23/10/2011
Les marques ont-elles encore une raison d'être dans l'assurance et les services financiers ?
La question peut paraître un peu provocatrice ... mais l'est-elle tant que cela ? Après la crise des subprimes de l'été 2007 et toutes les secousses qui ont bouleversé la planète financière après, la confiance dans les marques semble plutôt en berne.
D'ailleurs, il suffit de jeter un œil sur les conversations en ligne : les Français ne cherchent plus vraiment « un bon assureur », juste un « assureur pas cher ».
Dans ce cas, à quoi bon développer de coûteuses politiques de marque et ne pas se contenter de pratiquer de manière très opportuniste les prix les plus attractifs ?
Mais qu’est-ce qu’une marque ?
Toutefois, avant de jeter aux orties les règles traditionnelles du marketing pour maximiser le ROI, peut-être serait bon de se poser la question : qu’est-ce qu’une marque ?
Une fiction, un substitut – à un créateur, un fabricant, un artisan –, et une abstraction : c’est pour cela que l’on parle tant d’ADN, de personnalité de marque – juste pour oublier qu’une marque n’est pas, ne sera jamais, humaine.
Pourquoi et comment sont-elles apparues ?
On renverra à Procter & Gamble et à leur mythique savon Ivory, « un savon blanc peu coûteux d’une haute qualité égale à celle des savons importés de Castille », comme le rappelle encore le site du groupe : comment convaincre des millions d’américains de l’acheter ?
Par la publicité – 11 000 $ dans un magazine hebdomadaire.
Les marques se sont développées le jour où s’est définitivement rompue la relation entre producteurs et consommateurs, entre fabricants et clients ; où le vendeur ne pouvait plus convaincre son acheteur dans le cadre étroit de sa boutique : « Ceci vous donnera toute satisfaction ».
La publicité se développera avec des annonces vantant des bénéfices, et un progrès, très concrets : ceux du « Avec Génie, je ne fais plus bouillir », des premiers réfrigérateurs, des premiers hypermarchés regorgeant de produits quasi magiques.
Ce sera dans le domaine bancaire, cette annonce expliquant que la « Carte Bleue permet de retirer de l’argent dans 9000 agences de banque » ; et cette autre où la BNP reconnaît : « Pour parler franchement, votre argent m’intéresse ».
De même qu’à la marque Génie s’associe un bénéfice extrêmement tangible (l’époque n’était pas encore loin des lessiveuses débordant sur les gazinières), Carte Bleue devient synonyme d’argent aisément disponible et la BNP de banque transparente et efficace – bien qu’un peu cynique !
Quand la communication prime sur son objet
Et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes – ou du moins jusqu’à la fin des Trente Glorieuses).
Jusqu’à ce que les publicitaires, découvrant qu’ils n’ont plus rien à dire des produits dont les annonceurs leur confient la destinée, se décident à qualifier … les acheteurs de ces produits.
Avant, on achetait une DS pour le plaisir, voire ce que Barthes nommait « une gourmandise de la conduite » ! A partir des années 70, les cadres se rueront sur les BMW pour affirmer leur réussite sociale, comme le constatera Baudrillard : « Les objets […] ne "désignent" non plus le monde, mais l'être et le rang social de leur détenteur ».
Ce nouvel âge, qu’avec l’auteur du système des objets ont pourra qualifier de postmoderniste, sera l’âge d’une consommation désabusé, où le progrès ne sert plus vraiment les individus, mais leur permet juste de se différencier les uns des autres ; où on n’achète plus un téléviseur Sony pour son image mais pour son prix … élevé !
Le postmodernisme sera l’époque où tous les produits se ressemblent – Clio, Fiesta, Corsa, … : comment les différencier ? – et où des consommateurs blasés se rassurent en payant plus cher.
Jusqu’à la caricature quand Séguéla déclare : "Si on n'a pas de Rolex à 50 ans, on a raté sa vie".
