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30/03/2007

Des nouvelles du bout du monde

medium_portedesindes.jpgDécalage horaire oblige, le dernier mail de François Bellanger est resté longtemps collé en haut de mon inbox : en fait, il est arrivé… 4 heures 30 avant son heure d’expédition !

François est parti l’été dernier avec sa petite famille faire le tour du monde ; retour prévu… cet été !

« Nous avons passé des moments merveilleux en Patagonie Chilienne et Argentine, en Nouvelle-Zélande et en Australie.

« Actuellement je suis en Inde, pays passionnant sur le plan professionnel, mais je suis probablement trop stressé, trop speed, pour supporter le mode de vie ici.

« J'ai l'impression d'être dans un pays complètement schizophrène, qui se voit comme une grande puissance, et voit Mumbai dépasser Shanghai, qui se voit dépasser la Chine sur le plan économique et les Etats Unis sur le plan des nouvelles technos, racheter toutes les grandes industries européennes… mais qui en même temps est incapable de faire fonctionner ses villes, ses transports et surtout de tenter que le fossé entre les plus pauvres et les plus riches ne continue à s'agrandir.

« Fossé qui va devenir de plus en plus flagrant entre des riches qui partent s'installer dans des nouvelles villes privées périphérique grâce à leur voiture et des pauvres dans les coeur de villes délabrés ou dans les bidonvilles..

« Toutes ces nouvelles villes sont d'un mauvais goûts architecturale assez terrifiant – sauf si on aime le kitsch, mais c'est pas mon cas – et le reflet des nouvelles obsession de la nouvelle classe aisée/moyenne du pays. Obsession du "m'as tu vu", du besoin de se couper de la masse, de la sécurité Côté architecture, c'est le royaume des baies vitrées et du climatiseur.

« Les centres commerciaux ressemblent à des bazars néo-moderne des années 70. Mais c'est l'occasion de découvertes étonnantes ; comme de voir des gens ne sachant pas prendre l'escalator. Les vigiles (car ici – comme en Amérique latine – on aime beaucoup les vigiles) sont là pour aider.

« Les nouveaux quartiers comme Gurgoan à l'est de Delhi, c'est un peu le Las Vegas du pauvre, avec une succession d'enclaves privées : habitat, shopping mall, sièges sociaux de grosses boites occidentales… La différence, c'est qu'entre les immeubles, c'est gravats, bidonvilles et une absence totale de cohérence urbaine.

« La bonne nouvelle c'est qu'actuellement la bulle immobilière est en train de se dégonfler et qu'ils vont peut-être comprendre à qu'a confier l'urbanisme qu'au privé c'est pas comme cela qu'ils vont faire de la ville.

« Mais cette façon de faire et de voir la ville correspond aussi de façon plus profonde à la façon dont les indiens appréhendent la ville et ses espaces collectifs qui ne sont pas respectés, alors que les intérieurs sont très propre. Bon tout cela n'est récent, puisque Gandhi leur faisait déjà la morale sur le sujet.

« Côté transport, les trains roulent, mais faut voir dans quelles conditions.

« A Mumbai, les trains de banlieue prévus pour transporter 1700 personnes en transportent  4700 en moyenne. Cela donne 4000 mort par an. Les trains longues distances aux joies de la ségrégation (dans la même rame, cela d'un bon confort avec climatisation à la pire des bétaillère) ; s’ajoute l'incapacité de respecter les horaires : en gros, une heure de retard pour un trajet de deux heures de voyage.

« Cela m'a permis de faire 26 heures de train d'affilée entre Mumbaï et Mizore. C'est marrant, il y avait pas beaucoup d'Occidentaux dans le train.

« Côté automobile, c'est assez sauvage. En gros c'est klaxon et mépris pour tout ce qui est moins que moi. Il fait pas bon être piéton ou cycliste, mieux vaut être camionneur. J'ai du mal à réaliser ce que cela va donner dans quelques années…

« Bref dans ce contexte urbain et économique, j'ai un peu de mal à m'extasier sur les temples, les forteresses, les bazars ou sur "cette foule merveilleusement bigarrée et colorée de l'Inde chatoyante et éternelle".

« Il doit me manquer un logiciel pour apprécier tout cela. Mais ce logiciel me manquait déjà en Amérique centrale où je ne voyais que des bidonvilles et de la violence, là où tout le monde s'extasiait sur les plages ou la forêt vierge.

« Et que dire du Pérou et de la Bolivie où il faut vraiment être un touriste américain pour pleurer sur les Incas et ne pas voir la réalité sociale terrifiante d'aujourd'hui.

« J'ai aussi beaucoup de mal à m'extasier sur la révolution technologique de l'Inde et sur Bengalore, ses laboratoires de recherche et ses call centers. J'ai plus vu à Bengalore un vaste back office de l'Occident (grâce à des coûts salariaux dérisoires et à un code du travail archaïque) qu'un vrai laboratoire du futur.

