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04/12/2008

Cyber enseignement

affiche conf copie-1.jpgFrançois Cazals, le cybermarketer, se lance dans le "cyber enseignement" ... enfin, je ne sais pas trop comment ça s'appelle.

Bref, il va animer le lundi 8 décembre prochain à 14 heures, une conférence sur le Marketing virtuel pour la spécialisation MMTI e-Business de l’Institut Supérieur de Commerce de Paris - jusque là, rien de bizarre, même si c'est des noms à coucher dehors - sur ... Second Life !

Pour suivre le cours, munissez-vous de votre avatar : et si vous n'en avez pas, allez le cherchger sur son blog.

C'est mes copains François (Abiven), Robert (Vinet) et Gilbert (Réveillon) qui vont être jaloux : eux n'avaient fait que d'y créer le premier institut d'études au monde (François) ; y vendre la première once d'or virtuelle (Gilbert) ; ou y implanter la politique (Robert) ... et plein de marques depuis.

 

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02/12/2008

L'éthique selon Philippe Jourdan #2

ethique4.jpgSuite de l'intervention de Philippe Jourdan au Sémo (voir note du Mardi 25 Novembre).

Pourquoi est-il urgent d’agir ?

Plusieurs signaux nous alertent sur l’urgence d’agir dans le domaine des études. La baisse des taux de participation ou des taux de réponse aux enquêtes est le plus significatif(1). C’est une des manifestations de la résistance du consommateur. Certains s’opposent ainsi au principe de collaborer à la définition d’offres, de services ou de publicités jugés superflus et manipulatrices de nos désirs et de nos choix. D’autres dénoncent l’asymétrie d’informations entre un commanditaire d’études qui maîtrise les objectifs implicites du questionnement (tests de nouvelles idées, validation du positionnement, recherche de cibles de marché, etc.) et un répondant piégé et dévalorisé alors qu’il revendique le droit d’être associé à la coproduction de valeur.

Le débat autour de la juste rémunération est également symptomatique de ce malaise. Du point de vue de l’institut, la rémunération est un simple dédommagement qui est sensé couvrir les frais de déplacement ou le dérangement occasionné par l’étude. La modicité des sommes montre à l’évidence qu’il s’agit ici de compenser tout juste le temps passé. Le répondant au contraire s’interroge sur la valeur de l’information qu’il communique. Il ne s’agit pas de son point de vue d’un simple témoignage mais il apporte son expertise, sa perception, son analyse forcément unique… il est donc coproducteur de valeur et à ce titre revendique un droit sur les profits futurs voire sur la propriété intellectuelle des idées ainsi co-créées.

Faut-il aller aussi loin ? Certains acteurs sur Internet ne sont pas loin de le penser qui proposent d’associer une communauté d’internautes à la création de nouveaux produits, de messages publicitaires, de plans marketing, etc. Le principe est toujours le même, celui de l’UGC ou « User Generated Content ». Ainsi récemment la marque Hugo Boss a proposé aux internautes de les associer à la création de l’annonce publicitaire du parfum Hugo Man. Via un site « full-flash », les internautes disposent d’une vaste palette d’outils (fonds, flacons, personnages, etc.) qu’ils peuvent assembler à loisirs. La création ainsi mise au point est soumise au vote de la communauté et le site de rappeler : « si votre visuel est sélectionné, c’est le début de la gloire pour vous, votre travail sera publié dans l’un des magazines urbains les plus prestigieux (…) ou même potentiellement être utilisé mondialement comme annonce pour les parfums Hugo. Et en bonus, vous gagnez 500 euros ».

Ce principe est parfois même porté plus loin encore. Sur le site de la société CrowdSpirit, les internautes assument un pouvoir de recommandation sur des produits ou des services existants. L’idée est tout simplement de soumettre aux marques les produits des internautes, inversant en cela le processus classique d’innovation en marketing. De l’aveu même du fondateur de la jeune pousse, l’objectif du site est de proposer à terme au public créateur sur le site une marge plus importante par rapport aux autres intervenants (designers, graphistes, ingénieurs, etc.). L’originalité de l’expérience se heurte toutefois aux problèmes juridiques soulevés par la propriété intellectuelle : rappelons qu’en France, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur, les produits industriels par les brevets, les innovations d’usage ne disposant elles d’aucune protection.

