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04/07/2008

Entretien avec Denis Failly - suite

67a973b22a880e4754b65c8a20f180a1.jpgSuite de mon entretien avec Denis Failly sur le thème du Marketing 2.0.

Denis Failly : Dans ce contexte 2.0 appelé à l'horizontalité, qui bouillonne de remise en cause, de détournement, de zapping, de désintermédiation et de déplacement des pouvoirs, les marques et leur approches des clients ont-elles encore une légitimité et pour quoi faire ?

François Laurent : Bien sûr que les marques ont une légitimité : celle de faire des bons produits. C'est-à-dire, revenir aux fondamentaux !

La marque, c'est avant tout le signe d'un bon produit : mais, dans les années 80, le système s'est perverti, elle est devenu un moyen de qualifier son acheteur, système fortement dénoncé par Baudrillard ... mais ô combien efficace, notamment vis à vis de la population chérie et montante des CSP Plus. Le système identitaire a vécu et les marques n'ont d'autre choix que de retrouver leurs racines ou de disparaitre.

Denis Failly : ADN de la marque, Neuro Marketing, Vision 360 degrés, Programmes de fidélisation, sont parmi d'autres des lithanies et réthoriques (des mémes ?), que l'on voit fleurir dans de nombreux écrits argumentaires, conférences... de prestataires marketing / communication. On peut se demander si ils ne sont -pas des caches misères rassurants face à un vide imaginatif, créatif et devant une réflexion ou des actions (recettes ?) qui s'abreuvent toujours aux mêmes écoles de pensées, aux mêmes sources, au même microcosme qui s'auto-contemple; De ce point de vue d'ailleurs le discours autour du Web2 ne risque t-il pas aussi de tomber dans ce même travers ?

François Laurent :  ADN de la marque, Neuro Marketing, Vision 360 degrés ... les publicitaires font feu de tout bois, peut-être parce qu'ils sont encore plus mal à l'aise que les marketers !

Le Neuro Marketing, c'est juste un figure de rhétorique sans réel fondement, parce que les neurosciences se développent : on récupère et comme la confiture, on tartine. L'ADN de la marque, ça a un autre nom sur la toile : son identité ! Dire qu'une marque, comme n'importe quel autre émetteur de messages, dispose d'une identité, c'est banal.

Mais là encore, on puise dans la science et on tartine la rhétorique (voir ci-dessus). Le 360, c'est plus grave, parce qu'il y a un côté stupide à croire que l'on peut communiquer avec tous les outils à la fois, conjuguer verticalité et horizontalité. J'ai à ce sujet, une image que j'aime bien : les consommateurs qui discutent entre eux sur la toile, sont comme de gentilles grenouillent qui coassent entre elles ; communiquer verticalement, c'est comme jeter un pavé dans la mare ... et se demander pourquoi elles s'enfuient !

Denis Failly : La majorité des contenus qui alimentent la toile sont le fait de particuliers, qui par ailleurs sont potentiellement des prospects ou des clients pour les marques, hors on constate qu'un certain nombre de sites de grands annonceurs bien que riche de services, d'informations utiles, d'interfaces navigationnelles esthétiques et pratiques persitent à ne pas engager la relation, le dialogue véritable (commentaires, remontées, témoignage...) avec les internautes, comme si ils s'accomodaient du Web 2 dans des aspects purement technologiques (3D, Ajax, Flash...) en niant totalement le ressort et le besoin d'humanisation et de collaboration que révèle Web 2.

Comment expliques tu cet autisme et qu'elles seraient les contours d'un véritabe marketing collaboratif ?

François Laurent : Le Web 2.0, c'est tout sauf une affaire de technologie ! Les internautes n'ont pas toujours envie de venir sur les sites des marques quand ils peuvent discuter tranquillement entre eux ... d'où le développement de plateformes de blogs comme Blogsdevoyage (Expédia) ou Blogscheval (Haras Nationaux).

