Paris en 2008. Il s'agit de réagir à un constat observé et ce même dans le cadre législatif du métier : les taux de réponse aux études diminuent dramatiquement : ils sont en France de l'ordre de 20% contre 15% environ au UK, et 50 en Hollande ; au UK, c'est 3 fois moins qu'en 1990.

Corrélativement, il existe des statistiques alarmantes sur le taux de confiance déclaré par les répondants quant à l'utilisation supposée des données recueillies par les études : 32.5% en 2008 ont confiance, contre 43% en 2003 et 47% en 1996. Oui, il y a quand même un problème, et il est actuellement discuté par les leaders de l'industrie. L'objectif est de travailler sur la transparence avec l'interviewé car il a besoin de se sentir impliqué, voire influent dans le processus de décision lié à l'étude; il faut lui dire pourquoi on collecte l'information, et pas seulement merci à la fin d'un questionnaire ; il faut le considérer.

Ceci est d'autant plus important à une ère ou le répondant est parfois co-créateur dans l'interview : un nouveau paradigme de la relation interviewer/ interviewé.

  • 3 - Et pour aller plus loin dans cette réflexion, je pense qu'au delà des règles et des initiatives telle WIN, le métier a besoin d'une profonde évolution culturelle, qui concerne tous ses acteurs. Cette évolution (ou révolution?) culturelle va dans le sens de plus d'ouverture d'esprit sur ce qu'est un questionnaire aujourd'hui et demain, sur l'impact de la relation avec le participant sur la qualité du recueil et donc de la décision.

L'institut d'étude a une responsabilité : les questionnaires sont ennuyeux la plupart du temps ; il faut du leadership pour changer l'esprit d'un questionnaire, plus fun, qui utilise toutes les technologies que permet le Web ; il a été prouvé que cela a une incidence significative sur le taux de satisfaction des répondants à la fin d'une interview, et ce même pour les questionnaires dits longs qui soit disant ennuient les gens pour la raison longueur.

L'annonceur a une responsabilité : reconnaître le bénéfice qualité en acceptant qu'on passe du temps sur un questionnaire pensé différemment dans son design et dans le langage utilisé pour s'adresser aux interviewés : car le coût incrémental occasionné sera largement compensé par des taux de retour a priori de bien meilleure qualité.

On va être asphyxiés très bientôt si on ne s'y met pas plus fermement et efficacement, individuellement puis collectivement.

02/12/2008

L'éthique selon Philippe Jourdan #2

ethique4.jpgSuite de l'intervention de Philippe Jourdan au Sémo (voir note du Mardi 25 Novembre).

Pourquoi est-il urgent d’agir ?

Plusieurs signaux nous alertent sur l’urgence d’agir dans le domaine des études. La baisse des taux de participation ou des taux de réponse aux enquêtes est le plus significatif(1). C’est une des manifestations de la résistance du consommateur. Certains s’opposent ainsi au principe de collaborer à la définition d’offres, de services ou de publicités jugés superflus et manipulatrices de nos désirs et de nos choix. D’autres dénoncent l’asymétrie d’informations entre un commanditaire d’études qui maîtrise les objectifs implicites du questionnement (tests de nouvelles idées, validation du positionnement, recherche de cibles de marché, etc.) et un répondant piégé et dévalorisé alors qu’il revendique le droit d’être associé à la coproduction de valeur.

Le débat autour de la juste rémunération est également symptomatique de ce malaise. Du point de vue de l’institut, la rémunération est un simple dédommagement qui est sensé couvrir les frais de déplacement ou le dérangement occasionné par l’étude. La modicité des sommes montre à l’évidence qu’il s’agit ici de compenser tout juste le temps passé. Le répondant au contraire s’interroge sur la valeur de l’information qu’il communique. Il ne s’agit pas de son point de vue d’un simple témoignage mais il apporte son expertise, sa perception, son analyse forcément unique… il est donc coproducteur de valeur et à ce titre revendique un droit sur les profits futurs voire sur la propriété intellectuelle des idées ainsi co-créées.

Faut-il aller aussi loin ? Certains acteurs sur Internet ne sont pas loin de le penser qui proposent d’associer une communauté d’internautes à la création de nouveaux produits, de messages publicitaires, de plans marketing, etc. Le principe est toujours le même, celui de l’UGC ou « User Generated Content ». Ainsi récemment la marque Hugo Boss a proposé aux internautes de les associer à la création de l’annonce publicitaire du parfum Hugo Man. Via un site « full-flash », les internautes disposent d’une vaste palette d’outils (fonds, flacons, personnages, etc.) qu’ils peuvent assembler à loisirs. La création ainsi mise au point est soumise au vote de la communauté et le site de rappeler : « si votre visuel est sélectionné, c’est le début de la gloire pour vous, votre travail sera publié dans l’un des magazines urbains les plus prestigieux (…) ou même potentiellement être utilisé mondialement comme annonce pour les parfums Hugo. Et en bonus, vous gagnez 500 euros ».

