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04/05/2006

Worldwide Consumer Insight

Le prochain challenge du Consumer Insight, c’est l’international.

Dans un même pays, le Consumer Insight, c’est la démarche originale qui consiste à considérer les individus dans leur globalité, et non comme simples consommateurs de lessive ou de voitures de sport.

A l’international, le Consumer Insight, c’est à la fois la seule manière de comprendre pourquoi un produit fonctionne dans un pays et pas dans un autre ; et sous quelles conditions on peut transférer un produit innovant – ou non d’ailleurs – d’un pays à un autre.

Considérer donc les habitants de chaque pays, non pas comme simples consommateurs de burgers ou de chaînes hifi, mais dans leur totalité de citoyens – avec tout le poids d’une histoire, d’une culture, d’un inconscient collectif spécifiques, qui vont donner tout leur sens à cette réalité.

Prenons l’exemple de la téléphonie : tous les teenagers de par le monde entier – enfin dans les pays développés – se baladent avec des téléphones leur permettant de prendre et d’envoyer des photos, voire de surfer sur le Net ou plus. Et pourtant ce ne sont certainement pas les mêmes appareils – du moins en termes d’usage.

Car si les adolescents français aiment bien prendre une photo de ci, de là, ils se gardent bien de les envoyer ainsi : ils n’y voient qu’un petit jeu, bien sympathique – une simple collection de souvenirs spontanés et éphémères.

La téléphonie mobile leur permet, même à domicile, une communication phatique – à la limite souvent de la communication : trois ou quatre lignes de texto. Ce n’est que lorsque leur nomadisme les conduit loin de chez eux, que le mobile retrouve une fonctionnalité de communication interpersonnelle pleine et entière : je fixe rendez-vous à des amis, j’essaie de les retrouver au hasard de mes pérégrinations.

Cette usage « minimal » se complète au Japon de fonctionnalités plus personnelles : recevoir des mails, commander des produits – en fait, le mobile devient le bureau ambulant du nomade suprême : celui qui vit plus dans la rue qu’à son domicile.

Notre société paraîtrait bien sédentaire à ces jeunes gens qui ne rentrent chez eux que pour dormir, très tard ; à ces hommes qui remplacent dans leur déambulations leurs épouses par des hôtesses de bar – une tradition plus que séculaire, il suffit d’écouter Kafu nous raconter dans Tsuyu no atosaki* l’histoire de Kimie, barmaid à Ginza… en 1931!

Deux téléphonies mobiles, totalement divergentes, bien que reposant sur les mêmes terminaux – et si éloignées également de celle des jeunes Chinois, même si sous certains aspects, leur nomadisme les rapproche des Japonais.

Mais le mobile chinois, c’est avant tout l’objet statutaire qui distingue son propriétaire, jusque dans ces appareils plaqués or et incrustés de pierres précieuses ! Ce qui n’empêche pas l’extrême utilité d’un produit polyvalent dans un pays où les infrastructures en téléphonie fixe demeurent insuffisantes.

Rien d’étonnant alors que la télévision sur mobile trouve naturellement sa place au Pays du Soleil Levant – et qu’en France, 70% des cobayes testés par Bouygues Telecom se soient contenté d’utiliser leur superbe combine Sagem My Mobile TV le soir, à domicile. Voir page Actualité du 1 Avril 2006 : Quand regarderez-vous la télévision sur votre téléphone mobile ?

A l’international, le Consumer Insight permet de mieux cerner la réalité des produits, au travers de la personnalité des citoyens qui les utilisent ; c’est aussi la seule voie pour valider la transposition d’un concept d’un pays à l’autre : la télévision sur mobile s’adaptera très aisément de Tokyo à Pékin – en changeant évidemment de sens : les jeunes Chinois seront en représentation sociale là où les Japonais étaient en simple enrichissement de leur quotidien. Par contre, le succès semble moins au rendez-vous à Paris.

Autre exemple : celui des blogs qui, en traversant l’Atlantique, se sont considérablement transformés. Essentiellement journalistiques et politiques, les premiers blogs américains constituaient l’opportuniste réaction d’un certain nombre de penseurs démocrates à l’omniprésence de l’administration républicaine dans les médias, Fox News en tête.

