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01/05/2006

Explicite, implicite… et après ?

Bien souvent lorsque lors de divers colloques, publicitaires et cogniticiens échangent sur l’inconscient, le courant passe mal et l’on assiste comme à un dialogue de sourds : normal, ils ne traitent pas du même objet !

Quand les études marketing traitent de l’inconscient, il s’agit toujours d’un inconscient Freudien, cristallisant pulsions et refoulements – alors que l’inconscient cognitif se résume un mode de traitement de l’information : explicite – donc conscient – versus implicite – donc inconscient.

Difficile de se comprendre alors !

L’inconscient Freudien apparaît riche de fantasmes et de pulsions – mais également d’explications : telle publicité dérange parce que trop sexuellement connotée ; telle appareil rebute, parce d’une inavouable complexité ; etc. Surtout l’inconscient Freudien laisse émerger, à qui sait y faire, d’immenses bouffées de sens, sur lesquelles se fonde… une bonne part du marketing et de la communication modernes, à la suite de Dichter et Joannis.

L’inconscient cognitif demeure froid : c’est celui d’une machine extrêmement complexe – bien plus qu’un simple ordinateur – mais d’une machine malgré tout : notre cerveau. L’inconscient cognitif ne laisse rien émerger – sinon des variations de courant électrique qu’enregistreront les électroencéphalographes !

Si notre inconscient cognitif reste désespérément muet, les cogniticiens ont malgré tout inventé des protocoles pour le « faire parler », comme la technique dite de l’amorçage, qui consiste à préactiver des champs lexicaux.

Concrètement on fait défiler des images sur un écran en demandant au patient de nommer à chaque fois l’objet présenté et on mesure avec précision leur temps de réponse ; et lorsque le champ sémantique d’un objet a déjà été activé par le précédent, la réponse est plus rapide : ainsi le mot médecin est plus rapidement prononcé si sa photo suit celle d’une infirmière qu’une porte de garage. Et l’on conclut évidemment que médecin et infirmière appartiennent au même champ sémantique.

C’est une méthodologie semblable qu’utilisa Gerald Zaïtman de l’Harvard Business School au cours d’une étude destinée à évaluer les traits les plus saillants de Coca Cola face à une eau minérale. Les sujets de l'expérience, assis face à un écran d’ordinateur, devaient réagir le plus rapidement possible à l’apparition de lettres, en citant des mots tels que heureux, propre, naturel, vital, tous issus de catégories sémantiques prédéfinies. Enfin, des images de Coca Cola ou d’eau minérale précédaient l’inscription des lettres à l’écran.

Gerald Zaïtman espérait ainsi accéder à l’image implicite de Coca Cola, les traits appartenant au champ sémantique de la marque devant nécessairement être prononcés plus rapidement que les autres – parce qu’amorcés par cette dernière. Et quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que, pour les hommes essentiellement, elle se chargeait notamment de deux traits totalement ignorés jusqu’alors : naturel et mystérieux.

Pourquoi donc les américains jugent-ils le Coca Cola plus naturel que l’eau minérale ? Bien difficile de l’expliquer… puisque nous nous situons ici dans le champ du non explicite ! En qualitatif traditionnel, une fois passées les barrières de l’inconscient – une fois le matériau porté à la conscience des interviewés – il devient aisé de s’en saisir et de leur demander de le préciser et l’expliciter – d’ailleurs, tout test projectif demande à être immédiatement approfondi par les personnes concernées.

Mais ici ? Nous nous situons dans le champ, non du difficilement exprimable, mais du totalement inexprimable. Alors Zaïtman et ses collaborateurs pourront bien nous expliquer que certainement ses compatriotes ont pris l’habitude de boire des cannettes de Coca Cola sur la plage, ou du moins en plein air, ce ne sont que supputations.

En d’autres termes, si l’inconscient cognitif constitue pour le marketing et la publicité un champ d’investigation prometteur, les premiers résultats n’apparaissent pas totalement convaincants : autant les connaissances que nous délivrent les neurosciences concernant le fonctionnement du cerveau humain se révèlent enrichissantes, autant de trop rapides transferts méthodologiques semblent devoir aboutir à une impasse.

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