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01/10/2014

Doit-on encore parler d’intelligence collective ?

Cons Imagination.jpgUn samedi matin, Charly sur Marne.

7 heures 30, quatre clients au comptoir du seul bistrot ouvert … et on se dit que rien n'a vraiment changé depuis longtemps, très longtemps.

85 kilomètres de Paris et 85 ans en arrière, bien avant Jour de fête !

Internet ne semble pas encore vraiment passé par là : pas plus dans les connexions WiFi (absentes : les hotspots, connaît pas) que dans les mentalités.

Les mêmes conversations, les mêmes plaisanteries grivoises – même Bouvard aurait rougi si on les lui avait sorties aux Grosses Têtes !

La vie de proximité, la vie de village : l'accident à l'entrée du bourg, un accrochage sans gravité mais c'est dans le journal local ; puis on passe aux blagues racistes avant de se lancer sur les amours supposées des employés du supermarché local – les histoires de cul derrière les piles de cartons dans les réserves, ça fait toujours fantasmer.

Ce n'est pas le café du commerce, mais c'est tout comme : on y refait le monde dès potron-minet, on y critique tout et rhabille sournoisement les voisins, surtout ceux qui ne sont pas tout à fait pareils. On y lance des bruits et celui qui n'est au courant de rien en rajoute une couche : c'est là que se forgent des certitudes, sur tout et sur tout le monde, avec des « Pas de fumée sans feu » et autres « On sait comment ils font les ... ».

Bref un village bien de chez nous, et pas global du tout.

Question : prenez les mêmes, collez leur un ordinateur et une connexion Internet – en fait, pas braiment le peine, ils doivent bien en avoir une à la maison – et interrogez-vous : pourquoi ce serait mieux, dans un village global, avec eux ?

Cela pourrait même être pire, avec l'avantage de l'anonymat : balayées les dernières hésitations, en avant les plaisanteries salaces, les blagues racistes et les commentaires stupides de celui qui n'est au courant de rien et qui sait tout.

Le village global, nous l’avons un peu tous idéalisé – un peu comme un gigantesque Wikipédia : « Attention, là, ce que tu as écrit est lacunaire, et là, ce n’a pas été totalement prouvé » : l’intelligence collective globale, entre gens doctes, Diderot et D'Alembert à tous les étages.

Un mythe qui s’est créé à la naissance du Web 2.0, quand les pionniers avaient l’impression de construire un monde radicalement différent, quand les universitaires élaboraient wikis et autres journaux citoyens – et avant que les groupuscules d’extrême droite n’infiltrent AgoraVox.

Il est loin, ce temps des bâtisseurs : aujourd’hui les piliers de bistrot eux-aussi s’expriment sur la toile et distillent les mêmes blagues salaces, les mêmes propos racistes. Pas de raison de changer !

Doit-on encore parler d’intelligence collective ?

Quand on vous dit que le moteur à eau existe depuis longtemps, vous riez doucement ; quand on précise que les industriels de l’automobile, Renault et PSA en tête, ont payé très cher son inventeur pour qu’il détruise son brevet, certains internautes de commencer à relayer l’information – et même certains jurent leurs grands dieux qu’un de leurs amis a vu rouler une auto dotée d’un tel moteur !

Tout n’est pas si flagrant : il y a ces couches qui brûlent profondément les fesses des bébés (aux États Unis, il y a eu des accidents très graves) ; et surtout ces …, et ces … (ajoutez les minorités qui conviennent à votre vindicte) qui … et en plus, les pouvoirs publiques sont au courant, mais …

Peu à peu, le Web semble glisser d’une certaine forme d’intelligence collective à une certaine forme de bêtise tout aussi collective : est-là le futur de la toile ?

Question : à qui le crime profite ? Certainement pas à des confréries occultes, mais à des gens mal intentionnés qui utilisent l’anonymat du Net pour répandre des rumeurs qu’ils n’oseraient pas annoncer au bistrot du coin … quoique, c’est pas sûr.

Et puis, il y a tous ceux qui relaient – sans toujours penser à mal (quoique parfois, ça fait du bien …), parce que sinon, on n’est plus dans le mouvement …

Car comme disait Michel Audiard, « Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît ».