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27/09/2007

Chroniques chinoises III – Les pauvres en Chine

medium_Chine_Mendiant.jpgAvec cette troisième Chronique chinoise, je reviens aux origines de cette nouvelle rubrique Culture(s) : souligner certaines disparités culturelles au travers d’exemples vécus ; et je notais notamment dans ma première Chronique chinoise :

Ce qui m’a le plus frappé au cours de mes multiples voyages sur les cinq continents, c’est le sort réservé aux pauvres – honorés dans certains pays, méprisés dans d’autres… jusqu’à tenter de s’en débarrasser physiquement en Chine, où ils dérangent la belle harmonie qui se met en place pour les jeux Olympiques.

La condition des pauvres diffère totalement d’un pays à l’autre même si, voyageur pressé, nous ne leur accordons que peu d’attention… d’autant moins d’attention que nos guides touristiques nous recommandent bien de ne pas céder à la mendicité !

Toutefois la manière dont un peuple traite ses plus déshérités se révèle toujours très instructif.

En Chine, le visiteur étranger ne peut voir qu’une part infime de la pauvreté : les mendiants de la Tien An Men à Pékin, les commerçants ambulants de Shanghai, au delà du jardin Yu ; mais pas les millions d’exclus de la Chine continentale : on ne visite pas !

Les touristes se pressent sur La Grande Muraille à Badaling, là où les autorités l’ont restaurée – là où elle ressemble le mieux à Disneyland ! Il est cependant très agréable de se rendre à Huanghua, à deux heures de route de Beijing et de découvrir une autre muraille, certes partiellement effondrée, mais sauvage et sans touriste.

Là les paysans barrent sommairement les chemins d’accès et instaurent un droit d’accès tout aussi sauvage que les lieus : refusez de payer le Yuan exigé – un dixième d’euro, c’est à la fois ridicule pour nous, et beaucoup pour eux – et vous vous exposez à des réactions très violente.

La pauvreté dans les campagnes, c’est une cocotte minute constamment sous pression.

A Xi’an, l’ancienne capitale figée hors du temps, la situation semble plus détendue : on dine aisément le soir sur le trottoir de quelques brochettes et galettes de pain avec – ou plutôt à côté – des gens du cru, dans une atmosphère plutôt bon enfant. Mais Xi’an n’existe plus que pour ses touristes.

A Beijing, la situation se révèle totalement différente. Dans la rue, les Chinois pressés enjambent – et encore, c’est un euphémisme – les mendiants accroupis sur le trottoir – enfin, les derniers.

Dans la capitale en plein développement – jalouse de l’avance de Shanghai –, les pauvres dérangent… et ils en sont parfaitement conscients : alors ils se recroquevillent. Regroupés autours de Tien An Men, les plus entreprenants vendent quelque éventail ou fruit aux touristes – la plupart Chinois également, mais nouveaux riches.

En vue des Jeux Olympiques, Beijing n’est plus qu’un vaste chantier : si vous souhaitez vous rendre dans le petit restaurant traditionnel que vente la dernière édition bien à jour de votre guide préféré, téléphonez avant : vous risquez de découvrir un vaste trou, ou un building de quinze étages.

Beijing tente d’offrir au monde une face convenable: la municipalité interdit désormais aux pékinois de se promener torse nu, le maillot roulé – pas très esthétique – et souhaiterait les voir renoncer à cracher sans cesse dans la rue !

Alors, les pauvres, ce n’est pas très présentable : la police les chasse sans cesse du centre touristique pour les exiler dans de vastes « mouroirs » au-delà du cinquième périphérique, là où ils pourront toujours mendier entre eux ou tenter de vendre un petit éventail à un improbable touriste.

Moyennant quoi, ce dernier se réjouira, en contemplant le portrait géant de Mao qui trône toujours à l’entrée de la Cité Interdite, que l’économie Chinoise crée tant de richesse que les malheureux ont presque totalement disparu du centre de Beijing.

Tout comme ils ont disparu de celui de Shanghai – et surtout de Pudong, son nouveau cœur économique, là où s’alignent les gratte-ciels les plus flamboyants. Autour du nouvel Opéra, pas plus de miséreux que près de l’Opéra Bastille – pas moins non plus : juste pareil.

Par contre, si vous vous enfilez dans les petites rues bien au delà du jardin Yu – bien au delà de la célèbre Maison de thé Huxinting – vous pénétrerez dans un dédale de misère sans nom, de minuscules échoppes d’un autre âge… dans une Chine qui se cache – ou que l’on cache.

16:56 Publié dans Culture(s) | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | | Pin it!

Commentaires

Vous parlez ici des pauvres des villes. Il y a, me semble-t-il, un sorte d'internationale des pauvres urbains. Ils gênent l'harmonie toute artificielle de la ville. J'étais au Japon cet été, et les pauvres sont relégués sous les autoroutes, dans des lieux sombres, sous des bâches bleues. Mieux organisé, extrêmement respectueux de l'autre (eh oui, contrairement à l'idée reçue), le japonais "traite" la pauvreté urbaine avec soin. Mais un pauvre reste pauvre. Le pauvre urbain a un revenu où l'accès au bien-être n'est tout simplement pas pensable.

De confession protestante je suis bien placé pour critiquer ce souci de la façade urbaine. Montpellier et Strasbourg ont été les premières villes à envisager l'expulsion des clochards du centre ville. C'était déjà le cas il y a quelques siècles.

Écrit par : Philippe Schoen | 29/09/2007

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