Dans le domaine financier, à l’annonce Carte Bleue précédente succédera par exemple une publicité American Express titrée « Des clients hors du commun », présentant un couple très BCBG dans un restaurant étoilé. Le postmodernisme n’empêche pas un certain humour décale, comme en témoigne cette autre annonce pour Barclays ironisant : « Chaque année en France, l’ISF frappe des centaines de foyers dans l’indifférence générale ».
Le marketing développera alors ses programmes de fidélisation, plus élitistes les uns que les autres, avec ses cartes Gold et autres Premium ; et mutatis mutandis, mêmes les ménagères y auront droit dans leurs hypermarchés habituels, avec caisses rapides réservées !
Ironie du sort, tout ce marketing et toute cette communication plus fondés sur le « paraître » et « l’avoir » que sur « l’être » – et fondamentalement sur l’argent et la possession – se développent dans un période où le pouvoir d’achat marque le pas et le chômage explose : les « Restos du Cœur » ouvrent leurs portes en 1985.
Un décalage apparaît doucement entre un discours publicitaire élitiste et une réalité sociale qui s’assombrit d’année en année : la publicité ne propose plus un modèle aspirationnel (= « Je ne veux pas rater la vie, donc je me fixe pour objectif d’avoir ma Rolex à 50 ans ») ; elle se mue juste en machine à rêver (= « Je sais bien que je n’achèterai jamais la BMW dont je regarde les spots avec plaisir et envie »).
Le postmodernisme aurait pu durer longtemps – aussi longtemps que les publicitaires verrouillaient la communication marchande : la puissance du média télévisuel les y aidait grandement … sauf que le jour où Le Lay déclarait vendre à Coca-Cola « du temps de cerveau humain disponible », le tonneau des Danaïdes s’était réellement mis à fuir de partout.
Marques : nouvelle société et nouveau futur
Comme l’annonçaient dès 1999 les rédacteurs du Cluetrain Manifesto, « les marchés sont des conversations » : à côté du verticalisme de la publicité médias, naissait une communication citoyenne, horizontale, entre pairs.
Le mouvement s’initia modestement sur les premiers forums de discussion, puis s’amplifia avec l’apparition des blogs et du Web 2.0, puis explosa sur les réseaux sociaux et les sites de micro-blogging, Facebook et Twitter en tête.
Et les gens se sont tranquillement mis à discuter des produits et des marques qu’ils achetaient, non plus en en termes de signes, mais de réels bénéfices – et cela tombait bien, depuis un quart de siècle que leur pouvoir d’achat s’érodait (les revenus salariaux n’ont pas progressé en France depuis 1980 - Source : Insee).
Dès lors, ils allaient distinguer les vrais progrès des faux … car bizarrement avec Internet, fixe ou mobile, notre société s’était remise à avancer : alors que les publicitaires s’évertuent toujours à parler de signes, les consommateurs parlent d’usages ; il semblerait même que certains retrouvent un certain plaisir à consommer – utilement, s’entend – comme ce fut le cas de leurs parents et grands parents dans la France de l’après guerre.
Retour vers le modernisme ?
Paradoxe : alors que de nombreuses sont les marques qui se proclament haut et fort leur légitimité, alors qu’elles ne proposent aucun contrat réel, ce sont souvent celles à qui on dénie l’appellation – les no names, les sans marques – qui renouent avec le contrat original d’un juste rapport qualité prix.
Revenons à la question initiale : les marques ont-elles encore une raison d'être dans l'assurance et les services financiers ?
Oui si elles répondent aux attentes les plus actuelles des Français : leur apporter des avantages concrets, simples, différenciants … et surtout bien réels !
Evidemment, aucun intérêt si elles ne communiquent que sur de la cosmétique, si elles cherchent à capter le consommateur en mettant en avant des bénéfices que, peu ou prou, leurs confrères mais néanmoins concurrents, promeuvent … si elles imaginent qu’il suffit de raconter de belles histoires pour devenir crédibles !
Donc n’ont d’avenir que si elles montrent une réelle capacité à innover : là, elles retrouveront une véritable légitimité – en assurance comme dans bien d’autres secteurs, d’ailleurs !
