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04/06/2012

Marque personnelle #2

karl-lagerfeld.jpgSuite du post paru le 28 Mai 2012.

Les meilleures marques personnelles sont évidemment des créations originales – elles sont donc plus rares !

Karl Lagerfeld en est également une remarquable : couturier de talent, il sortira de l’ornière une Maison Chanel au bord de la fermeture – il en occupe toujours la direction artistique.

Depuis, il s’emploie essentiellement à la construction de la marque Lagerfeld.

Sa différence, il l’exprime par un look improbable (col cassé blanc, lunettes noires, rigidité absolue, etc.) et des sentences à l’emporte-pièce comme : « Seule ma propre opinion m'intéresse » ou : « Je suis une sorte de nymphomane de la mode qui n'atteint jamais l'orgasme » ; Wikipédia en donne ici un amusant florilège.

Couturier, il se veut aussi photographe et surtout « dilettante professionnel », comme il se plaît à se qualifier : inutile de retracer la liste de ses initiatives et collaborations (éditeur, acteur, lunettier, designer, chanteur, etc.),  toutes ne visent qu’à construire un personnage – et une marque – hors du commun.

En 2008, il signe un contrat de licence avec Coty pour lancer une ligne de parfums à son nom ; se pose alors la question de la marque à utiliser … ou plutôt : comment l’utiliser ?

Pour Pierre Cardin, Chloé et autres Marc Jacobs, pas de problème : il suffit d’utiliser le logo existant ; et pour Beyoncé ou Céline Dion, un lettrage approprié soulignera la personnalité de la star.

Lagerfeld, lui, n’est pas seulement un personnage complexe, une simple vedette : c’est une marque ; et qui plus est, une marque « dilettante ». Dès lors, comment éviter les dérives et que la marque Karl Lagerfeld ne tire le parfum en des territoires inappropriés ?

En la « démarquant » : Coty utilise la signature du couturier … et ne la laisse apparaître que sous un flacon à la marque Kapsule ; sage précaution, d’autant que circulent par ailleurs des eaux de toilette griffés : Lagerfeld Photo !

La marque Karl Lagerfeld s’est développée essentiellement à partir des années 80, la marque Steve Jobs a réellement explosé à la fin de la décennie suivante : elles ne doivent leur succès qu’à des méthodes traditionnelles de relations publiques – et notamment ses fameuses grand-messes médiatiques baptisées keynotes pour ce dernier.

Internet – et le web social – ont amplifié leur visibilité ; mais le couturier manie parfaitement tous les leviers promotionnels classiques et truste les plateaux télévisés chaque fois que nécessaire.

Par contre, il est clair que les nouveaux moyens de communication vont favoriser le développement de nouvelles marques personnelles comme Huffington.

Toutefois ici, la mise en œuvre apparaît légèrement plus complexe, Huffington constituant le trait d’union entre un patronyme : Arianna Huffington ; et une marque commerciale : The Huffington Post.

On constatera d’ailleurs que ni le média, The Huffington Post, ni même le patronyme d’Arianna Huffington, n’appartiennent réellement à la journaliste : née Stassinopoulos et divorcée d’un parlementaire américain, elle en conservera le nom ; quand au journal en ligne, elle le vendra à AOL en 2011.

Ici encore, et de manière accrue, se pose la question de la coexistence entre marque personnelle et marque d’entreprise : le web autorise aujourd’hui – et favorise même – d’aussi flagrantes ambigüités parce qu’il est aisé pour un entrepreneur de développer sa marque personnelle parallèlement à celle de la société qu’il développe.

En fait, Arianna Huffington et The Huffington Post n’existent tous deux que par et au travers du web : il est non seulement le lieu d’existence du titre d’information, mais c’est sa partie conversationnelle – le web social – qui supporte la marque personnelle Arianna Huffington.

Google indique « environ 948 000 résultats » à la requête « Arianna Huffington » pour la seule blogosphère : aujourd’hui, l’impulsion ne vient plus seulement les individus, mais également de la multitude des internautes qui surfent et écrivent sur des blogs, Twitter, Facebook.

Facebook justement ! Ici aussi coexistent deux marques fortes : celle du réseau social – et celle du héros du film « The Social Network », Mark Zuckerberg ; certes, la première apparaît considérablement plus forte que la seconde, mais la seconde constitue un contrepoint potentiellement dangereux.

