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09/10/2011

Orwell is back ?

Pizza.jpgFrancis me faire suivre cette blague qui tourne sur la toile : par delà l’humour de cette saynète, ne faut-il pas distinguer la phobie naissante de nombreux consommateurs pour tout ce qui touche à la protection de – ou plutôt l’intrusion dans – leur vie privée.

Bien des professionnels, si fiers de leurs outils de CRM et prêts à sa lancer dans la grande bataille de la mobilité, devraient relire tranquillement ces lignes et réfléchir à l’avenir …

Orwell, au secours !

Standardiste : Pizza Hut, bonjour.  

Client : Bonjour, je souhaite passer une commande.

Standardiste : Puis-je avoir votre NIDN, monsieur ?

Client : Mon numéro d'identification nationale (National ID Number). Oui,  un instant, voilà, c'est le 6102049998-45-54610.

Standardiste : Merci Mr. Sheehan. Donc, votre adresse est bien le 1742 Meadowland Drive et votre numéro de téléphone, le 494-2366. Votre numéro de téléphone professionnel chez Lincoln Insurance est le 745-2302 et votre numéro de téléphone mobile le 266-2566. De quel numéro appelez-vous

Client : Euh? Je suis à la maison. D'où sortez-vous toutes ces informations?

Standardiste : Nous sommes branchés sur le système monsieur.

Client : (Soupir) Ah bon! Je voudrais deux de vos pizzas spéciales à la viande.

Standardiste : Je ne pense pas que ce soit une bonne idée monsieur.

Client : Comment ça?

Standardiste : Selon votre dossier médical, vous souffrez d'hypertension et d'un niveau de cholestérol très élevé. Votre assurance maladie vous interdit un choix aussi dangereux pour votre santé.

Client : Aïe! Qu'est-ce que vous me proposez alors?

Standardiste : Vous pouvez essayer notre pizza allégée au yaourt de soja.  Je suis sûre que vous l'adorerez.

Client : Qu'est-ce qui vous fait croire que je vais aimer cette pizza?

Standardiste : Vous avez consulté les recettes gourmandes au soja à votre bibliothèque locale la semaine dernière, monsieur. D'où ma suggestion.

Client : Bon d'accord. Donnez m'en deux, format familial. Je vous dois?  

Standardiste : Ca devrait faire l'affaire pour vous, votre épouse et vos quatre enfants, monsieur. Vous nous devez 49,99 $.  

Client : Je vous donne mon numéro de carte de crédit.  

Standardiste : Je suis désolée monsieur, mais je crains que vous ne soyez obligé de payer en liquide. Votre solde de carte de crédit dépasse la  limite.  

Client : J'irai chercher du liquide au distributeur avant que le livreur n'arrive.

Standardiste : Ca ne marchera pas non plus monsieur. Votre compte en banque est à découvert.

Client : Ce ne sont pas vos oignons. Contentez-vous de m'envoyer les pizzas. J'aurai le liquide. Combien de temps ça va prendre?

Standardiste : Nous avons un peu de retard monsieur. Elles seront chez vous dans environ 45 minutes. Si vous êtes pressé, vous pouvez venir les chercher après avoir retiré du liquide, mais transporter des pizzas en moto est pour le moins acrobatique.

Client : Comment diable pouvez-vous savoir que j'ai une moto?  

Standardiste : Je vois ici que vous n'avez pas honoré les échéances de votre voiture et qu'elle a été saisie. Mais votre moto est payée, donc  j'ai simplement présumé que vous l'utiliseriez.  

Client : Col... de tab... d'ost... de ciboi....  

Standardiste : Je vous conseille de rester poli monsieur. Vous avez déjà été condamné en juillet 2006 pour outrage à un agent.

Client : (Sans voix)  

Standardiste : Autre chose monsieur?  

Client : Non, rien. Ah si, n'oubliez pas les deux litres de Coca gratuit avec les pizzas, conformément à votre pub.

Standardiste : Je suis désolée monsieur, mais une clause d'exclusion de notre publicité nous interdit de proposer des sodas gratuits à des diabétiques.  Merci et bonne journée !

05/10/2011

Le Luxe : Essai sur la fabrique de l'ostentation

Luxe.pngThierry Maillet, tu as contribué à l’ouvrage collectif : Le Luxe : Essai sur la fabrique de l'ostentation, dont la 2nde édition vient de sortir en librairie, notamment en rédigeant : Luxe et tendances : quelle mise en perspective historique ?

MarketingIsDead : Récemment sortait librairie un autre ouvrage signé Thierry Maillet : Le marketing et son histoire : Ou le mythe de Sisyphe réinventé ; d’où te viens cette passion pour l’histoire du marketing et marketing et de l’économie … et en quoi est-elle moderne, selon toi ?