On le voit au travers de ces quelques exemples, le client est aujourd’hui demandeur d’une relation nouvelle, davantage fondée sur un principe de valorisation mutuelle, alors même que les pratiques en matières d’enquêtes n’ont-elles guère évoluées. Ainsi l’objectif de l’étude n’est guère communiqué aux répondants (aussi bien dans les études qualitatives que dans les études par questionnaires). Certes cette précaution est parfois nécessaire pour préserver la neutralité des réponses ou la confidentialité de la démarche. Pour autant, ne pourrait-on pas systématiquement en fin d’enquête communiquer sur les suites données à l’étude, sur la transposition de l’information ainsi recueillies en actions concrètes (nouveaux produits, nouvelles publicités, optimisation du marketing mix, etc.) ? Ne serait-ce pas un premier pas pour retrouver la confiance du consommateur et lutter contre l’érosion de la participation aux études ? La relation d’enquête est également souvent univoque : l’enquêteur pose des questions auxquels l’enquêté répond dans le respect strict du cadre proposé et du temps imparti. Peu d’alternatives pour coproduire, créer ensemble, être associé pour le consommateur dans la durée aux processus d’innovation, à l’exception bien entendu de quelques démarches très spécifiques (cf. Toyota au Japon).

En réalité, plusieurs paradoxes émergent ici. Les répondants souhaitent plus de transparence mais les instituts sont soumis au devoir de réserve et de confidentialité dans un univers de plus en plus concurrentiel. Les nouveaux consommateurs souhaitent que leur opinion propre soit prise en compte tandis que le marketing est lui préoccupé de l’adéquation d’une offre au plus large public, la segmentation n’étant perçu que comme une tentative de piéger l’individu. Enfin, le public souhaite désormais interagir pour coproduire, le marketing est encore trop souvent pyramidale et hiérarchique : le consommateur est interrogé mais c’est aux directeurs marketing de décider ! Le débat que soulève l’éthique en études rejoint plus largement celui sur la « sagesse des foules »(2) , l’un des paradigmes du Web 2.0.

L’idée que le collectif « flou », c’est-à-dire le public ayant simplement en commun un intérêt (partager une information) ou une pratique (loisir partagé) forme une intelligence collective disposant d’un réel pouvoir prédictif et non pas uniquement prescriptif, celui-ci étant depuis longtemps exploité par le marketing. Dans son ouvrage (« Wisdom of Crowd »), le journaliste économique James Surowiecki fait l’éloge de l’intelligence collective des foules et d’abord celui de la diversité. Que faut-il retenir en relation avec le domaine des études marketing ? En premier lieu, la foule en sait davantage que ce que l’élite veut bien croire. Un groupe à l’intelligence moyenne sera toujours meilleur qu’un groupe homogène, fût-il plus intelligent, et ce grâce à sa diversité (origine, âge, expérience, formation). L’enjeu n’est pas ici celui de la représentativité mais bien celui de l’intelligence collective via la diversité contributive. Dans un groupe trop homogène, plus les opinions sont échangées plus elles deviennent faibles. Les leaders doivent diminuer leur propre influence au sein d’un groupe et éviter de s’entourer de gens qui pensent comme eux. Les groupes sont plus intelligents quand les gens agissent individuellement. La diversité est donc source d’intelligence collective à deux niveaux, dans la façon de percevoir un problème (perspective) mais également dans la manière de le résoudre (heuristique). On le perçoit au travers de ces quelques exemples, il existe indéniablement une aspiration du public à une forme de participation parfois bien éloignée des pratiques hiérarchiques et univoques dans lesquelles semblent se cantonner les études marketing.

