09/07/2009
Double effet contextuel
"49% des Français disent faire confiance au chef de l'Etat [...] François Fillon bénéficie, pour sa part, de la confiance de 45% des sondés" - Le Nouvel Obs.
"Nicolas Sarkozy et François Fillon voient leur cote de confiance bondir de 9 et 8 points en un mois" - Le Nouvel Obs.
"La cote de confiance de Nicolas Sarkozy est en baisse de trois points à 38% au mois de juillet [...] François Fillon voit également sa cote perdre trois points, à 41%" - Le Point.
On est habitué à la longue litanie des sondages politiques et aux commentaires "avisés" des journalistes capables de rédiger quelques feuillets "pertinents" pour disserter sur ces fluctuations ... même quand elles se situent dans la marge d'erreurs, ce qui est souvent le cas !
Cela étant, il n'en demeure pas moins vrai que les Français trouvent toujours des hommes politiques en qui placer leur confiance ; et finalement, entre 40% et 50% pour l'un, entre 30% et 40% pour un autre, ce n'est pas si mal : certes, il n'y a plus de leader charismatique, mais en période de crise, restent quelques figures à qui se raccrocher.
En période de crise ?
Or comment se fait-il que lorsqu'on demande aux mêmes Français à qui ils font "confiance aujourd'hui pour sortir de la crise économique actuelle"*, il ne sont plus que 7% à répondre "à l'État" : soit l'État n'est pas dirigé par des hommes politiques, soit l'État - donc les hommes politiques - ne peut rien face à la crise ... On peut aussi souligner l'inconsistance de nos concitoyens ... et que ces deux enquêtes n'ont rien à voir.
Ce qui est vrai, mais demeure perturbant.
Il existe un décalage profond entre les côtes de confiance des hommes politiques, régulièrement mesurées et publiées dans la presse, et la défiance assez généralisée des Français face à ces mêmes hommes politiques, et qui transparaît notamment dans les études sur la crise économique.
Ce qui s'explique par un double effet contextuel.
Premier effet contextuel : justement l'absence de contexte dans les sondages politiques versus le lourd contexte d'une étude centrée sur la crise. Les sondages politiques se limitent à très peu de questions ultra standardisées, généralement posées en tête d'omnibus : les répondants répondent nécessairement de manière superficielle, un peu comme à un quiz.
Ils utilisent massivement leur mémoire sémantique - tout cela fonctionne par association d'idées au sein d'un référentiel limité : on se situe presque dans le domaine du jeu.
Évidemment, quand on commence à multiplier les questions sur la crise et sur la manière dont les gens la vivent au quotidien, cela change du tout au tout : les répondants se trouvent confrontés à leur réalité quotidienne, à des faits ; leur mémoire épisodique se trouve également et très largement convoquée.
On sort du domaine du jeu policé pour plonger de plein pied dans la vie réelle.
Second effet contextuel : si je vous demande en quels hommes vous pouvez faire confiance parmi une liste réduite, j'institutionnalise qu'il existe des hommes politiques de confiance - du moins, le temps de ce petit jeu qu'est le sondage. Et de fait, les répondants qui ont accepté de se plier au jeu, répondent à ma question dans la stricte logique de cette question.
Imaginez une double question :
- Peut-on accorder sa confiance aux hommes politiques ?
- Si oui à la précédente, etc.
Ce qui n'est pas loin d'une pratique courante en études marketing, quand on filtre l'image par la notoriété - peu m'importent les réponses des gens qui ne connaissent pas les marques concernées - ou le choix d'un produit par la prédisposition à l'achat - peu m'importe le choix de gens qui ne sont pas en situation prochaine d'achat.
Rédiger un questionnaire, ce n'est pas seulement formuler des questions : c'est aussi s'interroger sur la manière dont les répondants percevront ces questions dans un contexte particulier - contexte créé tant par le questionnaire lui-même que la situation des répondants au jour et à l'heure de la réponse, et non vaguement "en général".
Et que selon ce contexte, leurs réponses changeront du tout au tout.
Heureusement plus personne ne se posera la question ... de la question quand le chiffre isolé atterrira sur le bureau de son patron, dans un superbe rapport Powerpoint.
* Etude Les Français et la crise, réalisée par le Comité Scientifique de Panel on the Web !
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06/07/2009
Pseudo séniors
Porter la retraite à 67, 70 ou 75 ans améliorera certainement les comptes des caisses de retraite ... mais pas vraiment le sort des moins de 67, 70 ou 75 ans !
Je me souviens lors d'un de mes premiers voyages professionnels à New York, pour le congrès de l'Advertising Research Foundation, qui se déroulait à l'hôtel Hilton, en plein centre de Manhattan.