Dangereux parce leurs valeurs apparaissent radicalement opposées : Facebook, c’est avant tout la convivialité, l’amitié, le réseau sympa et conversationnel ; Zuckerberg, c’est le petit génie névrotique, complètement monomaniaque, et dont on ne sait s’il faut l’aimer ou de le haïr pour avoir marché sur ses copains d’université.

Certes, le film peut revendiquer une forte responsabilité dans la réputation sulfureuse du fondateur de Facebook … mais aujourd’hui, celle-ci constitue une réalité dont il convient de tenir compte : pour les internautes qui surfent sur les médias sociaux, ce dernier est (selon les auteurs) névrotique, névrosé, ou pour le moins instable !

Et surtout, il apparaît très doué pour se construire une image personnelle atypique … bien que plagiant volontiers Steve Jobs : le patron d’Apple organise-t-il des keynotes pour assurer la promotion de ses nouveaux produits ? Zuckerberg organise son « F8 » pour annonce les évolutions majeures de son réseau social.

Mais attention, ce sera un évènement taillé à la mesure de son héros : ainsi le 22 Septembre 2011, avant de parler « TimeLine », « Ticker » et autres nouvelles fonctionnalités, c’est un sosie de Zuckerberg qui monte sur scène – tellement caricatural qu’en fin de compte, on se fait plus qui parodie qui …

On est loin de l’osmose Jobs / Apple : or s’il est aisé pour des actionnaires de se débarrasser d’un CEO encombrant (tout dépend la plupart du montant du chèque …), il l’est beaucoup moins de décoller l’image personnelle d’un fondateur de celle du produit qu’il a créé.

L’affaire Guerlain en a récemment apporté la preuve : le 15 octobre 2010, interrogé sur France 2 sur la création du célèbre parfum Samsara, Jean-Paul Guerlain déclare : « Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin … ».

Evidemment les propos choquent, les associations antiracistes se mobilisent, de même que nombreux journalistes (dont Audrey Pulvar, lors de son éditorial quotidien sur France Inter) – et bien évidemment la blogosphère s’enflamme ! Sur Twitter, on relaie à l’envie les : « Le nègre t’emmerde et boycotte #Guerlain » et autres réactions similaires.

L’après-midi, le parfumeur tente de s’excuser au travers d’un communiqué à l’AFP, mais sans réellement convaincre ; le lendemain après-midi, c’est au tour de la filiale de LVMH de tenter de prendre ses distances, en précisant sur Facebook que : « Jean Paul Guerlain n’est plus salarié, ni actionnaire de la société » et : « Ses propos ne correspondent en rien aux valeurs de l’entreprise »

… ce qui ne suffit en rien à calmer les consommateurs indignés ; et malgré une nouvelle prise de distance le 22, une manifestation est organisé le samedi suivant devant la boutique des Champs Elysées.

Quand il s’exprime ainsi, Jean-Paul Guerlain, arrière-arrière-petit-fils du fondateur de la maison Guerlain ne possède donc plus, ni actions, ni fonctions au sein de la société éponyme, comme le souligne le groupe LVMH : pour les internautes, cela ne change rien.

D’ailleurs les hashtags (#) mettent bien évidemment en avant la marque, Jean-Paul Guerlain s’écrivant alors « Jean-Paul #Guerlain » : et une recherche sur le site de micro-blogging mêlera nécessairement propos racistes et parfums !

LVMH aura trop trainé à réagir – et bien trop mollement ! Quand début 2011 John Galliano sera interpellé pour avoir proféré des insultes antisémites et racistes dans un café parisien, il sera immédiatement suspendu de ses fonctions par Dior avec qui il est sous contrat.

Bien sûr, la marque Galliano ne s’écrit pas comme la marque Dior, mais Guerlain a trop tergiversé ; or si les médias sociaux constituent un vecteur exceptionnel de promotion pour les marques personnelles, ils peuvent également très rapidement les tuer … avec le risque, pour les marques commerciales associées, d’être prises dans la tourmente !

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28/05/2012

Marque personnelle #1

jobs_gates.jpgCoca-Cola, IBM, Microsoft, Google, General Electric, McDonald’s, Intel, Apple, Disney et Hewlett-Packard constituent pour Interbrand le top ten des « meilleures marques mondiales » : desquelles peut-on spontanément citer le nom de l’actuel dirigeant ?