L’enjeu de l’éthique en études est désormais critique et le débat est donc tout à fait d’actualité. Selon plusieurs enquêtes désormais concordantes, un ratio très restreint – moins de 10% de la population aux Etats-Unis – participent aux enquêtes et aux sondages. En d’autre terme, seule une minorité régulièrement consultée participe à la définition des produits, des services, des campagnes, des modes qui s’imposent pourtant à tous. Smith et Klein rapportent qu’au cours d’une enquête menée dans un centre commercial aux USA, les participants ont été invités à décrire l’expérience qu’ils avaient vécue lors d’une étude de marché récente. Un tiers d’entre eux ont affirmé en avoir gardé une impression négative et plus du quart l’ont décrite comme contraire à l’éthique ou choquante. Une telle situation peut devenir économiquement et socialement inacceptable Cela est vrai du secteur marchand mais également dans le domaine politique. Nous l’avons vu, les raisons sont diverses et le débat autour de la juste rémunération traduit sans doute un malaise plus profond, autour de la prise en considération de l’intelligence individuelle et collective dans la production des offres adaptées à la société de demain.

Quelques pistes de réflexion et d’action

Il est temps d’échanger quelques pistes de réflexion et d’action. Notre propos n’est certes pas de prétendre à l’exhaustivité mais plutôt de proposer une démarche en vue de promouvoir plus d’éthique dans les études marketing. On peut pour cela partir du postulat selon lequel les professionnels du marketing sont tenus de veiller à ce que les consommateurs puissent assumer librement leurs choix, ce que Klein et Smith(3) ont baptisé le « test de souveraineté du consommateur »(3).

Les professionnels du marketing – et par là même des études – ont donc pour obligation de s’assurer que le grand public dispose en toute circonstance et en pleine connaissance de cause de son libre-arbitre. Pour cela trois critères s’imposent : la capacité de jugement, la quantité suffisante d’informations et la possibilité de choix du consommateur.

La capacité de jugement désigne la faculté pour la personne de se prononcer en toute connaissance de cause. Il s’agit donc d’apprécier non pas la pertinence de sa seule réponse par rapport à la question posée (fiabilité, validité, sincérité, etc.) mais plus largement la compréhension par le répondant du contexte et des enjeux du questionnement (objectif implicite, exploitation des réponses, démarche agrégative mise en œuvre, etc.). Ce domaine est aujourd’hui relativement bien couvert par les différents codes éthiques qui soulignent les précautions particulières à adopter lorsqu’il s’agit d’interroger des publics fragiles, les jeunes enfants ou les seniors. D’autres critères pourraient également être invoqués, par exemple le niveau d’éducation, la justification étant ici de s’assurer que le répondant a une compréhension claire des présupposés de la démarche d’étude, qu’il perçoit sans ambiguïté la finalité de la démarche (exploitation de l’information du public en vue de l’optimisation d’une offre commerciale).

Le répondant doit disposer d’une quantité suffisante d’information. L’information doit être précise et complète pour lui permettre de choisir ou de renoncer à participer. Ainsi le code international ICC ESOMAR précise dans ses fondamentaux que « les personnes interrogées coopèrent de manière volontaire, à partir d’informations sur l’objectif général et la nature de l’étude, qui doivent être appropriées et non trompeuses, leur permettant de donner leur accord de participation ». C’est probablement un des points dont le respect est le plus difficile pour un institut. En effet, par crainte de biaiser les réponses des personnes interrogées si celles-ci ont connaissance du contexte d’interrogation (identité du client, de la marque, but poursuivi, etc.) ou bien soucieux de faire émerger des opinions les plus spontanées, les protocoles d’enquêtes imposent le plus souvent aux enquêteurs une grande discrétion sur ces sujets. Un progrès possible d’un point de vue éthique consisterait à généraliser l’obligation de porter cette information à la connaissance du répondant à la fin de l’interrogation.

Ceci n’est toutefois pas sans poser d’autres difficultés. En premier lieu, la nécessité de confidentialité peut s’étendre au-delà de la période de questionnement, en particulier lorsque l’étude aborde des tests de nouveaux produits ou de nouveaux thèmes de campagnes publicitaires. En second lieu, rien ne garantit que la personne interrogée aurait eu un comportement identique (en acceptant de participer à l’étude ou dans la teneur de ses réponses) si les objectifs lui avaient été révélés a priori et non a posteriori. A quoi bon l’exercice d’une liberté de participation qui ne peut être pleinement exercée… qu’après avoir participé ! Un compromis serait d’introduire plus de transparence dans l’exposé des motifs de l’étude dès la phase de recrutement. En particulier les répondants devraient être pleinement informés lorsque l’identité du produit, de la marque ou du client ne peut leur être communiqué, des motifs pour lesquels cette précaution est adoptée. Ils seraient présumés y souscrire pleinement. Ceci est bien entendu valable tant pour les études quantitatives que pour les études qualitatives ou fondées sur l’observation.