Certes, il est plus facile d’innover quand on s’appelle Apple – mais ce n’est pas parce qu’on se nomme autrement et qu’on ne vend pas du High Tech qu’il faut baisser les bras … même si c’est ce que font bien des acteurs du secteur, à en croire leurs clients.
Car quand on demande à ces derniers quels sont les secteurs qu’ils jugent avoir été parmi les plus innovants au cours des 10 dernières années (réponses multiples, plusieurs secteurs pouvant être cités), 1 sur 10 seulement évoquent les assureurs, bon derniers avec les services hôteliers et juste derrière l’habillement.
La réponse à la question initiale semble fortement dépendre de la capacité du secteur à innover – réellement innover ; on peut considérer cette condition pour une gigantesque opportunité pour les marques qui sauront le faire, et le prouver.
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16/10/2011
L'art de nous faire tourner en rond ... ou en bourrique !
Les blogueurs ont souvent tendance à se gausser des erreurs commises par les annonceurs dans leurs relations clients : facile de se moquer de son fournisseur d’accès qui spamme lui-même ses propres courriels commerciaux, facile de rire de tous ces mails auxquels on souhaiterait bien répondre s’ils n’étaient pas dressés par Monsieur (ou Madame, ne soyons pas sexiste) Noreply !
Bon, mais quand une marque se prend les pieds dans son propre tapis, c’est tant pis pour elle … point à la ligne.
Quand elle donne l’impression de se moquer des consommateurs, des internautes, voire de ses clients, c’est quand même bête pour elle … mais tant pis pour ses ventes.
Développer un CRM ou un SAV un peu pourri, c’est juste se tirer une balle dans le pied.
Bon, où veut-il en venir, direz-vous ? J’y arrive …
Quand une marque s’assied allègrement sur la loi – avec en plus l’air de vous dire « Je vous emm … » –, là c’est un peu plus grave !
Un petit exemple ?
Facile.
http://www.lerendezvousdeseshoppeuses.fr/, vous connaissez ?
Moi pas … du moins, pas avant d’avoir reçu un mail me disant :
« Bienvenu(e) au rendez-vous des e-shoppeuses,
« Nous avons noté votre souhait de recevoir, par mail, des offres des partenaires du site Absolute Shopping », etc.
Pas vraiment sûr d’avoir exprimé quelque souhait en ce sens …
Heureusement, « bien entendu, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent en suivant ce lien » … ce que je m’empresse de faire et découvre dans les « Conditions générales » du site que « Conformément à la Loi numéro 78-17 du 6 janvier 1978, dite "Loi Informatique et Libertés", les membres ont un droit d'accès et de rectification des informations personnelles. Ils peuvent exercer ce droit à tout moment en rédigeant une demande par courriel à info@lerendezvousdeseshoppeuses.fr ».
Donc petit mail à cette adresse : « Merci de me communiquer toutes les informations que vous avez me concernant et de me dire d’où vous les tenez ».
Et la réponse ne tarde pas : « Nous avons bien pris en compte votre demande de désinscription aux invitations du programme Le Rendez-Vous des E-Shoppeuses. Un délai de 3 jours ouvrés peut être nécessaire pour la prise en compte par notre base de données.
« Vous pouvez recevoir d’ici là encore un ou deux mails.
« Veuillez nous excuser pour ce désagrément ».
Mais non, vous vous trompez, je réponds par retour : « Je vous ai demande de me communiquer toutes les informations que vous avez me concernant et de me dire d’où vous les tenez : vous en avez l’obligation conformément à la loi ».
Et la réponse arrive : « « Nous avons bien pris en compte votre demande de désinscription … »
Qu’un annonceur fasse tourner ses clients en bourrique, pas grave : ce ne sont que ses (bientôt ex-) clients !
Qu’il se moque ainsi des citoyens qui ne demandent que l’application de la loi, c’est différent : je ne vais quand même pas envoyer une lettre recommandée à « 24h00, société anonyme de droit français au capital de 5 981 760 € dont le siège social est 28 rue Feydeau 75002 Paris » !