Ce principe est parfois même porté plus loin encore. Sur le site de la société CrowdSpirit, les internautes assument un pouvoir de recommandation sur des produits ou des services existants. L’idée est tout simplement de soumettre aux marques les produits des internautes, inversant en cela le processus classique d’innovation en marketing. De l’aveu même du fondateur de la jeune pousse, l’objectif du site est de proposer à terme au public créateur sur le site une marge plus importante par rapport aux autres intervenants (designers, graphistes, ingénieurs, etc.). L’originalité de l’expérience se heurte toutefois aux problèmes juridiques soulevés par la propriété intellectuelle : rappelons qu’en France, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur, les produits industriels par les brevets, les innovations d’usage ne disposant elles d’aucune protection.

On le voit au travers de ces quelques exemples, le client est aujourd’hui demandeur d’une relation nouvelle, davantage fondée sur un principe de valorisation mutuelle, alors même que les pratiques en matières d’enquêtes n’ont-elles guère évoluées. Ainsi l’objectif de l’étude n’est guère communiqué aux répondants (aussi bien dans les études qualitatives que dans les études par questionnaires). Certes cette précaution est parfois nécessaire pour préserver la neutralité des réponses ou la confidentialité de la démarche. Pour autant, ne pourrait-on pas systématiquement en fin d’enquête communiquer sur les suites données à l’étude, sur la transposition de l’information ainsi recueillies en actions concrètes (nouveaux produits, nouvelles publicités, optimisation du marketing mix, etc.) ? Ne serait-ce pas un premier pas pour retrouver la confiance du consommateur et lutter contre l’érosion de la participation aux études ? La relation d’enquête est également souvent univoque : l’enquêteur pose des questions auxquels l’enquêté répond dans le respect strict du cadre proposé et du temps imparti. Peu d’alternatives pour coproduire, créer ensemble, être associé pour le consommateur dans la durée aux processus d’innovation, à l’exception bien entendu de quelques démarches très spécifiques (cf. Toyota au Japon).

En réalité, plusieurs paradoxes émergent ici. Les répondants souhaitent plus de transparence mais les instituts sont soumis au devoir de réserve et de confidentialité dans un univers de plus en plus concurrentiel. Les nouveaux consommateurs souhaitent que leur opinion propre soit prise en compte tandis que le marketing est lui préoccupé de l’adéquation d’une offre au plus large public, la segmentation n’étant perçu que comme une tentative de piéger l’individu. Enfin, le public souhaite désormais interagir pour coproduire, le marketing est encore trop souvent pyramidale et hiérarchique : le consommateur est interrogé mais c’est aux directeurs marketing de décider ! Le débat que soulève l’éthique en études rejoint plus largement celui sur la « sagesse des foules »(2) , l’un des paradigmes du Web 2.0.

L’idée que le collectif « flou », c’est-à-dire le public ayant simplement en commun un intérêt (partager une information) ou une pratique (loisir partagé) forme une intelligence collective disposant d’un réel pouvoir prédictif et non pas uniquement prescriptif, celui-ci étant depuis longtemps exploité par le marketing. Dans son ouvrage (« Wisdom of Crowd »), le journaliste économique James Surowiecki fait l’éloge de l’intelligence collective des foules et d’abord celui de la diversité. Que faut-il retenir en relation avec le domaine des études marketing ? En premier lieu, la foule en sait davantage que ce que l’élite veut bien croire. Un groupe à l’intelligence moyenne sera toujours meilleur qu’un groupe homogène, fût-il plus intelligent, et ce grâce à sa diversité (origine, âge, expérience, formation). L’enjeu n’est pas ici celui de la représentativité mais bien celui de l’intelligence collective via la diversité contributive. Dans un groupe trop homogène, plus les opinions sont échangées plus elles deviennent faibles. Les leaders doivent diminuer leur propre influence au sein d’un groupe et éviter de s’entourer de gens qui pensent comme eux. Les groupes sont plus intelligents quand les gens agissent individuellement. La diversité est donc source d’intelligence collective à deux niveaux, dans la façon de percevoir un problème (perspective) mais également dans la manière de le résoudre (heuristique). On le perçoit au travers de ces quelques exemples, il existe indéniablement une aspiration du public à une forme de participation parfois bien éloignée des pratiques hiérarchiques et univoques dans lesquelles semblent se cantonner les études marketing.

