Une société adolescente
05/10/2012
Récemment, ouvrant le colloque L'assurance en 2025, Hugues Cazenave déclarait que notre société présentait « tous les syndromes de l’adolescence ».
Et moi qui la croyait vieillissante : je lui ai donc demandé de préciser sa pensée pour les lecteurs de MarketingIsDead.
Hugues Cazenave : « Je dirais que notre société est vieillissante d’un point de vue démographique (tout comme notre économie française et européenne est vieillissante), mais que cette société est adolescente si l’on considère son état d’esprit, ses représentations et ses valeurs.
En effet, toutes les caractéristiques de l’adolescence sont manifestes si l’on se penche sur les grands courants et les signaux forts ou faibles qui traversent notre société. Les citoyens expriment, tout particulièrement en France, une grande peur de l’avenir. Les niveaux de pessimisme économique, autant micro (sur le niveau de vie, le pouvoir d’achat du foyer) que macro (sur l’économie française ou mondiale) par exemple, n’ont jamais été si élevés.
Ils manquent de repères et sont à la recherche de sens, dans toutes les sphères de leur vie personnelle et professionnelle . Ils remettent en question, parfois avec virulence, les institutions, quelles qu’elles soient, politiques, entreprises, administratives, sociales (syndicats) et même marques.
Ces citoyens cherchent à recomposer leurs liens sociaux, avec parfois beaucoup de rapidité et d’infidélité. Leurs désirs et leurs pulsions s’exacerbent. Leurs tentations et tentatives de transgression, idéologique, culturelle ou même politique, sont fréquentes.
Au final, leur besoin de réalisation et d’épanouissement n’a jamais été aussi profond, aussi intense. Tout comme les adolescents que nous côtoyons dans nos familles ou nos entourages ».
1 commentaire
Bonjour à tous. Quelques remarques suite à cet article.
En fait, Hugues évoque l'idée du passage, entre un avant que l'on connaît (l'enfance chez les ados, et un après, inconnu pour eux. Cet après, le monde actuel des adultes, est en effet anxiogène pour certains, et il y a de quoi. On peut en effet faire un parallèle avec la société qui fait le passage entre un monde qui était gouverné par la force (et la confiance en) des institutions crédibles, et la défection des liens entre l'individu et le collectif… dont les entreprises font partie.
Mais les ados cherchent à construire une forme de socialisation (leurs pairs, les groupes, les modes, les langages) et à savoir qui ils sont, dans un corps et un psychisme en métamorphose. De fait ils ont besoin d'être bien entourés et cadrés, ce qu'ils trouvent (parfois) auprès de parents qui font bien leur "métier de parents" (cf. M. Fize). Mais leurs attitudes sont plus souvent réactionnelles (anti modèles adultes).
Nos sociétés actuelles (pas toutes !) ont des peurs de l'avenir parce qu'on les a induit à devoir développer, pour chacun, un individualisme forcené auquel il ne trouve plus de sens, (voir "la fatigue d'être soi", d'Alain Ehrenberg). Je trouve que les années 80 sont à l'image de cet "adolescence". Mais aujourd'hui, c'est autre chose, plus complexe, une juxtaposition de fatalisme, de peurs, mais aussi de désir de construire en inventant, en risquant, parce qu'il n'y a pas de modèle dans nos mutations actuelles. Mais peut-on le faire sans un minimum de sécurité ? Et pas seulement via des discours et des promesses non crédibles…
Je dis souvent que les seniors sont comme des ados, vu qu'ils n'ont pas non plus de modèle d'un vieillissement "positif" pour les 20 ou 30 années qui suivront leur retraite. Ils devront l'inventer.
Les ados doivent "sauter" dans un monde adultes relativement balisé (travailler, faire des enfants etc.) , notre société "saute" dans un inconnu à inventer au jour le jour… en tendant de trouver des liens, des lieux, de confiance, ne serait-ce que sporadiques… Et d'éviter de trouver ce sens dans le seul épanouissement d'eux-mêmes !
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