On brave mollement la loi et on sait bien que le citoyen finira par se lasser de converser avec un bête robot !
Peut-être serait-il bon d’arrêter les interviews bateaux de certaines stars du e-Commerce (tapez donc comme moi le nom du fondateur de 24h00, vous aurez des vidéos pour la soirée !
Peut-être serait-il bon de leur poser les vraies questions : jusqu’où a-t-on le droit de se moquer des gens ?
Il serait bon qu’un « gendarme » sanctionne ce type d’infractions … lourdement, SVP, pour les faire cesser.
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09/10/2011
Orwell is back ?
Francis me faire suivre cette blague qui tourne sur la toile : par delà l’humour de cette saynète, ne faut-il pas distinguer la phobie naissante de nombreux consommateurs pour tout ce qui touche à la protection de – ou plutôt l’intrusion dans – leur vie privée.
Bien des professionnels, si fiers de leurs outils de CRM et prêts à sa lancer dans la grande bataille de la mobilité, devraient relire tranquillement ces lignes et réfléchir à l’avenir …
Orwell, au secours !
Standardiste : Pizza Hut, bonjour.
Client : Bonjour, je souhaite passer une commande.
Standardiste : Puis-je avoir votre NIDN, monsieur ?
Client : Mon numéro d'identification nationale (National ID Number). Oui, un instant, voilà, c'est le 6102049998-45-54610.
Standardiste : Merci Mr. Sheehan. Donc, votre adresse est bien le 1742 Meadowland Drive et votre numéro de téléphone, le 494-2366. Votre numéro de téléphone professionnel chez Lincoln Insurance est le 745-2302 et votre numéro de téléphone mobile le 266-2566. De quel numéro appelez-vous
Client : Euh? Je suis à la maison. D'où sortez-vous toutes ces informations?
Standardiste : Nous sommes branchés sur le système monsieur.
Client : (Soupir) Ah bon! Je voudrais deux de vos pizzas spéciales à la viande.
Standardiste : Je ne pense pas que ce soit une bonne idée monsieur.
Client : Comment ça?
Standardiste : Selon votre dossier médical, vous souffrez d'hypertension et d'un niveau de cholestérol très élevé. Votre assurance maladie vous interdit un choix aussi dangereux pour votre santé.
Client : Aïe! Qu'est-ce que vous me proposez alors?
Standardiste : Vous pouvez essayer notre pizza allégée au yaourt de soja. Je suis sûre que vous l'adorerez.
Client : Qu'est-ce qui vous fait croire que je vais aimer cette pizza?
Standardiste : Vous avez consulté les recettes gourmandes au soja à votre bibliothèque locale la semaine dernière, monsieur. D'où ma suggestion.
Client : Bon d'accord. Donnez m'en deux, format familial. Je vous dois?
Standardiste : Ca devrait faire l'affaire pour vous, votre épouse et vos quatre enfants, monsieur. Vous nous devez 49,99 $.
Client : Je vous donne mon numéro de carte de crédit.
Standardiste : Je suis désolée monsieur, mais je crains que vous ne soyez obligé de payer en liquide. Votre solde de carte de crédit dépasse la limite.
Client : J'irai chercher du liquide au distributeur avant que le livreur n'arrive.
Standardiste : Ca ne marchera pas non plus monsieur. Votre compte en banque est à découvert.
Client : Ce ne sont pas vos oignons. Contentez-vous de m'envoyer les pizzas. J'aurai le liquide. Combien de temps ça va prendre?
Standardiste : Nous avons un peu de retard monsieur. Elles seront chez vous dans environ 45 minutes. Si vous êtes pressé, vous pouvez venir les chercher après avoir retiré du liquide, mais transporter des pizzas en moto est pour le moins acrobatique.
Client : Comment diable pouvez-vous savoir que j'ai une moto?
Standardiste : Je vois ici que vous n'avez pas honoré les échéances de votre voiture et qu'elle a été saisie. Mais votre moto est payée, donc j'ai simplement présumé que vous l'utiliseriez.
