08/12/2008
L'éthique selon Helen Zeitoun
Éthique et études marketing : telle était le thème de la conférence que j'ai eu le plaisir d'animer le 5 Novembre dernier au Sémo.
Le 3 Novembre, je publiais ici même le texte de mon introduction ; puis le 25 Novembre, celui de l'intervention de Philippe Jourdan. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous faire part de la réponse d'Helen Zeitoun - Représentante Esomar pour la France et Directrice Générale de GfK Custom Research France - à ma question : "Respecter la déontologie, est ce suffisant pour être éthique?"
Helen Zeitoun : La réponse est NON, mais il y a trois points que je souhaite développer pour sous-tendre ceci :
- 1 - L'éthique existe à la base s'il y a consensus autour des règles juridiques : c'est le rôle fondamental d'ESOMAR. L'objectif essentiel est de créer la confiance du public interrogé : donc de valoriser dans les pratiques les valeurs de :
- honneteté,
- objectivité,
- rejet de toute intrusion vis à vis des participant.
Dans ce contexte le Code ICC ESOMAR révisé en 2008 impose la protection des données privées, dans un monde ou les dérives sont possibles en effet, non seulement dans les pays occidentaux , par exemple dans la distinction entre MR et marketing direct/vente, mais également et surtout dans les pays émergents dans lesquels la notion et pratique de protection des consommateurs n'est pas toujours très mâture.
Ce code est adopté par 32 associations et par 26 pays, dont la France et Syntec bien sûr. Concrètement, le code dit que la coopération du participant doit être volontaire et sans ambiguité ; que les droits du répondant sont respectés au titre d'individus par les gens d'études donc qu'ils ne seront pas personnellement "harmed"/pénalisés ; que les données personnelles ne seront jamais utilisées pour un autre objectif que celui du MR; le tout avec transparence et objectivité.
Un code spécifique a été développé pour les enfants et jeunes adultes : leur protection passe par le respect parental ; et repose sur la définition d'un enfant ou jeune adulte, qui n'est pas la même d'ailleurs selon les pays : 12 ans ou moins en Espagne ; 18 ans ou moins en Hollande.
- 2 - Mais c'est une condition nécessaire et pas suffisante pour assurer l'éthique dont a besoin l'industrie pour assurer son avenir et éviter le tableau noir que tu décris François: c'est là le deuxième pan des actions d'ESOMAR
C'est l'initiative WIN, qui rassemble depuis 18 mois annonceurs et professionnels des études du monde entier: premier épisode à Barcelone en 2007, deuxième à Paris en 2008. Il s'agit de réagir à un constat observé et ce même dans le cadre législatif du métier : les taux de réponse aux études diminuent dramatiquement : ils sont en France de l'ordre de 20% contre 15% environ au UK, et 50 en Hollande ; au UK, c'est 3 fois moins qu'en 1990.
Corrélativement, il existe des statistiques alarmantes sur le taux de confiance déclaré par les répondants quant à l'utilisation supposée des données recueillies par les études : 32.5% en 2008 ont confiance, contre 43% en 2003 et 47% en 1996. Oui, il y a quand même un problème, et il est actuellement discuté par les leaders de l'industrie. L'objectif est de travailler sur la transparence avec l'interviewé car il a besoin de se sentir impliqué, voire influent dans le processus de décision lié à l'étude; il faut lui dire pourquoi on collecte l'information, et pas seulement merci à la fin d'un questionnaire ; il faut le considérer.
Ceci est d'autant plus important à une ère ou le répondant est parfois co-créateur dans l'interview : un nouveau paradigme de la relation interviewer/ interviewé.
- 3 - Et pour aller plus loin dans cette réflexion, je pense qu'au delà des règles et des initiatives telle WIN, le métier a besoin d'une profonde évolution culturelle, qui concerne tous ses acteurs. Cette évolution (ou révolution?) culturelle va dans le sens de plus d'ouverture d'esprit sur ce qu'est un questionnaire aujourd'hui et demain, sur l'impact de la relation avec le participant sur la qualité du recueil et donc de la décision.
L'institut d'étude a une responsabilité : les questionnaires sont ennuyeux la plupart du temps ; il faut du leadership pour changer l'esprit d'un questionnaire, plus fun, qui utilise toutes les technologies que permet le Web ; il a été prouvé que cela a une incidence significative sur le taux de satisfaction des répondants à la fin d'une interview, et ce même pour les questionnaires dits longs qui soit disant ennuient les gens pour la raison longueur.
L'annonceur a une responsabilité : reconnaître le bénéfice qualité en acceptant qu'on passe du temps sur un questionnaire pensé différemment dans son design et dans le langage utilisé pour s'adresser aux interviewés : car le coût incrémental occasionné sera largement compensé par des taux de retour a priori de bien meilleure qualité.
On va être asphyxiés très bientôt si on ne s'y met pas plus fermement et efficacement, individuellement puis collectivement.
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