22/03/2013
Les usines à gaz de la veille sociétale
A force de s’entendre répéter que sur les médias sociaux, une crise majeure leur pend en permanence au nez, et que s’ils n’agissent pas immédiatement en conséquence pour la conjurer, elle occasionnera une catastrophe tout aussi majeure, les annonceurs paniquent et souhaitent disposer d’un système d’alerte scrutant en temps réel l’intégralité des messages où apparaissent leurs produits, leurs marques, leurs dirigeants.
Et comme les spécialistes de la veille d’opinion sont de braves gens, ils leur promettent aussitôt des dispositifs à la (dé)mesure de leurs exigences, c'est-à-dire des outils paranoïaques, susceptibles de surveiller en temps réel l’intégralité du Web – sites médias, blogs, forums, médias sociaux, sites de marques concurrentes, sans oublier Twitter, Facebook, Pinterest, et bientôt les applis mobiles parce que ce serait un peu bête de les oublier !
Belles usines à gaz, chères – très chères – et totalement inutiles ! Et surtout, totalement illusoires, qui ne démontrent qu’une chose : leur commanditaires ne comprennent rien au Web social, et certainement leurs prestataires aussi !
Illusoire, pourquoi ?
Parce que lorsque l’on connaît le gigantisme des informations nouvelles publiées à chaque instant sur la toile (ici la notion de big data prend tout son sens), il faudrait au moins la puissance d’un Google pour y arriver.
Parce qu’il convient ensuite de discerner le bon grain de l’ivraie : et là il faut espérer des outils de traitement sémantique à la fois rapides et pertinents pour ne retenir que – mais tout en retenir – ce qui présente un risque pour les clients concernés ; et quand on sait où en sont les travaux sur le sentiment analysis, on se dit qu’il peut être urgent d’attendre … ou d’agir autrement.
Sans compter sur les cas un peut plus compliqués : imaginez la complexité des filtres à ajouter sans le cas de distributeurs comme Carrefour ou But … si l’on ne souhaite pas se pencher sur les problématiques de la circulation ou des résultats de la Coupe de France.
Car tout cela doit fonctionner en temps réel … pour ne pas rater la critique acerbe d’un client insatisfait sur un forum spécialisé !
Peut-être devrait-on se poser la question de son devenir, à cet avis négatif.
1er cas de figure : personne le remarque, et il reste là, perdu au détours de quelques questions insipides … pas de quoi fouetter une mouche, il peut y rester longtemps sans vraiment changer la face du monde – ou du moins nuire réellement au produit ou à la marque concernés.
2ème cas de figure : il génère quelques premières réactions, suffisantes pour quelques internautes jugent nécessaires de le faire circuler plus largement sur le Web social … et là, dans les minutes qui suivent, tout se retrouve sur Twitter, éventuellement la page Facebook correspondante ; et si ça grossit encore, les médias en ligne vont s’en emparer, de peur de rester à la traîne des médias sociaux : le bad buzz !
Si vous surveillez efficacement les échanges des twittos, vous serez parmi les 1ers alertés : au pire, vous aurez perdu quelques négligeables secondes, et vous vous serez épargné bien des soucis inutiles.
Mais bien souvent, à contrôler le flux permanent provenant de votre usine à gaz de veille, vous serez passés … juste à côté du message fatidique, qui vous reviendra quand votre collègue vous enverra un SMS : « Tiens, tu as vu ce qu’on dit sur Twitter » !
Trop d’information tue l’information : mieux vaut se poster aux carrefours stratégiques, que toute bonne Web agency doit connaître, puisque c’est là qu’elle va ensuite agir !
Pour résumer, un bon système de veille doit être :
- Un système simple, qui se poste aux bons endroits, là où l’information va transiter en tout début de buzz ;
- Permettant ensuite de diligenter des investigations permettant de remonter à la source, voire plus haut : dans quel contexte se sont effectués les échanges préalables ;
- Et surtout de passer rapidement ensuite à l’action, pour corriger le tir.
Le reste, c’est-à-dire les investigations plus poussées en termes d’insights, d’e.réputation, etc. peuvent s’effectuer de manière périodique : les outils permettront alors la capitalisation des contenus, les traitements sémantiques, en un mot, aideront à l’analyse.
Mais ces travaux s’effectueront d’autant qu’ils ne se font pas dans l’urgence, mais qu’ils répondront, comme toute étude marketing, à une problématique clairement posée.
17:03 Publié dans Un peu de bon sens | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Commentaires
En effet, le mythe de l'exhaustivité et de l'immédiateté des systèmes de veille doit être mis à bas. Il y a encore trop de prestataires qui annoncent tout surveiller, tout voir, ne rien rater, le tout en temps réél, mais y a t-il encore beaucoup de monde pour les croire vraiment ?
Sur cet aspect, nous sommes bien d'accord. Et aussi sur le fait que les outils de "sentiment analysis" sont encore à leurs débuts. Mais deux remarques: d'abord il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain: oui, trop de sites mettent des notes "positif / négatif" à des tweets, avis, commentaires qui sont pour le moins farfelues et cela porte préjudice à la discipline. Mais il reste quand même que le sentiment analysis peut être d'une vraie aide quand il est appliqué avec discernement dans des domaines circonscrits, et quand on sait quels sont les critères à surveiller... donc je suis rassuré par la conclusion: c'est d'abord tout dans des contextes d'étude, "à tête reposée" que ces outils devraient être utilisés. Et sans doute aussi dans des cas de veille bien ciblée et pas "sur tout, tout de suite".
Écrit par : Bernard Normier | 24/03/2013
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