Client : Col... de tab... d'ost... de ciboi....
Standardiste : Je vous conseille de rester poli monsieur. Vous avez déjà été condamné en juillet 2006 pour outrage à un agent.
Client : (Sans voix)
Standardiste : Autre chose monsieur?
Client : Non, rien. Ah si, n'oubliez pas les deux litres de Coca gratuit avec les pizzas, conformément à votre pub.
Standardiste : Je suis désolée monsieur, mais une clause d'exclusion de notre publicité nous interdit de proposer des sodas gratuits à des diabétiques. Merci et bonne journée !
22:59 Publié dans Un peu de bon sens | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
05/10/2011
Le Luxe : Essai sur la fabrique de l'ostentation
Thierry Maillet, tu as contribué à l’ouvrage collectif : Le Luxe : Essai sur la fabrique de l'ostentation, dont la 2nde édition vient de sortir en librairie, notamment en rédigeant : Luxe et tendances : quelle mise en perspective historique ?
MarketingIsDead : Récemment sortait librairie un autre ouvrage signé Thierry Maillet : Le marketing et son histoire : Ou le mythe de Sisyphe réinventé ; d’où te viens cette passion pour l’histoire du marketing et marketing et de l’économie … et en quoi est-elle moderne, selon toi ?
Thierry Maillet : L'histoire du marketing est intéressante car elle est récente :
Jusqu'à présent le marketing est une discipline de primo-accédants. Rares sont les familles de marketers comme tu peux avoir des descendances nombreuses parmi les professions libérales, les agriculteurs ou les industriels.
a/ Il n'y a pas eu de développement de la connaissance historique de la pratique de la part des historiens car c'est une discipline universitaire et le marketing une discipline d'école. Ce n'est pas le cas aux US ou dans les pays où ces deux types d'institutions sont proches. Ce qui plaide entre autres pour le rapprochement des humanités des écoles d'application.
b/ Les praticiens ou les enseignants ont tous valorisé le temps présent en estimant que l'important était l'adéquation avec un individu en mouvement permanent : le consommateur. C'est une discipline qui, à force de vouloir être dynamique risque néanmoins la surchauffe et la perte de repères. D'où la nécessité de revisiter son histoire pour aider à sa pratique dans les années à venir.
Une proposition d'études pour tes lecteurs : existe-t-il des familles de marketers où les enfants vont explicitement rejoindre le métier/profession d'un parent. Celles-ci doivent être suffisamment rares pour être étudiées : de quoi parlent un enfant et un parent qui tous deux travaillent dans le marketing ?
c/ Le marketing est un immense recommencement. C'est d'ailleurs ce qui avait inspiré mon titre du « Mythe de Sisyphe » ou l'image de la poursuite d'objectif sans fin. Le marketing est finalement le tournevis d'une vis sans fin (la vie).
A lire l'annonce jointe d'une société de prospective et de tendances : « Recommerce ».
http://www.trendwatching.com/fr/briefing/
Il est aisé de lire « Recommerce » comme les défilés haute-couture de cette saison qui reprennent les codes des année d'après-guerre (Dior) jusqu'aux années sixties
http://www.tendances-de-mode.com/2011/04/15/2124-tendance...
Donc une bonne manière de préempter les années à venir est de mieux en connaître l'histoire.
Un grand dirigeant d'entreprises, Bertrand Collomb (Lafarge), reconnaissant à la fin de sa vie de dirigeant combien la redécouverte de l'histoire lui paraissait essentielle pour lui-même comme ses pairs ; lire ici : http://www.cairn.info/publications-de-Collomb-Bertrand--3...
Tâchons de l'apprendre aux plus jeunes. Je m'y attelle et ne peux que souhaiter que l'enseignement du marketing se développe dans les écoles et universités qui affichent un réel retard en la manière. Celui-ci est peut-être lié au décalage précité entre Universités et Ecoles.