Wikipédia consultée, Muhtar Kent apparaît être le CEO de The Coca-Cola Company : mas qui connaît vraiment Muhtar Kent ? Ou Virginia Rometty, son homologue chez IBM ?

La notoriété d’un Steve Ballmer, l’actuel numéro un de Microsoft, semble meilleure, tout comme celle de Larry Page pour Google ; mais celle de Tim Cook, CEO d’Apple reste vraiment à construire.

Les noms qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont ceux, mythique du pharmacien John Pemberton qui élabora la recette d’une célèbre boisson pétillante à base de coca, de Bill Gates, cofondateur de Microsoft avec son associé Paul Allen, Walt Disney, le père de Mickey Mouse, et bien évidemment … Steve Jobs, qui se détache très fortement du lot.

Pourquoi ? Tout simplement parce que Steve Jobs n’est pas seulement le cofondateur d’Apple avec Steve Wozniak (qui se souvient de Steve Wozniak ?), ni même le sauveur d’une société au bord de la faillite quand il en reprend le contrôle en 1997 : Steve Jobs est une marque.

Pas Bill Gates. La preuve ? Tapez « Marque Steve Jobs » (avec des guillemets, pour être ne remonter que les résultats incluant cette suite de mots précisément) sur Google : vous obtenez « environ 36 300 résultats » ; faites de même avec « Marque Bill Gates » et le moteur en fournit poussivement … 53 !

Bien sûr ce ne sont que des estimations, mais quand même ! D’autant que pour ce dernier, nombreux résultats ne sont que des artefacts (Google ne tient pas compte de la ponctuation, considérant valide l’expression : « invité de marque, Bill Gates … ») ; alors que les questions du type : « La marque Steve Jobs plus forte que la marque Apple ? » sont monnaie courante !

Comme une marque, Steve Jobs sait que pour exister, il faut exprimer et assumer sa différence : le fameux slogan « Think different », qu’il imposera dès son retour, lui convient autant qu’à l’entreprise qu’il dirige.

Comme pour toutes les marques mythiques, petit à petit les exégètes en réécrivent l’histoire, pour la rendre encore plus attractive : Jobs devient le visionnaire absolu, qui a inventé pèle mêle le bureau et la souris, le baladeur numérique, le smartphone, la tablette tactile … excusez du peu !

Or, loin de nier l’apport de Jobs à l’histoire mondial des nouvelles technologies, rappelons que le bureau et la souris proviennent des centres de recherche Xerox à Palo Alto ; qu’Archos et d’autres commercialisaient des baladeurs mp3 à disque dur bien avant le premier iPod, etc.

Avec Steve Jobs, nous rentrons dans le champ du storytelling : quand à l’automne 2011, Apple lance son système de Cloud Computing iCloud, d’aucuns rappellent que le concept est né au début des années 2000 (et même « inventé en 2002 par Amazon » – voir ici) – à l’époque, on parlait d’ASP, pour Application Service Provider, dénomination nettement moins sexy !

Alors ressort sur le Net une vidéo de la Worldwide Developers Conference de 1997, où le gourou évoque sa vision d’un Web dans les nuages … qui deviendra iCloud ! C’était évidemment un peu vite oublier John McCarthy, l'un des pionniers de l'intelligence artificielle et inventeur du langage LISP qui en 1961, lors d’une conférence au Massachusetts Institute of Technology, posa les premières pierres d’une informatique partagée sous forme de services.

Steve Jobs n’est ni le seul, ni même le premier à s’être façonné comme une marque : aujourd’hui, on parle de personal branding ; le Web social a beaucoup contribué à développer le concept, avec la montée en puissance des blogs au début des années 2000. Peut-être que la spécificité de Jobs, c’est qu’il a mis sa marque personnelle au service de celle de l’entreprise qu’il dirigeait.

Dès lors, deux marques coexistent à ce jour : Apple et Steve Jobs ; à la première, Wikipédia consacre un peu moins de 35 000 signes, à la seconde, pas loin de 100 000 : et même si la version anglaise de l’encyclopédie collaborative rétablit un peu les équilibres en accordant environs 86 000 signes à Apple, contre 108 000 à son fondateur, il semble bien que la marque la plus puissante ne soit pas celle de l’entreprise, mais celle de son ancien fondateur !