« Sinon c'est assez amusant de voir les indiens avec leur mobile.

« En gros , c'est l'Italie il y a quinze ans. Je laisse sonner mon mobile longtemps, et fort de préférence, ensuite je regarde à gauche et à droite pour voir si tout le monde m'a vu, ensuite je dodeline de la tête (spécialité indienne et qui – dans ce cas – veut dire : "Vais je répondre ou non ?") et une fois ma décision prise, je crie "Allo", et je répète plusieurs fois car en général cela ne marche pas.

« La vraie révolution de Bengalore – coeur des nouvelles technologies indiennes – est que la ville s'est tellement développée qu'elle est aujourd'hui proche du collapse et que les entreprises la quitte pour aller dans d'autres villes plus vivables : Myzore, par exemple, n'est pas loin.

« Va se poser très rapidement la question du gap entre les visions et les prétentions technologiques et industrielles indiennes et la réalité urbaine et transport de ce pays. Là vont se poser des problèmes de gouvernance et de gestion urbains : car si les nouveaux imaginaires urbains sont ici directement issus de la réussite chinoise et ou du développement de Dubaï ou Barheïn, les structures politiques sont loin d'être au niveau.

« Bref je vais sortir de ce pays lessivé, mais heureux d'avoir vu tout cela et avec une moisson très riche de documents sur l'évolution urbaine, les transports et le rôle des nouvelles technos dans ce pays. »

Je suis loin de totalement partager la lecture de François de l’Inde et de l’Amérique du Sud – et je vous livrerai bientôt la mienne. Mais à l’heure où la mondialisation est de toutes les conversations mondaines, faite de préjugées et d’a priori, il me semblait bon de vous livrer quelques impressions « brutes »… si loin des images aseptisées des guides touristiques !

A bientôt François !

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26/03/2007

Chroniques chinoises II

medium_Chine.jpgA l’heure où la Chine fascine et inquiète, juste un livre et une coupure de presse.

Le livre, c’est celui de Philippe Cohen et Luc Richard : La Chine sera-t-elle notre cauchemar ? La quatrième de couverture apparaît particulièrement éloquente :

La Chine est célébrée à la fois comme le tout prochain leader des nations, l'atelier du monde et son plus grand marché. A travers des reportages et des témoignages saisissants, les auteurs démontent l'imposture de cette nouvelle mythologie.

L'expansion chinoise détruit l'emploi dans le monde, mais aussi en Chine où le chômage touche des dizaines de millions de personnes. La compétitivité du pays repose sur la surexploitation de 200 millions de travailleurs migrants, les mingong, et sur l'absence de tout droit stable en matière de travail, mais aussi de commerce et d'environnement. Nous fermons nos usines au profit exclusif d'une caste de bureaucrates corrompus.

Ce libéral-communisme, maladie sénile ou stade suprême du capitalisme, s'accompagne ainsi d'une explosion des inégalités et de l'appauvrissement des campagnes encore habitées par deux Chinois sur trois. Il expose le pays et le monde à des catastrophes écologiques et sanitaires, surtout si les dirigeants occidentaux persistent à s'aplatir devant ce nouveau dragon.

Pour les auteurs, la Chine ne constituerait au sein de l’économie mondiale qu’une bulle spéculative de plus – remplaçant in extremis la bulle Internet qui a explosé un peur trop vite – et destinée également à exploser plus ou moins rapidement. Vraiment, un livre qui se dévore d’un trait !

L’article, intitulé : La super puce chinoise n'était qu'une supercherie, a été publié dans Libération, le 16 mai 2006 ; j’en extrais les paragraphes les plus significatifs :

Le 19 janvier, la presse officielle unanime présentait fièrement Chen Jin comme l'inventeur du premier microprocesseur électronique chinois, le Hisys-II, et affirmait que "2 millions d'unités venaient d'être commandées". Mais, ce week-end, l'université Jiaotong de la ville de Shanghai, dont dépend le chercheur, s'est résolue à avouer qu'il s'agissait d'une supercherie. La puce DSP (Digital Signal Processor, processeur de signal numérique), censée pouvoir effectuer près de 600 millions de calculs par seconde, est "moins performante que prévu" et, surtout, ne serait que la "copie" d'une "marque" non précisée, a annoncé la prestigieuse institution.

Selon un journal chinois, les microprocesseurs étaient en fait fabriqués par une ex-filiale de Motorola, et Chen Jin payait des travailleurs migrants pour qu'ils effacent la marque d'origine et ajoutent la sienne…

Le "faussaire", un diplômé d'une université américaine âgé de 35 ans, était jusque-là présenté comme une sorte d'inventeur précoce. Les subventions dont il bénéficiait étaient sans doute considérables. L'ancien président chinois Jiang Zemin, ancien élève de l'université Jiaotong, était connu pour ses largesses à l'égard de son ancienne école. Par ailleurs, le gouvernement chinois a fait de l'innovation technologique l'une de ses priorités pour le plan quinquennal en cours.