Un Hilton qui ressemblait à s'y méprendre à n'importe quel autre Hilton de par le vaste monde : même concierge empressé, mêmes hôtesses souriantes à la réception - là, j'exagère un peu, on peut mieux faire - mêmes chambres standardisées, mêmes ...
Même tout !
La note américaine m'attendait aux ... toilettes ! Pas comme au Japon, avec ces cabines spatiales dignes des rencontres du troisième type !
Non, juste quelques petits vieux bien courbés qui vous tendaient un carré de papier essuie main à la sortie des cabines en lorgnant sur la petite coupelle : c'est ça aussi, l'emploi aux États Unis, c'est ça aussi, les retraités aux États Unis !
Je suis prêt à bosser jusqu'à 67 ans ... d'ailleurs, je n'envisage pas nécessairement de m'arrêter avant : je pensais seulement pouvoir me consacrer, tous soucis financiers écartés, à des activités sociales non nécessairement lucratives.
Bon l'ex Monsieur Immigration, Intégration et Identité Nationale veut me faire travailler jusqu'à 67 ans ... pour gagner ma vie, pas pour le plaisir ou pour aider les autres ! Pas de soucis.
Je prendrai seulement le job d'un plus jeune ... ce qui creusera certainement le déficit de l'assurance chômage, mais allez donc lui expliquer le principe des vases communicants. Mais bon, faut bien gagner sa baguette - au train où vont les prix, je ne parle plus de son bifteck.
Sauf qu'il faut bien le gagner ... et donc pour cela, avoir du travail - CQFD.
Le problème, c'est que dans les entreprises, les plus de 50 ans ne sont plus persona grata : quand on peut, on les vire vite fait, bien fait - on appelle ça, la préretraite.
Ou plutôt, on appelait ... parce qu'aujourd'hui, on préfère virer juste avant, ça coûte moins cher ...
Donc ...
Donc, on va se retrouver avec des masses de plus de 50 ans - des vieux quoi, puisque les études marketing précisent bien qu'au delà de 50 ans, ma ménagère, elle se fait vieille ! Des masses de plus de 50 ans sans emploi et obligés de pointer et de rechercher un emploi jusqu'au bout du bout : c'est bien le gouvernement auquel appartient l'ex Monsieur Immigration, etc. qui a rétabli l'obligation de recherche active pour les plus de 57 ans.
Bref, toute une classe d'âge qui végète, de petits trucs en petits trucs, et un petit coup de pouce de l'Assédic : comme ça, ils tiennent quelques années ... Bonne nouvelle : il va leur falloir jouer des coudes 10 ans de plus.
On va améliorer les comptes des caisses de retraite ... pas celle des futurs retraités ; mais comme pendant ces dernières années de pseudo activité, ils ne cotiseront pas vraiment, ils toucheront le jour venu des retraites ... diminuées : des pseudo retraites quoi.
Bref, on veut nous transformer en pseudo travailleurs, puis en pseudo retraités.
Mais comme les vieux sont plutôt conservateurs, ils ne vont quand même pas faire la révolution !
Avant de prendre des mesures comptables, peut-être serait-il bon de se demander pourquoi les entreprises n'aiment pas les salariés âgés et comment remédier à la question : mais ça, ça prend du temps, un ministre, ça ne dure pas si longtemps.
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05/07/2009
Luxe is dead ?
Avec Violaine, Xavier, Yves, Jean-Félix et quelques autres, nous avons réfléchi ces derniers mois au luxe et à son avenir - et j'ai même publié sur ce blog un long papier sur le sujet qui, bien évidemment, ne reflète que mon avis personnel et non celui de mes camarades de jeu !
Et c'est comme ça que Violaine, Xavier, Yves, Jean-Félix et moi-même - mais sans les autres, retenus par quelques tâches moins futiles - nous nous sommes retrouvés un lundi soir sur le plateau de TechTocTV, à l'invitation de Frédéric Bascunana, pour disserter sur le thème : "En quoi la crise combinée à la pression du 2.0 ébranlent-ils le secteur du luxe ?"
Frédéric était aux commandes et se cramponnait comme il pouvait à sa table, d'une part parce qu'il lui fallait gérer 5 zigotos pas vraiment d'accord entre eux ... et ensuite, parce que souffrant d'un horrible lumbago.
Voici le premier opus, un second devrait suivre bientôt.
14:58 Publié dans Podcasts | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
02/07/2009
Les métiers du marketing
Créé à l'initiative du Conseil régional d'Ile-de-France, en partenariat avec le Réseau régional des métiers, Les métiers.net est un site Internet de service public destiné aux 12/25 ans. Il facilite leurs choix d'orientation scolaire et professionnelle par une information sur les métiers et les formations en Ile-de-France.