D’où la question qui se pose : Apple peut-elle survivre à Steve Jobs – non pas à son fondateur, mais à la marque Steve Jobs ?

Un premier élément de réponse pointe à la lecture des comptes-rendus – presse et blogosphère unanimes – de la première « keynote » de Tim Cooks en tant que CEO, le 4 Octobre 2011 … la veille de la mort de son illustre prédécesseur : décevant !

Décevant le produit présenté : un iPhone 4S quand tout le monde attendait l’iPhone 5 … et un Tim Cooks quand tout le monde rêvait encore d’un Steve Jobs : car le nouveau CEO, aussi brillant puisse-t-il être, n’aura sans doute jamais le charisme de son ancien patron !

Et même s’il l’avait ? Même s’il était capable de shows extraordinaires ? On l’accuserait alors de « faire du Steve Jobs », de copier son maître, de n’être qu’un produit, une marque « me too » : comment affirmer à son tour sa différence … sinon à se banaliser ? Un CEO gestionnaire ne brillera jamais comme un fondateur visionnaire !

Bill Gates, lui aussi, a réussi un parcours, sinon sans faute (il suffit de voir les boulets que traine Microsoft, notamment les multiples actions en justices pour concurrence déloyale auxquelles la firme doit répondre), du moins particulièrement efficace : pourtant il n’existe pas vraiment de marque Bill Gates – ou alors, il s’est montré très mauvais dans l’élaboration de son personal branding !

Peut-être tout simplement parce que ce dernier n’a jamais cultivé sa différence : au contraire, il est le père d’un système d’exploitation et de suites bureautiques destinées au plus grand nombre ; en d’autres termes, la marque Bill Gates n’aurait jamais pu être qu’une marque … standard, moyenne, commune : pas très séduisant non plus !

Costume cravate versus pull noir, conformisme versus singularité : tout opposera les marques Steve Jobs et Bill Gates, l’une passionnée, charismatique jusqu’a l’adulation ; l’autre beaucoup moins attirante, avec son style d’adolescent attardé, une marque souvent vilipendée. Des marques dont l’image ne recoupe pas réellement la réalité des individus …

Ainsi Gates et son épouse Melinda a été désignés « homme de l'année 2005 », aux côtés du chanteur de U2, Bono, pour leurs actions philanthropique ; Jobs, lui, a arrêté le programme caritatif d’Apple à son retour aux commandes en 1997. Et pourtant la marque Steve Jobs possède un pouvoir d’attraction bien supérieur à la marque Bill Gates …

Quand Bill Gates décide de quitter en 2008 toute fonction opérationnelle au sein de l’entreprise qu’il a créée 30 ans plus tôt, personne ne se pose la question de la survie de cette dernière : Steve Ballmer est aux commandes et pour le reste, business as usual !

Une marque personnelle ne reflète pas nécessairement parfaitement la personnalité de l’individu qui la porte – tout comme une marque commerciale peut plus ou moins diverger de la réalité des produits qu’elle nomme : c’est même d’ailleurs à cela, entre autres, qu’un annonceur paie son agence de publicité !

Une marque personnelle forte peut puissamment contribuer au succès de l’entreprise qu’elle supporte … mais avec des risques évidents en cas de divorce des deux marques – ou de décès de la marque personnelle, comme dans le cas d’Apple avec Steve Jobs.

Jobs constitue un exemple emblématique, mais il est loin de constituer un cas isolé ; surtout, il a fait des émules … ou du moins suscité quelques contrefaçons dont la plus évidente en France s’appelle Xavier Niel : la conférence de presse orchestrée pour le lancement de Free Mobile le 10 Janvier 2012, constitue une pâle parodie des fameux keynotes de l’ancien fondateur d’Apple.

Les meilleures marques personnelles sont évidemment des créations originales – elles sont donc plus rares !

… à suivre, la semaine prochaine.

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23/10/2011

Les marques ont-elles encore une raison d'être dans l'assurance et les services financiers ?

Assurancetourix.pngLa question peut paraître un peu provocatrice ... mais l'est-elle tant que cela ? Après la crise des subprimes de l'été 2007 et toutes les secousses qui ont bouleversé la planète financière après, la confiance dans les marques semble plutôt en berne.

