03/06/2006
Comment ReunionDeConso.com bidonne ses recrutements
Ceux qui suivent fidèlement l’actualité de ce blog savent* que je me suis inscrit sur le site : ReunionDeConso.com par vile curiosité. Question : une société qui écrit en gras et en rouge sur un site accessible à tous : « Participez à des tables rondes pour gagner de l'argent et des cadeaux », peut-elle procéder à des recrutements d’aussi grande qualité que l’a clamé son fondateur lors de l’émission Nous ne sommes pas des anges du 28 Mars, sur Canal Plus** ?
Mardi 30 Mai, fin de matinée, appel de Jean-Christophe Martine en personne sur mon portable : il cherche en urgence des consommateurs pour participer à des entretiens individuels. Bingo : je colle à tous les critères… sauf que j’ai fréquenté un certain club de vacances il y a une bonne vingtaine d’années, avant d’y retourner pour un stage de golf il y cinq ans.
« Ecoutez, nos quotas sont compliqués : vous direz que n’y êtes pas retournés depuis dix ans » : bravo, Monsieur Martine, vous demandez de mentir au premier consommateur venu. Faut dire que la carotte est attirante : 100 € pour une heure et demie !
Rendez-vous est donc pris pour vendredi midi. 5 minutes plus tard, je reçois un mail me demandant de confirmer… le mensonge : comme ça, en cas de problème, le recruteur exhibera la preuve de ma fourberie. Méfiance donc !
Vendredi matin, je rappelle Jean-Christophe Martine : « Je suis désolé, je ne me souviens plus très bien de ce que je dois dire : je n’ai pas fréquenté le club depuis 10 ans, ou l’inverse ».
Aussitôt : « Dites bien que vous n’y êtes pas retourné depuis 10 ans » !
Mais le fringant président de ReunionDeConso.com va rapidement déchanter : il est sur haut parleur… et même enregistré. Pire : les membres de le commission études de l’UDA qui se réunissaient justement ce matin-là (pure coïncidence, les réunions sont planifiées sur l’année) l’entendent en direct me demander de truquer un recrutement… alors que depuis des mois nous nous battons tous contre ce genre de pratiques scandaleuses.
Autant de témoins scandalisés. Mon voisin, Stéphane Serrer, responsable des études au sein d’un groupe de produits de grande consommation, lui rappelle alors qu’ayant tenté la même expérience que moi, il lui a été demandé de dire qu’il souhaitait bientôt acheter un véhicule neuf alors qu’il n’en avait aucunement l’intention, venant d’en acheter un précédemment : mon cas n’est pas vraiment isolé.
L’UDA, le Syntec, ainsi que plusieurs recruteurs indépendants, travaillent aujourd’hui à l’élaboration d’une charte de qualité pour couper court à ce genre de pratiques. Le métier des études de marché est un métier sérieux, et il est toujours dommage que quelques praticiens peu scrupuleux déshonorent la profession. Le cas de ReunionDeConso.com n’est certainement pas unique, mais au moins ici, nous savons tous désormais à quoi nous en tenir.
A éviter. Absolument !
*Note du 10 Avril 2006
**Note du 29 Mars 2006
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30/05/2006
L’âge subjectif
Lorsque l’on discrimine une population selon son âge, on utilise systématiquement la seule variable objective en sa disposition : la date de naissance. Toutefois l’âge chronologique d’un individu renvoie à une réalité extérieure à lui, et non à une vérité en concordance avec l’image qu’il se fait de lui-même. Ce qui explique, parmi toutes les imperfections liées à l’utilisation des critères sociodémographiques pour segmenter une population, la part importante de celles liées à l’âge, comme le soulignent d’ailleurs les études socioculturelles, sans toutefois y apporter de réelle solution.
Si l’on compare âge objectif – tel qu’inscrit sur nos cartes d’identité – et âge subjectif – l’âge lié à l’image que tout individu se fait de lui-même –, on constate toujours un phénomène de rajeunissement, du moins à partir d’une vingtaine d’année, les adolescents cherchant au contraire à se vieillir. Pourquoi ne pas alors considérer comme plus jeune que la moyenne tout individu dont l’âge subjectif serait inférieur à son âge objectif – un individu qui se vit plus jeune que ses contemporains, qui s’est créé une image de soi, une représentation mentale plus jeune que celle inscrite à l’état civil.
Nous le pourrions si tout le monde ne présentait pas la même tendance à tricher sur son âge – tendance très fortement majoritaire, même si certains cherchent au contraire marginalement à se vieillir. En moyenne, les Français se rajeunissent de neuf années, le phénomène s’amplifiant au fil des ans : les retraités se vivent 20 ans de moins* que ne le prétend leur extrait de naissance. Par contre tous ne se rajeunissent pas pareillement : ainsi, alors que les 35 à 49 ans soustraient généralement 8 ans à leur age, un quart d’entre eux – dénommés toniques par Bruno Schmutz et Denis Guiot dans leur étude – en retirent 17 : à 42 ans, ils considèrent donc n’en avoir que 25 !