Ces quelques règles sont destinées à répondre au troisième critère du principe de souveraineté du consommateur, celui de la liberté de choix. Certes de nombreuses préconisations existent aujourd’hui pour rassurer le public sur le caractère licite, sincère, honnête de l’étude et plus spécifiquement du questionnement. Aucune liberté de choix n’existerait si ces conditions préalables n’étaient pas remplies (on rentre alors dans un contexte de duperie ou de tromperie, comme cela est le cas lorsque sous le prétexte d’une étude, le prestataire effectue une démarche de vente). Au-delà de ces précautions, il s’agit pour le consommateur d’exercer son droit d’acceptation ou de dénégation en toute connaissance de cause, un droit qui s’applique même après que les données ont été collectées. Ce droit fondamental porte aussi bien sur le fait ou non de participer, la possibilité de se retirer à tout moment de l’interview, d’exiger qu’aucune donnée nominative ne soit mise à la disposition de tiers ou bien encore de faire supprimer ou corriger les données personnelles incorrectes qui seraient détenues à son sujet.

Si la grille d’analyse de Klein et Smith nous semble adaptée à la réflexion sur l’éthique dans les études, nous sommes aujourd’hui conscients de n’avoir abordé que les aspects normatifs de l’éthique appliquée aux études. La réflexion doit aujourd’hui s’attacher à prendre en compte une évolution forte des attentes du public, celui d’être non plus un objet d’étude mais un acteur dans et de l’étude. Pour ce faire, il serait intéressant d’articuler à la grille d’analyse de Klein et Smith, le cadre proposé par Luc Boltanski et Laurent Thévenot qui permet de prendre en compte le travail effectué par les acteurs pour se justifier ou pour argumenter la justesse de leur action. Dans des situations de débat public, par exemple, l’approche de Boltanski et Thévenot permet de mieux saisir « les opérations critiques auxquelles se livrent les acteurs, [et les] opérations au moyen desquelles ils parviennent à construire, à manifester et à sceller des accords plus ou moins durables »(4). Ce modèle d’analyse nous invite à rechercher comment les « personnes particulières, enfermées dans la gangue de leurs intérêts propres, et livrées par là, à la disparité » parviennent à ajuster leur comportement réciproque, et à s’entendre sur leur action.

Nous ne pouvons certes pas prétendre avoir couvert en quelques pages le problème posé par l’éthique en études. Nous l’avons volontairement abordé sous l’angle de la relation entre l’institut (et derrière lui son client) avec le public interrogé. Il existe naturellement une autre dimension, celle de l’éthique de la relation entre l’institut et son client ou bien encore en interne de la relation entre la fonction études et la fonction marketing. Des problèmes éthiques peuvent se poser lors de l’interprétation des données lorsqu’il s’agit de coller parfaitement avec la stratégie de l’entreprise.

D’autres surgissent également quand les clients invitent les instituts d’études à leur faire une proposition méthodologique. Le choix du fournisseur est-il prédéterminé ? La société a-t-elle réellement l’intention de sous-traiter son projet à l’extérieur ou bien cherche-t-elle simplement à obtenir une information sur la meilleure méthodologie ? Pour autant, la relation entre l’institut et le public nous paraît soulever aujourd’hui les enjeux éthiques les plus critiques pour la profession. Nous les avons abordés en nous appuyant sur la grille d’analyse proposée par Klein et Smith. D’autres cadres théoriques plus formels peuvent bien sûr être invoqués (par exemple, la théorie des protagonistes ou celle des parties prenantes, etc.). Le débat reste donc très largement ouvert sur un sujet sur lequel les contributions académiques sont encore rares

(1) Jourdan Philippe : Comment accroître la réponse aux études en ligne ?
(2) Surowiecki Jean-Claude : La Sagesse des Foules.
(3) Klein J. G. et Smith N. G. : L’indispensable éthique dans la panoplie du marketing.
(4) Boltanski Luc : L’amour et la justice comme compétences : trois essais de sociologie de l’action.