D'ailleurs, il suffit de jeter un œil sur les conversations en ligne : les Français ne cherchent plus vraiment « un bon assureur », juste un « assureur pas cher ».

Dans ce cas, à quoi bon développer de coûteuses politiques de marque et ne pas se contenter de pratiquer de manière très opportuniste les prix les plus attractifs ?

Mais qu’est-ce qu’une marque ?

Toutefois, avant de jeter aux orties les règles traditionnelles du marketing pour maximiser le ROI, peut-être serait bon de se poser la question : qu’est-ce qu’une marque ?

Une fiction, un substitut – à un créateur, un fabricant, un artisan –, et une abstraction : c’est pour cela que l’on parle tant d’ADN, de personnalité de marque – juste pour oublier qu’une marque n’est pas, ne sera jamais, humaine.

Pourquoi et comment sont-elles apparues ?

On renverra à Procter & Gamble et à leur mythique savon Ivory, « un savon blanc peu coûteux d’une haute qualité égale à celle des savons importés de Castille », comme le rappelle encore le site du groupe : comment convaincre des millions d’américains de l’acheter ?

Par la publicité – 11 000 $ dans un magazine hebdomadaire.

Les marques se sont développées le jour où s’est définitivement rompue la relation entre producteurs et consommateurs, entre fabricants et clients ; où le vendeur ne pouvait plus convaincre son acheteur dans le cadre étroit de sa boutique : « Ceci vous donnera toute satisfaction ».

La publicité se développera avec des annonces vantant des bénéfices, et un progrès, très concrets : ceux du « Avec Génie, je ne fais plus bouillir », des premiers réfrigérateurs, des premiers hypermarchés regorgeant de produits quasi magiques.

Ce sera dans le domaine bancaire, cette annonce expliquant que la « Carte Bleue permet de retirer de l’argent dans 9000 agences de banque » ; et cette autre où la BNP reconnaît : « Pour parler franchement, votre argent m’intéresse ».

De même qu’à la marque Génie s’associe un bénéfice extrêmement tangible (l’époque n’était pas encore loin des lessiveuses débordant sur les gazinières), Carte Bleue devient synonyme d’argent aisément disponible et la BNP de banque transparente et efficace – bien qu’un peu cynique !

Quand la communication prime sur son objet

Et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes – ou du moins jusqu’à la fin des Trente Glorieuses).

Jusqu’à ce que les publicitaires, découvrant qu’ils n’ont plus rien à dire des produits dont les annonceurs leur confient la destinée, se décident à qualifier … les acheteurs de ces produits.

Avant, on achetait une DS pour le plaisir, voire ce que Barthes nommait « une gourmandise de la conduite » ! A partir des années 70, les cadres se rueront sur les BMW pour affirmer leur réussite sociale, comme le constatera Baudrillard : « Les objets […] ne "désignent" non plus le monde, mais l'être et le rang social de leur détenteur ».

Ce nouvel âge, qu’avec l’auteur du système des objets ont pourra qualifier de postmoderniste, sera l’âge d’une consommation désabusé, où le progrès ne sert plus vraiment les individus, mais leur permet juste de se différencier les uns des autres ; où on n’achète plus un téléviseur Sony pour son image mais pour son prix … élevé !

Le postmodernisme sera l’époque où tous les produits se ressemblent – Clio, Fiesta, Corsa, … : comment les différencier ? – et où des consommateurs blasés se rassurent en payant plus cher.

Jusqu’à la caricature quand Séguéla déclare : "Si on n'a pas de Rolex à 50 ans, on a raté sa vie".

Dans le domaine financier, à l’annonce Carte Bleue précédente succédera par exemple une publicité American Express titrée « Des clients hors du commun », présentant un couple très BCBG dans un restaurant étoilé. Le postmodernisme n’empêche pas un certain humour décale, comme en témoigne cette autre annonce pour Barclays ironisant : « Chaque année en France, l’ISF frappe des centaines de foyers dans l’indifférence générale ».

Le marketing développera alors ses programmes de fidélisation, plus élitistes les uns que les autres, avec ses cartes Gold et autres Premium ; et mutatis mutandis, mêmes les ménagères y auront droit dans leurs hypermarchés habituels, avec caisses rapides réservées !

