CRM et citoyens rebelles
04/02/2007
Le CRM – la gestion de la relation clients en bon anglais – s’engage dans une course endiablée au gigantisme, alliant bases de données de plus en plus sophistiquées et traitement automatique des informations… et de la communication. Résultat : nous voici bombardé de centaines de mails indigestes que nous jetons immédiatement à la corbeille aussi rapidement que les spams pour le Viagra !
Pourtant la gestion de la relation clients ne saurait se réduire à une simple intégration de hardware et de software – aussi ingénieux soient-ils –, à du profiling de data et à l’envoi systématisée de mails pour les entreprises les plus branchées – celles qui s’adressent essentiellement aux individus les plis branchés, évidemment : les internautes.
Car si les spécialistes de l’e-commerce bénéficient de l’incontestable avantage d’une chaîne de vente totalement intégrée et automatisée - présentation des produits, prise de commande, facturation, ordre d’expédition et basculement vers la supply chain –, elles s’adressent également à la cible la plus mouvante et la plus infidèle qui soit : celle des internautes les plus débrouillards.
Les consommateurs les plus à même de zapper de site en site, toujours à l’affut d’une belle affaire – le produit déstocké sur E.bay – et bien sûr les mieux informés – sautant de chats en forums – et les plus exigeants. Les plus avares aussi, traquant le moindre euro d’économie.
Ça, c’était au bon vieux d’Internet : souvenez-vous, fin du millénaire précédent, quand on parlait de Nouvelle Economie ! Vous leur proposiez gentiment le câble USB que le fabricant n’avait pas jugé bon d’inclure dans la boîte de l’imprimante photo… et il allait le dénicher en promotion sur le site de votre concurrent, l’ingrat !
Mais aujourd’hui, avec Web 2.0, les blogs et autres sites citoyens, cela se complique un peu.
Pourquoi ? Après tout, que l’on dise du bien ou du mal de votre marque ou de votre société sur un blog ou au détour d’un forum, cela ne change pas vraiment grand-chose ? Si, si…
Réagir sur un forum constitue un acte contraignant, en raison de sa faible interactivité : on rédige quelques lignes et il faut ensuite revenir le lendemain pour recueillir les réactions ; à moins d’un problème impliquant – je n’arrive pas à installer un driver – ou d’une passion particulière – le cœur des fidèles du forum –, personne ne s’y connecte quotidiennement.
Et puis, il y a forums et forums : sur le forum officiel de Microsoft, nul ne s’attend à une réelle objectivité – le webmaster aura fait la police !
Réagir sur son blog, c’est un peu réagir chez soi : je ne suis pas satisfait d’un produit, je l’écris tout simplement, point barre, et me lira qui voudra. Et me répondra qui voudra : il suffit de cliquer sur : poster un commentaire ; et ça, c’est la magie de l’asynchrone.
L’asynchrone casse l’interactivité : chacun écrit et répond à son rythme ; dès lors, les contraintes liées à la faible interactivité des forums s’efface. Aujourd’hui, nous disposons tous d’un outil d’expression d’une extrême aisance à mettre en œuvre : je trouve navrant le dernier livre de Gilles Lipovetsky ? Je publie une note* sur ce blog… et attends vos réactions.
Evidemment, comment s’y retrouver parmi les potentiels 50 millions de blogs de français de plus de 15 ans – et encore, les jeunes bloggeurs de Skyblog ne les ont pas tous atteints ?
Certains blogs sont plus visités que d’autres : certains bloggeurs bénéficient d’une plus forte autorité. Il se forme au sein de la blogosphère des espèces de nœuds d’autorité : là se concentre l’information, se crée du sens.
Et si là, par malheur, un internaute n’est pas trop content de vos produits, de votre marque, vous pénétrez dans une zone de turbulence : Kryptonite en a fait l’amère expérience, en septembre 2004.
Ce jour-là, Phillip Torrone publie sur Engadget** une note intitulée : Kryptonite Evolution 2000 U- Lock hacked by a Bic pen où il explique comment il est aisé de forcer cet antivol à 50$ avec un simple stylo bille, vidéo à l’appui ! D’autres internautes apportent semblables témoignages et une semaine – et près de 250 000 téléchargements – plus tard, Kryptonite se voit dans l’obligation de proposer l’échange de tous les produits défectueux.
Avec Web 2.0, l’analyse de la satisfaction consommateurs, la gestion de la relation clients nécessitent leur révolution Copernicienne : peu d’entreprises apparaissent à même aujourd’hui de s’adapter à de tels flux d’information inverses. A une communication désormais maîtrisée par le consommateur – et hors de tout contrôle !
* Note du 28 Août 2006.
1 commentaire
Je viens de découvrir avec plaisir votre blog et je compte bien y revenir (par gourmandise).
A la lecture de ce billet sur le CRM, je pense que vous allez adorer, si ce n'est déjà fait, le VRM la version 2.0 du CRM.
Pour aller plus loin mais en douceur : http://pierre-philippe.blogspot.com/2007/01/vrm-crm-20.html
PPC
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