Et bien évidemment, journalistiques et hommes politiques français rédigent tous aujourd’hui leur blog, de gauche comme de droite : un intellectuel français ne saurait exister sans ; mais ce ne sont pas eux qui ont le plus contribué au succès du phénomène dans notre pays : l’objet s’est adapté à notre univers en se chargeant de fonctionnalités nouvelles.

Le blog, tout comme le SMS, est devenu le moyen de communication fétiche des teenagers, parce qu’il leur permet de tisser une trame relationnelle totalement informelle – libre de toutes contraintes : pas besoin de compétences informatiques particulières ; et surtout, tout le monde peut s’inviter, sans droit, ni obligation : un peu comme bouteille à la mer dont chacun peut se saisir ou laisser couler.

Potentiellement, de tels blogs peuvent aller très loin ; effectivement, ils ne dépassent guère les limites du quartier, avec de vagues ramifications filandreuses… et c’est parfait pour les adolescents qui les animent.

Mais le blog s’est également rapidement révélé l’outil relationnel local par excellence : ete34 est « le 1er portail internet dédié exclusivement au baby-sitting et au soutien scolaire dans l'Hérault ; ou allez vous promener sur : Les nouveaux blogs du Rond de Sorcières pour apprendre « à tricoter votre premier châle en dentelle » ! Cliquez sur Plus sur la page d’accueil de Google et surfez de blogs en blogs : vous serez étonnés !

Vous découvrirez comment les technologies de pointe s’adaptent au bon goût des terroirs et vous redécouvrirez de nouvelles cultures, de nouvelles pratiques, si proches en apparence, et parfois si lointaines.

Ce faisant, vous prendrez un bon bain de Consumer Insight. Et vous réalisez que la traque aux signaux faibles peut également s’effectuer en sautant de blog en blog, au gré des inspirations : ça aussi, c’est la posture Consumer Insight…

* Kafu: Tsuyu no atosaki, Hisamitsu Nagai, 1931

02/04/2006

Le futur ne se crée pas, l’œil rivé dans le rétroviseur

Les seniors deviennent omniprésents, baby boom et allongement de l’espérance de vie obligent : ils détiennent pouvoir et argent, dirigent notre pays – tous les pays développés – et peu à peu, le marketing générationnel se fossilise en marketing pour les seniors. Le senior marketing, c’est vendre et communiquer aux générations de plus de 50 ans*.

Que les seniors soient l’objet de toutes les attentions des marketers et des communicateurs, tant mieux pour eux. Qu’ils détiennent les rênes de la politique, dérange certainement plus – l’on s’interrogera sur le désamour grandissant de nos concitoyens pour la chose publique. Mais qu’ils prétendent imaginer ce que devrait être un futur à la construction duquel, eux – les plus de 50 ans –, ne contribueront que fort marginalement, ne peut qu’aboutir à des aberrations et des contresens.

Quelques exemples pour l’illustrer…

Récemment, lors d’un colloque sur le futur des transports urbains, divers experts prônaient le covoiturage comme l’ultime solution à nos problèmes de déplacement – le car sharing, doit-on dire désormais, parfaite synthèse entre le collectif et l’individuel.

En un mot le transport idéal d’une génération dont le premier réflexe, à 21 ans, l’âge légal de la majorité alors, consistait à passer son permis pour se noyer le plus rapidement la grande masse des conducteurs : rite de passage initiatique, mythe moderne de la société de consommation. Le problème aujourd’hui, c’est que l’on ne devient plus adulte en se calant derrière un volant.

Récemment, je demandais à des adolescents leur avis sur la conduite accompagnée : « Je ne me vois pas au volant d’une voiture », me répondirent-ils. Ne tirons pas des règles hâtives de quelques remarques isolées, mais en y regardant de plus près, leurs moyens de locomotion sont multiples – et ne sont certainement pas les mêmes selon que s’adressent aux bandes encore très tribales des banlieues ou à des lycéens urbains.

Globalement, on en dénombrera trois, ultra-majoritaires : la chaussure de sport, le roller, le skate. Les jeunes marchent : avant d’acheter des marques comme Nike ou Adidas, ils plébiscitent un mode de locomotion – d’ailleurs, si les collégiens continuent à baliser leur univers de marques emblématiques, lycéens et étudiants continuent à se chausser sportivement, mais plus anonymement. Roller et skate complètent très logiquement cet équipement.

