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14/09/2007

Mosaïque

7f39cf0366c061ccc2e48e91752254cc.jpgIl y a quelques mois, j’écrivais dans cette même rubrique : un double danger de rationalisation pèse sur le pretesting publicitaire qualitatif.

Le premier tient à la pratique courante qui consiste à soumettre d’amblée les consommateurs à un stimulus pour se lancer rapidement à la recherche du sens, d’éléments explicatifs et/ou perturbateurs, etc.

Le second tient aux consommateurs : la télévision, les magazines ne constituent plus seulement des supports publicitaires ; ils les aident à décrypter le discours publicitaire.*

Bien évidemment, les deux risques se conjuguent : et ce qui paraissait acceptable hier – laisser les consommateurs partir immédiatement en quête rationnelle de sens, pour revenir au subjectif ultérieurement – ne l’est plus aujourd’hui – parce que ces derniers ne sont plus tout à fait aussi « candides » qu’auparavant…

En fait, non seulement ils décryptent le message, mais en rédigent la copy stratégie ! Espérez ensuite les replonger dans l’atmosphère douçâtre d’une soirée télévisuelle…

Cela dit, j’entends d’ici les commentaires narquois, sur le ton de « La critique est facile… » ou « Les donneurs de leçons… » : que nous propose-t-il  donc, Monsieur MarketingIsDead ?

Mosaïque !

Mosaïque, c’est le fruit de longs mois de recherche et d’expérimentation, en étroite collaboration avec Laure Schapira et Occurrence.

Mosaïque, ce sont des groupes qualitatifs réduits, afin de renforcer la dynamique et favoriser le projectif – contrairement à certaines idées reçues, la multiplication des participants nuit à l’expression collective : on analyse alors simplement du "bruit".

L’approche méthodologique cherche à tenir au mieux compte du schéma cognitif face à tout nouveau message – publicitaire ou non d’ailleurs. Bref, que se passe-t-il dans notre cerveau quand passe un spot publicitaire à l’écran ?

Les informations nouvelles sont stockées – très brièvement – au sein de notre mémoire à court terme ; notre mémoire de travail y puise un certain nombre d’indices rapidement transmis pour interprétation au sein de notre mémoire à long terme ; après plusieurs boucles, en parallèles et en succession, le processus perceptif s’achève : nous avons « compris » … 

Attention : les informations en provenance de la mémoire à court terme sont extrêmement parcellaires : des contours, des contrastes et des couleurs, etc. Un premier jeu de boucles permettra de distinguer les êtres humains des arbres et des pingouins ; ce n’est qu’ensuite que vous identifierez votre voisin.

Imaginez : je vous montre un superbe story board, une histoire qui commence comme un jeu vidéo et qui se termine par un gros plan sur une voiture… Au mieux, vous me parlerez de l’incongruité d’un tel scénario, ou de son originalité, dans l’univers automobile : jamais vous n’évoquerez les sensations qui furent les vôtres – ou auraient été – les vôtres face à ce scénario de jeu vidéo… puisque vous savez que l’on dissèque une publicité pour un véhicule !

Et votre cerveau, dans les secondes qui lui auront permis de juger, comprendre, apprécier le story board, aura reconstruit, élagué, peaufiné une histoire avec la plus grande rationalité : et c’est après que l’on doit partir en projectif, pour approfondir ?

Dans la vie réelle, pendant les 20 ou 30 secondes pendant lesquelles le spot passe à l’écran, c’est une kyrielle d’informations qui vont être saisies en continu, d’impressions qui vont nous assaillir… et qu’aucune rationalisation ultérieure ne viendra édulcorer. Vous connaissez ces impressions de : « C’est vraiment sympa, et pourtant, ça laisse un vague sentiment de… ».

Et tout cela dans un contexte d’attention flottante : on ne regarde pas un spot publicitaire à la télévision comme le dernier Bruce Willis au cinéma… sauf les annonceurs et leurs conseils, bien évidemment !

Ceci n’étant qu’un exemple parmi tant d’autres.

Mosaïque s’attache à, non pas casser, mais empêcher – ou du moins profondément atténuer – ce processus de rationalisation.

Ce qui nécessite la mise en œuvre d’un protocole d’animation adapté, séquentiel et entièrement projectif ; ce qui nécessite également une maîtrise toute particulière de l’animation elle-même, le modérateur devant pouvoir à tout instant adapter son guide.

Et ça marche ?

J’avoue que quand, après des mois de réflexion théorique, nous avons appliqué la méthode à, notamment, plusieurs spots que j’avais conservés d’une vie professionnelle précédente – et dont je connaissais à la fois l’efficacité et les travers dans la vie réelle –, j’ai été agréablement surpris de la pertinence des résultats.

Le plus étonnant, c’est la construction progressive du sens – et sa profondeur – qui s’effectue tout au long du test : nous disposions au travers de la cascade de tests projectifs d’un matériau suffisamment riche pour que le reconstruction rationnelle que nous avions conservée en fin de parcours se révèle superfétatoire.

* Voir note du 02.12.2006

 

Commentaires

Très intéressant. A noter qu'une démarche similaire a été développée il y a des années par Hervé Nougier (http://www.mediatech.fr). Il a créé un petit boîtier inspiré de ce qu'il avait fait des années auparavant pour M6 dans le cadre de tests d'émissions de TV, de spots etc.
L'idée est simple et similaire à celle de mosaïque: les impressions laissées par un média ne sont pas rationnelles, alors plutôt que demander aux spectateurs de rationaliser inutilement, autant leur donner un boîtier avec un curseur et leur demander d'exprimer leurs sentiments (j'aime, je n'aime pas, j'aime un peu etc.). L'idée est assez simple et a déjà été exploitée dans les médias. L'explication de Medianalyst (le nom de la méthode et du boîtier) est disponible en ligne avec un film explicatif: http://www.medianalyst.com/fr/accueil.htm
Je ne suis pas certain hélas que cette méthodo et ce boîtier aient rencontré le succès commercial qu'ils méritaient. Il faut dire que le succès non plus n'est pas rationnel ;-)

Écrit par : Yann | 17/09/2007

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