Ironie du sort, tout ce marketing et toute cette communication plus fondés sur le « paraître » et « l’avoir » que sur « l’être » – et fondamentalement sur l’argent et la possession – se développent dans un période où le pouvoir d’achat marque le pas et le chômage explose : les « Restos du Cœur » ouvrent leurs portes en 1985.

Un décalage apparaît doucement entre un discours publicitaire élitiste et une réalité sociale qui s’assombrit d’année en année : la publicité ne propose plus un modèle aspirationnel (= « Je ne veux pas rater la vie, donc je me fixe pour objectif d’avoir ma Rolex à 50 ans ») ; elle se mue juste en machine à rêver (= « Je sais bien que je n’achèterai jamais la BMW dont je regarde les spots avec plaisir et envie »).

Le postmodernisme aurait pu durer longtemps – aussi longtemps que les publicitaires verrouillaient la communication marchande : la puissance du média télévisuel les y aidait grandement … sauf que le jour où Le Lay déclarait vendre à Coca-Cola « du temps de cerveau humain disponible », le tonneau des Danaïdes s’était réellement mis à fuir de partout.

Marques : nouvelle société et nouveau futur

Comme l’annonçaient dès 1999 les rédacteurs du Cluetrain Manifesto, « les marchés sont des conversations » : à côté du verticalisme de la publicité médias, naissait une communication citoyenne, horizontale, entre pairs.

Le mouvement s’initia modestement sur les premiers forums de discussion, puis s’amplifia avec l’apparition des blogs et du Web 2.0, puis explosa sur les réseaux sociaux et les sites de micro-blogging, Facebook et Twitter en tête.

Et les gens se sont tranquillement mis à discuter des produits et des marques qu’ils achetaient, non plus en en termes de signes, mais de réels bénéfices – et cela tombait bien, depuis un quart de siècle que leur pouvoir d’achat s’érodait (les revenus salariaux n’ont pas progressé en France depuis 1980 - Source : Insee).

Dès lors, ils allaient distinguer les vrais progrès des faux … car bizarrement avec Internet, fixe ou mobile, notre société s’était remise à avancer : alors que les publicitaires s’évertuent toujours à parler de signes, les consommateurs parlent d’usages ; il semblerait même que certains retrouvent un certain plaisir à consommer – utilement, s’entend – comme ce fut le cas de leurs parents et grands parents dans la France de l’après guerre.

Retour vers le modernisme ?

Paradoxe : alors que de nombreuses sont les marques qui se proclament haut et fort leur légitimité, alors qu’elles ne proposent aucun contrat réel, ce sont souvent celles à qui on dénie l’appellation – les no names, les sans marques – qui renouent avec le contrat original d’un juste rapport qualité prix.

Revenons à la question initiale : les marques ont-elles encore une raison d'être dans l'assurance et les services financiers ?

Oui si elles répondent aux attentes les plus actuelles des Français : leur apporter des avantages concrets, simples, différenciants … et surtout bien réels !

Evidemment, aucun intérêt si elles ne communiquent que sur de la cosmétique, si elles cherchent à capter le consommateur en mettant en avant des bénéfices que, peu ou prou, leurs confrères mais néanmoins concurrents, promeuvent … si elles imaginent qu’il suffit de raconter de belles histoires pour devenir crédibles !

Donc n’ont d’avenir que si elles montrent une réelle capacité à innover : là, elles retrouveront une véritable légitimité – en assurance comme dans bien d’autres secteurs, d’ailleurs !

Certes, il est plus facile d’innover quand on s’appelle Apple – mais ce n’est pas parce qu’on se nomme autrement et qu’on ne vend pas du High Tech qu’il faut baisser les bras … même si c’est ce que font bien des acteurs du secteur, à en croire leurs clients.

Car quand on demande à ces derniers quels sont les secteurs qu’ils jugent avoir été parmi les plus innovants au cours des 10 dernières années (réponses multiples, plusieurs secteurs pouvant être cités), 1 sur 10  seulement évoquent les assureurs, bon derniers  avec les services hôteliers et juste derrière l’habillement.

La réponse à la question initiale semble fortement dépendre de la capacité du secteur à innover – réellement innover ; on peut considérer cette condition pour une gigantesque opportunité pour les marques qui sauront le faire, et le prouver.

22:52 Publié dans Marques | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | Pin it!