Le futur des transports urbains ne s’envisage certainement pas à l’aide de chaussures de sport, rollers et skates, un peu comme le RER a su réserver des espaces dans ses wagons pour les vélos ; simplement ce sera celui d’une génération pour qui la voiture ne constitue plus un mythe : car si Roland Barthes a su inscrire le DS 19 parmi ses Mythologies**, l’époque apparaît bien révolue !

Le problème, c’est que bien des archétypes sur lesquels se fondent nos experts pour décrire les jeunes d’aujourd’hui apparaissent plus en résonnance avec ceux des jeunes… qu’ils ont eux même été. Et de nous peindre des lycéens et étudiants tribaux, obnubilés par les marques.

Or le tribalisme, c’est l’exacerbation de la fermeture sociale : les individus y respectent des codes extrêmement structurants, auxquels nul ne saurait se soustraire sous peine d’exclusion. Le tribalisme a façonné la France des siècles durant : celui de nos villages, de nos quartiers, voire même de nos grandes écoles – celui, aujourd’hui encore, de nos banlieues.

Mais dans leur grande majorité, les jeunes Européens cherchent à en faire éclater les carcans et à y substituer des systèmes plus lâches et ouverts – tellement ouverts qu’ils ne répondent même plus à la définition des théoriciens de Palo Alto. Des systèmes de communication où l’on peut « avoir envie de dire à ami, je pense à toi, sans avoir à entamer une conversation avec lui ». Faute de l’avoir compris, les opérateurs de la téléphonie mobile sont passés à côté des SMS.

Quant à la passion des jeunes pour les marques, elle cesse assez brutalement à l’entrée au lycée. La première, Nike en fit les frais quand en 2001, un étudiant du MIT lui commande des chaussures personnalisées du mot sweatshop – ces ateliers de la sueur où les petits asiatiques fabriquent les baskets du géant américain. D’emblématique, la marque se muait en un vulgaire punching ball – car bien entendu l’histoire fit le tour de tous les sites Internet !

Pareil dans le domaine des nouvelles technologies où, d’accrocs aux marques, les jeunes se sont mués en véritables experts, capables de discerner parmi une kyrielle de produits par trop semblables celui qui correspond exactement à leurs besoins : les fabricants de baladeurs mp3 ou de téléphones mobiles l’ont appris à leurs dépends.

Voici donc un futur bien étrange aux yeux de marketers formés au siècle dernier, nourri au lait de marques grasses d’un imaginaire construit à grands renforts publicitaires… Et pourtant, telle est la direction vers laquelle il leur faut tourner leurs regards, car c’est la que se construit le futur.

*Jean-Paul Tréguer, Le senior marketing, Dunod.
**Roland Barthes, Mythologies, Editions du Seuil.
***Paul Watzlawick, Une logique de la communication, Editions du Seuil.

29/03/2006

Consumer Insight versus Consumer Insight

Aujourd’hui tous les marketers ne jurent plus que par le Consumer Insight – ils sont si nombreux à en revendiquer la paternité, tellement que parfois on pourrait se demander tous parlent du même concept ! La réponse est évidemment non et l’explication en est aisée.


L’insight consommateur, à en relire quelques traités anciens, s’apparentait initialement à une sorte de vision forte faite de motivations et/ou de manques, destinée à justifier un bénéfice consommateur – et qui se plaçait généralement en tête de toute copy stratégie et de tout positionnement produit.

Dès lors, quoi de plus normal que de traquer ces insights, inépuisable source d’inspiration d’une activité marketing bien structurée. Le seul problème, c’est qu’aujourd’hui, de telles approches ne marchent plus vraiment, pour au moins deux raisons essentielles : d’une part aujourd’hui les consommateurs, gavés d’innovations plus formidables les unes que les autres – et bien souvent tout aussi décevantes – aspirent à souffler.

Et par ailleurs, nous ne vivons pas une époque troublée, comme put l’être le début des années 90, après l’invasion du Koweït par Saddam Hussein et le retour de la crise économique ; non, nous nous situons à l’aube d’une autre civilisation, comme j’ai pu le souligner dans un récent ouvrage , et les citoyens réagissent parfois – de plus en plus souvent – de manière désordonnée, pour ne pas dire désespérée, et totalement incohérente.

D’où le développement de phénomènes tels que le Slow Tech – la recherche systématique de technologies déjà installées, voire légèrement dépassées, – le Low Cost – recherche tout aussi systématique des prix les plus bas. Avec pour conséquence la remise en cause d’une des valeurs les plus fondamentales du marketing : la marque !