Thierry Maillet : L'histoire du marketing est intéressante car elle est récente :
Jusqu'à présent le marketing est une discipline de primo-accédants. Rares sont les familles de marketers comme tu peux avoir des descendances nombreuses parmi les professions libérales, les agriculteurs ou les industriels.

a/ Il n'y a pas eu de développement de la connaissance historique de la pratique de la part des historiens car c'est une discipline universitaire et le marketing une discipline d'école. Ce n'est pas le cas aux US ou dans les pays où ces deux types d'institutions sont proches. Ce qui plaide entre autres pour le rapprochement des humanités des écoles d'application.

b/ Les praticiens ou les enseignants ont tous valorisé le temps présent en estimant que l'important était l'adéquation avec un individu en mouvement permanent : le consommateur. C'est une discipline qui, à force de vouloir être dynamique risque néanmoins la surchauffe et la perte de repères. D'où la nécessité de revisiter son histoire pour aider à sa pratique dans les années à venir.

Une proposition d'études pour tes lecteurs : existe-t-il des familles de marketers où les enfants vont explicitement rejoindre le métier/profession d'un parent. Celles-ci doivent être suffisamment rares pour être étudiées : de quoi parlent un enfant et un parent qui tous deux travaillent dans le marketing ?

c/ Le marketing est un immense recommencement. C'est d'ailleurs ce qui avait inspiré mon titre du « Mythe de Sisyphe » ou l'image de la poursuite d'objectif sans fin. Le marketing est finalement le tournevis d'une vis sans fin (la vie).

A lire l'annonce jointe d'une société de prospective et de tendances : « Recommerce ».
http://www.trendwatching.com/fr/briefing/

Il est aisé de lire « Recommerce » comme les défilés haute-couture de cette saison qui reprennent les codes des année d'après-guerre (Dior) jusqu'aux années sixties
http://www.tendances-de-mode.com/2011/04/15/2124-tendance...
Donc une bonne manière de préempter les années à venir est de mieux en connaître l'histoire.
Un grand dirigeant d'entreprises, Bertrand Collomb (Lafarge), reconnaissant à la fin de sa vie de dirigeant combien la redécouverte de l'histoire lui paraissait essentielle pour lui-même comme ses pairs ; lire ici : http://www.cairn.info/publications-de-Collomb-Bertrand--3...
Tâchons de l'apprendre aux plus jeunes. Je m'y attelle et ne peux que souhaiter que l'enseignement du marketing se développe dans les écoles et universités qui affichent un réel retard en la manière. Celui-ci est peut-être lié au décalage précité entre Universités et Ecoles.

Enfin un dernier lien pour les personnes intéressées par l'histoire des entreprises : http://entreprisehistoire.ehess.fr/sommaire.php?id=29

MarketingIsDead : Tu lies l’industrie du luxe à une certaine « acceptation de la représentation » de soi : or pour les sociétés protestantes, une bonne représentation de soi ne devait surtout pas apparaître ostentatoire ; en d’autres termes, n’existe-t-il pas une certaine religiosité dans le luxe ?

Thierry Maillet : Je suis très mal placé pour répondre à cette seconde question.
D'autres auteurs y répondent beaucoup mieux que moi dans l'ouvrage (Pascal Morand) et je ne peux que t'inviter à te tourner vers eux.

Pour ma part voici ce que j'ai écrit : « Avant d'être sacré l'objet doit être fabriqué »  et je préfère m'attacher à « ce que fait la main » selon le sociologue R. Sennett.

MarketingIsDead : L’industrie – oui plutôt le commerce – du luxe caractérise les pays en développement, comme nécessaire objet de représentation de soi des nouveaux riches ; pourtant parmi les BRICS, la Chine se gave au luxe alors que l’Inde demeure, semble-t-il, plus modérée : comment ton modèle s’adapte-t-il à cette apparente contradiction ?

Thierry Maillet : Ta troisième question est aussi difficile.
Je ne suis pas spécialiste et des auteurs évoquent qui la Chine, (D. Elisseeff), qui l'Inde (MJ Zins) qui la Russie (P Chinsky).

Toutefois je me permets une avancée : le luxe reste une industrie et entre la Chine et l'Inde notamment, le peu que je connais est que les difficultés d'ouverture de points de vente est plus grande en Inde et pourrait aussi expliquer des différences d'analyse.

Sans parler que Dubaï constitue depuis longtemps le porte-avion du luxe pour tout le sous-continent indien.

22:35 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | | Pin it!