Plus récemment, des sociétés comme Cisco ont lancé des sites collaboratifs sur des thèmes volontairement éloignés de leur cœur de métier : ainsi sur Human Network de Cisco, tout citoyen peut proposer des réponses concrètes « aux défis de notre société : sur l’emploi, l’environnement, l’économie, l’éducation, la santé, la vie associative », etc. Il est toutefois trop tout pour en connaître les réelles retombées.

Denis Failly : Pourrais tu nous citer un exemple de marques, fabricants, sites...qui te semble préfigurer dans le bon sens la pratique d'un marketing intelligent et au fait des mutations en cours ?

François Laurent : L'Oréal constitue pour moi un bon exemple : celui des gens qui osent, sans peur de prendre des risques. L'exemple du Journal de ma peau est intéressant : ils lancent un faux blog pour faire la promotion de leur nouveau produit miracle : Peel Microabrasion.

Mais les consommatrices ne s’en laissent pas compter : les commentaires négatifs affluent. Comment réagir ? En reconnaissant humblement son erreur, et en jouant le jeu de l'honnêteté : ils modifient le blog, y accueillent de vrais consommatrices ... et c'est un succès.

Ils n'ont pas non plus hésité à utiliser des spots créés par des téléspectateurs sur Current TV aux USA, la chaine créée par Al Gore dont 1/3 des contenus sont confectionnés par les téléspectateurs : résultat une publicité de qualité, conforme à l'environnement de la chaine ... je me demande d'ailleurs pourquoi ils continuent à payer des sommes folles des agences de publicité qui ne font pas toujours mieux !

Denis Failly : Dans des contextes à densités technologiques et dématèrialisées croissantes, comment vois - tu évoluer à long terme le marketing, face notamment à la multitude des univers , des supports , des objets, des interfaces (virtuels / réels, homme-machine, ubiquité, pervasivité...) que l'on est susceptible de voir apparaître ?

François Laurent : Deux évolutions sont à prévoir : - celle des amoureux de technologie ... tous les publicitaires aimant la facilité : on va poursuivre les consommateurs jusqu'au plus profond de leur intimité en leur envoyant des messages sur leur mobile quand ils auront le malheur de passer devant une boutique ... et il y en a beaucoup en ville !

L'idée, c'est de vendre de plus en plus cher des prouesses technologiques à des annonceurs sans se soucier de ce que les consommateurs sont capables d'accepter. - celles des marketers à l'écoute des citoyens : plus discussion, plus de collaboration, plus d'éthique, moins de superflu, moins de gâchis, etc. Pour moi, un des plus beaux exemple de Marketing 2.0, ce sont les AMAP : il n'y a pas un gramme de technologie là-dedans.

Le marketing 2.0, c'est le marketing de la réconciliation entre les marques et les consommateurs : et dans ce domaine, il y a beaucoup à faire !

Denis Failly : Pour terminer, tu développes une charge assez virulente et d'ailleurs argumentée, vis à vis du Marketing, et je me demandais comment tes écrits, réflexions, que ce soit dans l'ouvrage dont nous parlons ou à travers ton blog (le titre « Marketing is dead » est clair) sont perçus par les grands annonceurs, disons traditionnels, qui sont membres de l'Adetem (Association Nationale du marketing) dont tu es Co-Président ?

François Laurent : Ma charge n'est pas une charge contre le marketing : on ne publie pas un livre comme celui-ci si on pense que le marketing ne sert à rien.

Ma charge est une charge contre le mauvais marketing, ce qui n'est pas la même chose et un plaidoyer pour un marketing qui arrête de prendre les consommateurs comme une suite de chiffres (dont ceux inscrits sur leur carte bancaire) : il faut retrouver l'esprit fondateur qui était beaucoup plus emprunt d'humanité.

Les marketers doivent réapprendre à respecter leurs clients ; la bonne nouvelle, c'est que cette prise de conscience me semble plutôt en bonne voie. La mauvaise, c'est que le chemin à parcourir est encore long. Heureusement, je suis optimiste, et j'ai la chance de pouvoir discuter avec des marketers qui œuvrent dans le bon sens.

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