Les plus virulents dans ce combat – et les plus experts à aller dénicher le « bon produit » parmi les no names – ce sont les jeunes : les lycéens, les étudiants, les jeunes couples. Pour des raisons idéologiques : cf. le livre de Noami Klein ; des raisons pragmatiques : ils deviennent aussi experts que nos chefs de produits – et nettement plus que les vendeurs dans bien des magasins, grâce à Internet, notamment.

Lycéens, étudiants, jeunes couples sans enfants : autant d’étapes de vie décisives, sur lesquelles doit se porter toute notre attention si l’on veut comprendre vers quoi se dirige notre société – de moins en moins notre société de consommation – et qui seront nos clients. Qui sont-ils même déjà, dans bien des cas.

Comprendre comment ils forgent de nouveaux modes de vie – et de consommation. Et cela, impossible de l’appréhender par le petit bout de la lorgnette : il convient de saisir comment ces nouveaux citoyens s’organisent, dans la globalité de leur quotidien. Prenez un étudiant : son nomadisme va influer tant sur ses modes vestimentaires – décontraction – ou alimentaires – fast food – que musicaux – baladeurs mp3, etc.

Cette manière d’appréhender les individus dans la globalité de leur vie de citoyens et de consommateurs, c’est ainsi que nous définirons aujourd’hui le Consumer Insight… si loin du Consumer Insight d’hier.

Ce qui change, c’est la fin des certitudes et la prédominance du qualitatif : en des périodes aussi troublées, inutile d’espérer se fonder sur des motivations sûres et quantifiables – juste des pistes, des tendances, que nous dévoilent la riche palette des approches qualitatives, traditionnelles – ou moins : ethnologie, éthologie, etc. Et là porte ouverte à l’imagination, tant sur le plan de la recherche que de la création de produits et services.

Le Consumer Insight, pour appréhender la complexité des consommateurs

Des consommateurs de plus en plus imprévisibles, pour ne pas incompréhensibles, au grand dam des marketers ? Comme ces bobos qui fréquentent indifféremment boutiques de luxe et hard discount ? Ou ces jeunes qui se détournent brutalement des marques qu’ils adoraient ? Ce n’est, hélas, que trop vrai ! Du moins, en apparence…

Les récentes mutations technologiques ont profondément et durablement bouleversé les comportements… et pas seulement dans le domaine du high tech : tous les secteurs sont touchés, de la télévision à l’alimentation, en passant par la finance ou les loisirs.

D’une part, parce biens et services technologiques sont venus augmenter les dépenses d’individus dont le pouvoir d’achat n’avait pas augmenté : d’où de nouveaux arbitrages qui conduisent certaines ménagères à préférer les produits alimentaires premier prix pour payer leur forfait téléphonique.

D’autre part, parce qu’Internet permet aux mêmes consommateurs de disposer de beaucoup plus d’informations qu’avant, de mieux se repérer parmi la multitude des offres qui lui sont proposées, tandis que les sites marchand indiquent systématiquement où se situent les prix les plus bas à ces nouveaux experts.

Conséquence inévitable : tous les outils du marketing qui sont à repenser, au premier rang desquels notre approche du consommateur. Impossible encore de raisonner besoins et attentes face à des individus aussi blasés, et dont les trade off se généralisent à l’ensemble de leur consommation, quotidienne ou exceptionnelle, d’un paquet de riz à un voyage au Mexique !

Seule approche pertinente : le Consumer Insight qui vise à appréhender les individus dans la globalité de leur vie de citoyens et de consommateurs : car le nomadisme des jeunes n’influence-t-il pas tant leurs modes vestimentaires – décontraction – ou alimentaires – fast food – que musicaux – baladeurs mp3, etc. ? Et le triple play, tant les loisirs que les stratégies d’achat des ménages ?

Mais le Consumer Insight, c’est également le développement d’approches méthodologiques innovantes : ethnologie, éthologie, etc. Car les études traditionnelles n’expliqueront jamais – et ne prévoiront évidemment pas – pourquoi 70% des premiers bénéficiaires d’un téléphone mobile leur permet-tant de regarder la télévision s’en sont servi… chez eux, en fin de soirée !

Le Consumer Insight constitue la base d’un marketing mieux adapté à ce monde en perpétuelles mutations qui est le nôtre, ainsi que je le développe dans mes derniers livres : La grande mutation des marques high tech, et Les études marketing.