Les différentes études consacrées à cette notion soulignent les fortes proximités attitudinales et comportementales entre individus de même âge subjectif : ainsi les toniques de l’exemple précédent (42 ans en âge chronologique, mais seulement 25 en âge subjectif) pensent, agissent, consomment comme des individus normaux de 26 ans (26 ans en âge chronologique, 25 en âge subjectif) : ils sortent nettement plus que leurs conscrits, voyagent beaucoup, s’intéressent à la mode, aiment tester les produits innovants.
« L’influence de l’âge subjectif sur la consommation a peu fait l’objet de recherches. Seuls des liens ont été mis à jour avec : la possession de véhicule 4X4 et d’ordinateurs individuels, l’utilisation de nombreuses cartes et de services bancaires, la pratique de sports en gymnase-club » reconnaissent les auteurs.** Peut-être est-ce dû à ce que les principaux chercheurs à se saisir du sujet en termes de marketing ne s’intéressaient qu’à une frange assez faible de la population, bien qu’en pleine ascension, et riche, ce qui ne dénote évidemment pas : les seniors. Une population assez mal connue, souvent méprisée, en faveur de laquelle médias et agences de communication déploient de vastes efforts pour convaincre les annonceurs.
Par contre, aucun réel travail approfondi sur les autres tranches d’âge : le besoin n’apparaissait pas si criant, aucun support, aucun publicitaire n’ayant besoin d’un bâton de pèlerin pour persuader ses clients de s’adresser aux moins de 50 ans, bien au contraire. Les jeunes sont choyés parce que dynamiques, porteurs d’avenir, leurs aînés le sont parce que disposant de meilleurs revenus ; alors que les retraités sont l’objet de nombreux préjugés, comme si toute sortie de la vie professionnelle correspondait en fait à une sortie de la vie tout court.
Pourtant que d’enseignements pourrait nous apporter l’observation de ces gens dont l’âge subjectif se situe entre 25 et 35 ans, mais qui disposent déjà de revenus conséquents. Des individus qui ont passé la barrière fatidique de la trentaine – âge chronologique, s’entend, celui auquel les couples ont leur premier enfant et deviennent plus casaniers par la force des choses. Des parents qui vont s’équiper de téléviseurs grands formats et d’amplificateurs Home Cinéma dernier cri pour les longues soirées passées à la maison, mais également de baladeurs numériques parce qu’ils bougent beaucoup, et de systèmes de navigation GPS dans leur voiture.
* Bruno Schmutz et Denis Guiot, L’âge subjectif, Séminaire IREP, 12 et 13 décembre 2001.
** Denis Guiot, Âge subjectif et segmentation des seniors, Décisions Marketing, Septembre-Décembre 1999.
23:00 Publié dans Etudes Marketing | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
29/05/2006
Clapton éternel
L’actualité aujourd’hui, c’est le concert d’Eric Clapton à Bercy.
Inoubliable ! Le genre de concert où l’on reste scotché sur son siège, la tête grouillant d’images, d’idées, de projets. Des instants où l’on se sent vivre à une vitesse folle – presque aussi vite que ses doigts sur les cordes de sa Fender.
Avec en rappel, une superbe reprise de Crossroad, déjà enregistré sur l’album des Cream : Wheels of Fire de… 1968.
Une petite réflexion sur le temps, en aparté. Les ados ne sont pas amateurs de musique : ils la vivent au sens le plus fort, elle leur est aussi nécessaire que l’air ou la lumière.
Nous nous nourrissons de la musique de notre jeunesse, puis nous vieillissons avec : ma génération éprouve toujours la même nostalgie à écouter les Beatles, les Stones… ou Clapton. D’où le nom d’une station de radio musicale qui exploite à merveille le filon.
Pierre Bellanger, président de Skyrock, explique que le jour où il a compris que le rock n’était plus rebelle – il était même devenu la musique des Bobos –, il a décidé de changer sa station de format et de passer au rap.
Je ne suis pas sûr que le rock se soit si embourgeoisé : il suffit d’écouter les White Stripes ou les Strokes pour s’en persuader assez rapidement. Mais quoi qu’il en soit, à n’écouter que le rock des Stones, on vieillit inexorablement : rester jeune, cela ne signifier pas abandonner le Clapton des Cream, ou les Rolling Stones – même si Keith Richards présente une fâcheuse tendance à tomber de son cocotier. Mais ne pas se limiter à eux, écouter Franz Ferdinand, les Arctic Monkeys ou RATM.
Ce qui ne signifie pas nécessairement tout aimer ce qu’aiment les ados d’aujourd’hui : j’adore Franz Ferdinand, surtout le premier album, pas vraiment les Arctic Monkeys ! Mais grâce à Internet, on peut se faire une bonne idée de la production actuelle en surfant le blog en blog, sans nécessairement lire les critiques officielles, qui trop souvent, recopient les communiqués de presse des maisons de disque.
PS : pour ceux qui aimerait en savoir un peu plus sur l’âge subjectif – l’âge que l’on se vit, pas celui que l’on a –, je renvoie à un papier à venir dans une prochaine rubrique sur les études marketing. Patience !
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