L’enjeu de l’éthique en études est désormais critique et le débat est donc tout à fait d’actualité. Selon plusieurs enquêtes désormais concordantes, un ratio très restreint – moins de 10% de la population aux Etats-Unis – participent aux enquêtes et aux sondages. En d’autre terme, seule une minorité régulièrement consultée participe à la définition des produits, des services, des campagnes, des modes qui s’imposent pourtant à tous. Smith et Klein rapportent qu’au cours d’une enquête menée dans un centre commercial aux USA, les participants ont été invités à décrire l’expérience qu’ils avaient vécue lors d’une étude de marché récente. Un tiers d’entre eux ont affirmé en avoir gardé une impression négative et plus du quart l’ont décrite comme contraire à l’éthique ou choquante. Une telle situation peut devenir économiquement et socialement inacceptable Cela est vrai du secteur marchand mais également dans le domaine politique. Nous l’avons vu, les raisons sont diverses et le débat autour de la juste rémunération traduit sans doute un malaise plus profond, autour de la prise en considération de l’intelligence individuelle et collective dans la production des offres adaptées à la société de demain.

Quelques pistes de réflexion et d’action

Il est temps d’échanger quelques pistes de réflexion et d’action. Notre propos n’est certes pas de prétendre à l’exhaustivité mais plutôt de proposer une démarche en vue de promouvoir plus d’éthique dans les études marketing. On peut pour cela partir du postulat selon lequel les professionnels du marketing sont tenus de veiller à ce que les consommateurs puissent assumer librement leurs choix, ce que Klein et Smith(3) ont baptisé le « test de souveraineté du consommateur »(3).

Les professionnels du marketing – et par là même des études – ont donc pour obligation de s’assurer que le grand public dispose en toute circonstance et en pleine connaissance de cause de son libre-arbitre. Pour cela trois critères s’imposent : la capacité de jugement, la quantité suffisante d’informations et la possibilité de choix du consommateur.

La capacité de jugement désigne la faculté pour la personne de se prononcer en toute connaissance de cause. Il s’agit donc d’apprécier non pas la pertinence de sa seule réponse par rapport à la question posée (fiabilité, validité, sincérité, etc.) mais plus largement la compréhension par le répondant du contexte et des enjeux du questionnement (objectif implicite, exploitation des réponses, démarche agrégative mise en œuvre, etc.). Ce domaine est aujourd’hui relativement bien couvert par les différents codes éthiques qui soulignent les précautions particulières à adopter lorsqu’il s’agit d’interroger des publics fragiles, les jeunes enfants ou les seniors. D’autres critères pourraient également être invoqués, par exemple le niveau d’éducation, la justification étant ici de s’assurer que le répondant a une compréhension claire des présupposés de la démarche d’étude, qu’il perçoit sans ambiguïté la finalité de la démarche (exploitation de l’information du public en vue de l’optimisation d’une offre commerciale).

Le répondant doit disposer d’une quantité suffisante d’information. L’information doit être précise et complète pour lui permettre de choisir ou de renoncer à participer. Ainsi le code international ICC ESOMAR précise dans ses fondamentaux que « les personnes interrogées coopèrent de manière volontaire, à partir d’informations sur l’objectif général et la nature de l’étude, qui doivent être appropriées et non trompeuses, leur permettant de donner leur accord de participation ». C’est probablement un des points dont le respect est le plus difficile pour un institut. En effet, par crainte de biaiser les réponses des personnes interrogées si celles-ci ont connaissance du contexte d’interrogation (identité du client, de la marque, but poursuivi, etc.) ou bien soucieux de faire émerger des opinions les plus spontanées, les protocoles d’enquêtes imposent le plus souvent aux enquêteurs une grande discrétion sur ces sujets. Un progrès possible d’un point de vue éthique consisterait à généraliser l’obligation de porter cette information à la connaissance du répondant à la fin de l’interrogation.