Se penchant récemment sur les métiers du marketing, ses rédacteurs se sont naturellement tournés vers l'Adetem pour une meilleure connaissance su secteur et m'ont également demandé de répondre à quelques questions.
Les métiers : Quel est votre parcours ?
François Laurent : J'ai commencé comme planner stratégique en agence de publicité (Havas), puis directeur d'études qualitatives en agence médias (Publicis), avant de prendre en charge la direction du développement de Millward Brown (institut d'études de marché anglo-saxon). J'ai ensuite rejoint Thomson Multimédia en tant que consumer insight and prospective manager au niveau international. Passionné par la recherche appliquée, j'ai publié plusieurs ouvrages sur les médias, les études, le marketing, le marketing 2.0.Très impliqué dans la vie associative, je m'intéresse avant tout au consommateur et plaide pour un nouveau marketing plus en accord avec les évolutions sociétales.
Les métiers : Quelles sont les missions de l'ADETEM ?
François Laurent : Au cœur d'une activité marketing en perpétuel mouvement, l'ADETEM regroupe les annonceurs et les conseils en marketing. Pour coller aux évolutions rapides de la société, les marketers ont un besoin vital de se rencontrer, d'échanger sur les bonnes pratiques, d'élaborer de nouvelles solutions (changements organisationnels...).
Les réseaux d'échanges étant de plus en plus virtuels, nous avons, en dehors de nos clubs de travail, lancé une plateforme de blogs et des groupes sur Facebook. Nous collaborons activement à l'European marketing confederation (EMC) et nous organisons régulièrement des évènements de promotion du marketing.
Les métiers : Quelles sont les tendances actuelles du marketing ?
François Laurent : A la tête d'un excellent observatoire, je peux dégager 3 grandes tendances.
La 1re consiste à nier toute évolution sociétale et à continuer à s'appuyer sur les fondamentaux d'hier. Mais la crise actuelle nous force à nous libérer des carcans.
Une tendance opposée mise sur l'utilisation effrénée des nouvelles technologies (multiplication des bases de données, publicité sur Internet et sur mobiles ...).
Entre les 2, une majorité de marketers tente de développer de meilleures relations avec le consommateur qui n'est plus un simple"payeur" : marketing 2.0, marketing collaboratif, sites communautaires, etc.
Nous avons réalisé une étude sur la façon dont les Français utilisateurs du web, s'informent avant d'acheter un produit ou un service : après les proches et les amis, 3 sur 4 se fient aux comparateurs de prix et aux avis des autres consommateurs laissés sur la toile... ! De plus avec la constante montée en puissance d'Internet, on bascule d'une relation traditionnelle "one to many" à une communication "many to many" où les marques ne sont plus que des interlocuteurs parmi d'autres ... sans pouvoirs particuliers ou supérieurs.
Les métiers : Quels sont les besoins en professionnels?
François Laurent : Le problème actuel est celui des mono-compétences : en caricaturant on trouve aussi bien de très talentueux marketers ignorant tout des flux RSS que des virtuoses des CMS (content management system), des réseaux sociaux et du micro-blogging sans aucune culture psychosociale.
Or le marketing a besoin de professionnels vivant comme les consommateurs d'aujourd'hui, à savoir maîtrisant les nouvelles techniques et les nouvelles technologies, et disposant d'une culture générale élargie notamment en sciences humaines.
Les métiers : Comment voyez-vous l'avenir du marketing ?
François Laurent : Le marketing de demain devra tout abord intégrer la nouvelle dimension sociétale liée au web 2.0, c'est-à-dire un marketing horizontal, collaboratif, communautaire et social. Les entreprises ne seront plus des entités anonymes se cachant derrière les marques, mais des corps sociaux devant intégrer les notions d'éthique et de développement durable.
D'une notion abstraite d'image, on passera à celle plus concrète de réputation. La crise joue d'ailleurs un rôle de catalyseur : les consommateurs ne manqueront d'interroger les marques sur le comparatif produits 1ers prix et produits de qualité.
Et les marques qui auront profité de la crise pour trop licencier seront cataloguées peu éthiques et dénoncées sur la toile par les consommateurs ...
Les métiers : Avez-vous des conseils pour de futurs marketers ?
François Laurent : Tout va changer très vite et c'est en restant curieux et ouverts aux changements qu'ils réussiront. Les réseaux leur seront également indispensables. Cela ne signifie pas pour autant qu'il suffit seulement de surfer sur la toile, mais aussi de lire, de rencontrer des gens différents, etc.
Le marketing ne s'apprend plus seulement à l'école ou dans les livres, mais avant tout dans la discussion avec ses pairs.
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