Enfin un dernier lien pour les personnes intéressées par l'histoire des entreprises : http://entreprisehistoire.ehess.fr/sommaire.php?id=29
MarketingIsDead : Tu lies l’industrie du luxe à une certaine « acceptation de la représentation » de soi : or pour les sociétés protestantes, une bonne représentation de soi ne devait surtout pas apparaître ostentatoire ; en d’autres termes, n’existe-t-il pas une certaine religiosité dans le luxe ?
Thierry Maillet : Je suis très mal placé pour répondre à cette seconde question.
D'autres auteurs y répondent beaucoup mieux que moi dans l'ouvrage (Pascal Morand) et je ne peux que t'inviter à te tourner vers eux.
Pour ma part voici ce que j'ai écrit : « Avant d'être sacré l'objet doit être fabriqué » et je préfère m'attacher à « ce que fait la main » selon le sociologue R. Sennett.
MarketingIsDead : L’industrie – oui plutôt le commerce – du luxe caractérise les pays en développement, comme nécessaire objet de représentation de soi des nouveaux riches ; pourtant parmi les BRICS, la Chine se gave au luxe alors que l’Inde demeure, semble-t-il, plus modérée : comment ton modèle s’adapte-t-il à cette apparente contradiction ?
Thierry Maillet : Ta troisième question est aussi difficile.
Je ne suis pas spécialiste et des auteurs évoquent qui la Chine, (D. Elisseeff), qui l'Inde (MJ Zins) qui la Russie (P Chinsky).
Toutefois je me permets une avancée : le luxe reste une industrie et entre la Chine et l'Inde notamment, le peu que je connais est que les difficultés d'ouverture de points de vente est plus grande en Inde et pourrait aussi expliquer des différences d'analyse.
Sans parler que Dubaï constitue depuis longtemps le porte-avion du luxe pour tout le sous-continent indien.
22:35 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
02/10/2011
A nouveaux consommateurs, nouveau marketing, entretien avec Stéphane Truphème
Récemment, j’annonçais ici la sortie prochaine de : A nouveaux consommateurs, nouveau marketing, ouvrage que j’avais eu le plaisir de coordonner avec Philippe Jourdan et Jean-Claude Pacitto – et co-rédiger avec une dizaine de copains ; Stéphane Truphème a eu, un peu en avance, mon chapitre : « De l’empowered consumer au Conso’battant ».
S’en sont suivis quelques échanges et un sympathique interview sur le blog de Kinoa, que je reproduis ici – mais que cela ne vous empêche pas de visiter très régulièrement son blog !
Stéphane Truphème : Avec la notion de consommateur, le consommateur est passé au statut d’acteur, conscient que ses choix de consommation pouvaient influencer plus ou moins le monde dans lequel il vit. Avec celui de « Conso’battant », vous le faites passer au statut de combattant, n’y a t-il pas là un peu de surenchère ?
François Laurent : Après avoir été le reflet d’un certain militantisme, le consommateur s’est mué en un simple gadget publicitaire où l’on voulait faire croire à des clients un peu trop crédules qu’ils allaient redevenir maître de leur consommation simplement en pouvant choisir la couleur de la carrosserie de leur voiture, et éventuellement celle de la sellerie intérieure !
C’est pourquoi, quand Internet a permis aux consommateurs de récupérer une partie de leur pouvoir perdu et de dialoguer d’égal à égal avec les marques et les distributeurs, j’ai forgé l’expression d’Empowered Consumer.
Aujourd’hui, la crise est passée par là … ou plutôt elle atteint des niveaux de violence inégalés, parce que cela fait plus d’un ¼ de siècle qu’elle dure, cette crise ! Dès lors, l’Empowered Consumer lui aussi a radicalisé son comportement : c’est un peu une question de survie ; il est devenu Conso’battant.
Comparer le consommateur d’hier au Conso’battant d’aujourd’hui, c’est un peu comparer les Bisounours et les grèves de 1936 : on passe de l’image d’Epinal à un quotidien un peu plus rude, et ce ne sont pas les mots-valises des publicitaires qui résoudront la crise sociétale que nous traversons.