Ceci n’est toutefois pas sans poser d’autres difficultés. En premier lieu, la nécessité de confidentialité peut s’étendre au-delà de la période de questionnement, en particulier lorsque l’étude aborde des tests de nouveaux produits ou de nouveaux thèmes de campagnes publicitaires. En second lieu, rien ne garantit que la personne interrogée aurait eu un comportement identique (en acceptant de participer à l’étude ou dans la teneur de ses réponses) si les objectifs lui avaient été révélés a priori et non a posteriori. A quoi bon l’exercice d’une liberté de participation qui ne peut être pleinement exercée… qu’après avoir participé ! Un compromis serait d’introduire plus de transparence dans l’exposé des motifs de l’étude dès la phase de recrutement. En particulier les répondants devraient être pleinement informés lorsque l’identité du produit, de la marque ou du client ne peut leur être communiqué, des motifs pour lesquels cette précaution est adoptée. Ils seraient présumés y souscrire pleinement. Ceci est bien entendu valable tant pour les études quantitatives que pour les études qualitatives ou fondées sur l’observation.

Ces quelques règles sont destinées à répondre au troisième critère du principe de souveraineté du consommateur, celui de la liberté de choix. Certes de nombreuses préconisations existent aujourd’hui pour rassurer le public sur le caractère licite, sincère, honnête de l’étude et plus spécifiquement du questionnement. Aucune liberté de choix n’existerait si ces conditions préalables n’étaient pas remplies (on rentre alors dans un contexte de duperie ou de tromperie, comme cela est le cas lorsque sous le prétexte d’une étude, le prestataire effectue une démarche de vente). Au-delà de ces précautions, il s’agit pour le consommateur d’exercer son droit d’acceptation ou de dénégation en toute connaissance de cause, un droit qui s’applique même après que les données ont été collectées. Ce droit fondamental porte aussi bien sur le fait ou non de participer, la possibilité de se retirer à tout moment de l’interview, d’exiger qu’aucune donnée nominative ne soit mise à la disposition de tiers ou bien encore de faire supprimer ou corriger les données personnelles incorrectes qui seraient détenues à son sujet.

Si la grille d’analyse de Klein et Smith nous semble adaptée à la réflexion sur l’éthique dans les études, nous sommes aujourd’hui conscients de n’avoir abordé que les aspects normatifs de l’éthique appliquée aux études. La réflexion doit aujourd’hui s’attacher à prendre en compte une évolution forte des attentes du public, celui d’être non plus un objet d’étude mais un acteur dans et de l’étude. Pour ce faire, il serait intéressant d’articuler à la grille d’analyse de Klein et Smith, le cadre proposé par Luc Boltanski et Laurent Thévenot qui permet de prendre en compte le travail effectué par les acteurs pour se justifier ou pour argumenter la justesse de leur action. Dans des situations de débat public, par exemple, l’approche de Boltanski et Thévenot permet de mieux saisir « les opérations critiques auxquelles se livrent les acteurs, [et les] opérations au moyen desquelles ils parviennent à construire, à manifester et à sceller des accords plus ou moins durables »(4). Ce modèle d’analyse nous invite à rechercher comment les « personnes particulières, enfermées dans la gangue de leurs intérêts propres, et livrées par là, à la disparité » parviennent à ajuster leur comportement réciproque, et à s’entendre sur leur action.

Nous ne pouvons certes pas prétendre avoir couvert en quelques pages le problème posé par l’éthique en études. Nous l’avons volontairement abordé sous l’angle de la relation entre l’institut (et derrière lui son client) avec le public interrogé. Il existe naturellement une autre dimension, celle de l’éthique de la relation entre l’institut et son client ou bien encore en interne de la relation entre la fonction études et la fonction marketing. Des problèmes éthiques peuvent se poser lors de l’interprétation des données lorsqu’il s’agit de coller parfaitement avec la stratégie de l’entreprise.

D’autres surgissent également quand les clients invitent les instituts d’études à leur faire une proposition méthodologique. Le choix du fournisseur est-il prédéterminé ? La société a-t-elle réellement l’intention de sous-traiter son projet à l’extérieur ou bien cherche-t-elle simplement à obtenir une information sur la meilleure méthodologie ? Pour autant, la relation entre l’institut et le public nous paraît soulever aujourd’hui les enjeux éthiques les plus critiques pour la profession. Nous les avons abordés en nous appuyant sur la grille d’analyse proposée par Klein et Smith. D’autres cadres théoriques plus formels peuvent bien sûr être invoqués (par exemple, la théorie des protagonistes ou celle des parties prenantes, etc.). Le débat reste donc très largement ouvert sur un sujet sur lequel les contributions académiques sont encore rares

(1) Jourdan Philippe : Comment accroître la réponse aux études en ligne ?
(2) Surowiecki Jean-Claude : La Sagesse des Foules.
(3) Klein J. G. et Smith N. G. : L’indispensable éthique dans la panoplie du marketing.
(4) Boltanski Luc : L’amour et la justice comme compétences : trois essais de sociologie de l’action.