Deux documents éloquents qui se passent de commentaires… 

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20/12/2006

Chroniques chinoises I

medium_Chine.gifLes notes publiées au sein de cette nouvelle rubrique Culture(s) n’auront parfois que très lointains rapports avec le marketing : l’idée m’en est venu en voyageant cet été au Pérou, en côtoyant les indiens de l’Altiplano sur le bateau qui se rendait à l’île de Taquile, au beau milieu du lac de Titicaca – là même où j’ai rencontré Clément et Séverine, ces deux étudiants qui revenaient de orphelinat Casa Cana où ils avaient passé l’été à venir en aide à de petits orphelins péruviens.*

Mon projet est de simplement souligner certaines disparités culturelles au travers d’exemples vécus – en fait, un propos aux antipodes de celui présenté dans ma note : Japon et Lettres Persanes, où l’expliquais comment accéder aux mêmes différences culturelles sans bouger de devant son ordinateur, en suivant quelques flux RSS.**

Ce qui m’a le plus frappé au cours de mes multiples voyages sur les cinq continents, c’est le sort réservé aux pauvres – honorés dans certains pays, méprisés dans d’autres… jusqu’à tenter de s’en débarrasser physiquement en Chine, où ils dérangent la belle harmonie qui se met en place pour les jeux Olympiques.

Je commencerai donc aujourd’hui par la Chine, toutefois par une note plus marketing : je parlerai de la marque – et plus particulièrement de la relation à la marque. Petite précision : par Chinois dans ce papier, on entendra les deux à trois cents millions d’urbains vivant essentiellement dans les régions de Beijing, Shanghai et Guangzhou et disposant d’un niveau de vie proche du nôtre.

Petit détour par la vieille Europe auparavant.

A l’origine, la marque ne constituait que la signature d’un produit : tout comme il y avait de bons et de mauvais produits, il y avait de bonnes et de mauvaises marques – des marques robustes, fiables, et d’autres plus fragiles, souvent en panne.

C’est partir des années soixante que se constata la lente dérive de la marque garante de qualité vers la marque prestige, signe de reconnaissance sociale – dérive dénoncée par un sociologue comme Baudrillard.

Toutefois aujourd’hui, les consommateurs ont bien compris qu’à caractéristiques techniques égales, tous les produits – et toutes les marques – se valent peu ou prou…  et refusent de plus en plus de payer quelque prime que ce soit au seul prestige.

En Chine, la situation est totalement différente. Plutôt elle est aujourd’hui ce qu’elle a été chez nous il y a plus d’un demi siècle : non seulement tous les produits de se valent pas, mais il y a de très bons et de très mauvais produits… et donc de très bonnes et de très mauvaises marques !

Lors d’un déplacement professionnel, un ami avait dû rapidement acquérir un téléphone mobile, le sien n’étant pas compatible : n’effectuant pas un long séjour, il choisit un appareil premier prix… dont la coque lui resta dans les mains au bout de quelques jours, sans recours !

J’ai évoqué son expérience l’an dernier lors d’un congrès sur le multiculturalisme organisé par l’Institut National des Télécommunications d’Evry, congrès auquel participaient plusieurs chercheurs Chinois : la différence est flagrante !

En France, les jeunes, notamment, étudient en priorité les caractéristiques des appareils qui leurs sont proposés, la marque n’intervenant qu’en second lieu ; d’où le succès d’un Samsung qui, encore inconnu, a su le premier proposer des mobiles de type clamshell.

En Chine, tous les consommateurs entrent par la marque : il leur faut d’abord choisir entre divers niveaux de prix et de qualité pour éliminer les marques peu fiables… si leurs moyens le leur permettent.

Quand leurs moyens le leur permettent vraiment, ils se tournent vers les marques les plus prestigieuses… si possible étrangère : japonaises, européennes, américaines.

Que ce soit simplement pour éviter d’acheter un produit rapidement défectueux – cas le plus courant – ou frimer – les nouveaux riches – le consommateur Chinois se décidera d’abord pour une marque avant de sélectionner au sein de son offre un objet particulier.

Alors que la France glisse tout doucement vers une civilisation où la marque perd de son aura – sans doute pourrait-on parler d’ère post marketing – la Chine découvre les prémices du marketing… et ses premières dérives identitaires pour les plus riches.

Ceci peut expliquer certaines incompréhensions entre collègues au sein de certaines entreprises multinationales…

* Voir note : Machu-pichoun du 22.08.2006

** Voir note : Japon et Lettres Persanes du 12.09.2006
 

 

 

 

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