Avec Internet, le consommateur peut facilement comparer les prix et obtenir l’avis d’autres consommateurs. Cela l’aide à s’organiser dans ses choix. Mais au bout du compte, nous continuons tous à consommer des téléviseurs, des bagnoles et des fringues… Votre vision d’un nouveau consommateur intelligent n’est-elle pas un peu idyllique ?
Oui … et non ! Une société comme la nôtre ne change pas en quelques mois, d’autant que la mondialisation fige bien des réalités : beaucoup de prix sont faussés parce que n’intégrant pas le réel coût des transports (avec les catastrophes écologiques à la clef) ; les états ne peuvent lutter contre la spéculation parce que les véritables pouvoirs sont « ailleurs » – mais difficile de dire où.
Pourtant, quand certains citoyens commencent à renoncer à posséder une voiture pour libérer du pouvoir d’achat discrétionnaire (= échapper à de ruineuses dépenses contraintes), c’est toute l’industrie de l’automobile qui doit repenser son modèle.
Sans tomber dans la géopolitique sauvage, remarquons que le Conso’battant naît en même temps que le mouvement des « Indignés » : il n’est qu’une des multiples stratégies d’adaptation de consommateurs qui souffrent et se débattent.
Stéphane Truphème : « A nouveau consommateur, nouveau marketing », cela signifie t-il que nous devons uniquement changer de marketing mais que finalement les produits et services restent les mêmes ?
François Laurent : Si l’on considère que le marketing, c’est ce qui donne du sens aux produits et services, on ne peut changer de marketing sans changer ipso facto les produits et services.
So what ? Peut-être des produits dont l’obsolescence n’est plus programmée à leur conception, des produits évolutifs, ou adaptés à une économie circulaire. Bien sûr, une machine à laver restera une machine à laver … mais ce n’est pas la même chose, une machine à laver dans sa salle de bain, et une machine à laver dans la buanderie collective d’un immeuble intelligent.
Quel mal ya-t-il à souhaiter disposer d’un téléviseur à la maison ? Mais on peut imaginer autre chose qu’un appareil devenu obsolète au bout de deux ans parce que l’on est passé de la TH HD à la TV 3D : ou peut imaginer des systèmes de mise à jour.
Stéphane Truphème : La grande distribution a-t-elle un avenir ?
François Laurent : Dans son concept gigantisme + parking, son avenir risque de se réduire comme peau de chagrin, il suffit de voir la percée des hard discounters : mais Lidl, Franprix, ce n’est pas de la grande distribution, organisée autrement ?
Ce qui est clair, c’est que de plus en plus de gens se détournent des hypermarchés simplement « parce qu’il y a trop de choses, on est trop tenté » : contrairement au proverbe, abondance de biens peut fortement nuire ! Cela veut dire quoi ? Que la distribution des produits est à réinventer, avec une part grandissante du commerce en ligne … mais aussi la fin de la possession de certains produits : la musique aujourd’hui s’écoute en streaming, elle ne s’achète plus à la Fnac ou chez Carrefour.
Stéphane Truphème : La crise actuelle ne va pas forcément contribuer à la réconciliation « marques – conso’battant », comment les marques doivent-elles agir ?
François Laurent : En arrêtant de prendre les consommateurs comme des portefeuilles un peu attardés ! Quand je vois des marques payer – cher – pour ajouter sur leurs publicités « élu produit de l’année », ça me fait rire : tout le monde sait que ce genre de gadget ne rime plus à rien. Bien sûr, ça peut dynamiser les ventes à court terme … mais on construit plus une marque là-dessus. Il faut que les marques s’engagent dans un dialogue durable et responsable avec leurs clients. A la limite, la période actuelles est on ne peut plus favorable pour les marques qui sauront s’adresser au Conso’battant : elles pourront prendre une sacrée avance sur leurs compétiteurs !
Stéphane Truphème : Encore trois mots pour nous donner aux Conso’battants l’envie irrésistible d’acheter votre ouvrage ?
François Laurent : Ce n’est vraiment pas le moment de rater la révolution qui avance !
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