Marketing is dead… Synopsis – 1ère partie
29/01/2007
La polémique qui a vu le jour fin 2006 – et qui n’est certainement pas prête de s’éteindre – sur l’éphémérité, pour ne pas dire l’effet de mode, de Web 2.0 dévoile en réalité deux visions radicalement opposée, non pas de ce que devrait être, mais de ce que va être notre société.
L’emploi du futur – en lieu et place du conditionnel – n’est pas innocent : ce ne sont donc pas deux visions politiques ou militantes qui s’opposent – socialiste versus libérale, solidaire versus individualiste, etc. – mais deux assomptions sur l’évolution probable de notre civilisation.
La question n’est pas : Comment agir sur le monde ? mais : Comment adapter son action d’aujourd’hui selon ce que sera le monde de demain ? Et dans le cas présent, déterminer si l’on s’inscrit dans logique de progrès ou de rupture…
1. 1 Une logique de progrès versus une logique de rupture
La logique de progrès pourrait s’écrire Web 1.0, Web 2.0, Web 3.0, and so on. Dans une telle logique technologique, le Web collaboratif succède légitimement au Web initial parce qu’intégrant des technologies nouvelles : Ajax, CSS 2.0, syndication Atom ou RSS, etc. Quand le Web descendra dans nos téléphones mobiles débutera l’ère de Web 3.0…
Web 1.0 a vu naître le marketing interactif – avec le click through comme leitmotiv ; Web 2.0, le buzz marketing ; avec Web 3.0, se développeront d’autres formes de ciblage dynamique : marketing et communication tireront toujours le meilleur profit des évolutions technologiques.
La logique de rupture s’intitulerait alors Web 2.0 for ever ! Dans une logique sociétale, le Web collaboratif marque la fin d’une époque, celle du one to many et de la domination le l’émetteur – organe de presse, marque, etc. Peu importe les technologies – reléguées ici au second plan – seule compte la capacité des citoyens à s’exprimer dans un modèle de type many to many.
Dans une telle dynamique, marketing et communication ne sortiront certainement pas indemnes : non seulement n’importe quel commentaire posté par un consommateur au détour d’un forum ou d’un blog pèse plus que la meilleure campagne de publicité, mais les marques convaincues de « tricherie » – faux blogs, pseudo experts, etc. – sont immédiatement soumises à la vindicte publique.
Logique de progrès et logique de rupture s’inscrivent tout aussi légitimement l’une que l’autre dans le cadre de l’article fondateur de Tim O'Reilly : What Is Web 2.0.[1] En fait, le fondateur de O'Reilly Media se contente d’opposer ce qui selon lui relève de Web 1.0 – Britannica Online, les sites personnels, etc. – de ce qui préfigure Web 2.0 : Wikipedia, le blogging, etc. Ce qui laisse la porte ouverte à toutes les exégètes !
Seconde remarque, l’opposition logique de progrès versus logique de rupture transcende totalement la simple problématique actuelle du Web 2.0 : car ce que remet en cause la seconde analyse, c’est la vision d’une civilisation en perpétuel progrès – ou plutôt d’un perpétuel progrès comme fondement de notre civilisation. Et en ce sens, elle rejoint – sans les recouvrir, il est vrai – les théories récentes sur une nécessaire décroissance.
2. 2 Logique de progrès
La logique de progrès enfonce ses racines au seuil de l’ère industrielle – car le progrès qui nous concerne ici est bien le progrès technologique. Si la naissance de l’imprimerie a favorisé le développement d’une communication one to many, c’est au dix-neuvième siècle qu’est née une réelle communication de masse avec Émile de Girardin et le développement de la presse populaire.
La logique de progrès, c’est la naissance de la société de consommation – avec ses deux faces : côté sociétal d’une part, avec des citoyens qui accèdent de plus en plus nombreux à une qualité de vie qui leur était totalement étrangère auparavant ; côté commercial de l’autre, avec le développement du marketing et de la communication publicitaire.
Progrès social quand automobile et téléphone abolissent les distances ; quand le lave-linge remplace la lessiveuse, et le réfrigérateur les garde-manger. Un progrès qui ne s’est jamais ralenti, bien au contraire, avec l’arrivée de l’ordinateur et de la téléphonie mobile : jamais produit n’aura pénétré si rapidement son marché.
Et jamais produit n’aura connu pareilles évolutions : un téléphone mobile, c’est tout à la fois, un baladeur mp3, un appareil photo, et avec l’arrivée des nouveaux smart phones, un véritable ordinateur de poche.
« Ensemble des techniques et études d'applications qui ont pour but de prévoir, constater, susciter, renouveler ou stimuler les besoins des consommateurs et adapter de manière continue l'appareil productif et commercial aux besoins ainsi déterminés » selon Kotler, le marketing accompagne étroitement le développement de la société de consommation.
Inscrit au cœur de cette logique de progrès, le marketing saura nécessairement – et doublement – s’adapter aux évolutions technologiques : pour assurer le développement et la promotion des nouveaux produits high tech ; mais également pour utiliser efficacement la complète palette des nouveaux outils communicants à sa disposition.
Bientôt, votre téléphone vous bipera pour vous annoncer la sortie d’un nouveau yaourt au chocolat, voire vous offrir une réduction, quand vous passerez devant le rayon frais de votre hypermarché… et pas celui de votre voisin qui n’achète jamais de desserts lactés de cette marque-là !
Dans cette logique, les petites alertes de ces dernières années – mouvements anti-pub, alterconsommation, échec du Wap, etc. – ne sont que secousses sans lendemain : le consommateur s’appropriant logiquement les outils communicants à sa disposition, devient plus avertis… d’où l’échec de produits et services mal marquetés comme le Wap, d’ailleurs.
Le marketing devra s’adapter à une société en mouvements… comme il a toujours su le faire par le passé. Récemment, Le journal du net dévoilait ses : Cinq clés pour réussir sa campagne de marketing mobile… D’autres, comme Gilbert Reveillon rajoutent une « nouvelle couche de complexité » en militant activement pour un Nano Marketing – un marketing tellement ciblé que presque individualisé.
3. 3 Logique de rupture
Dans une logique de rupture, les petites alertes précédentes ne sont que les signaux précurseurs de lames de fond beaucoup plus graves et violentes.
En fait, gavés de produits souvent totalement dépourvus de sens, les citoyens freinent des deux pieds et ne se laissent plus séduire par les sirènes du progrès technologique ; ils ne se ruent plus sur les dernières innovations high tech, mais attendent patiemment quelques premiers bugs soient corrigés et les prix aient chutés, souvent drastiquement.
En ce sens, l’échec du Wap se relira comme le refus de consommateurs qui, à peine équipés de téléphones mobiles GSM, refusent de s’embarquer dans d’hypothétiques aventures sous prétexte que quelques mois plus tard doit arriver la 3G : pas un service mal marqueté donc – simplement un service de trop. Même remarque concernant le magnétoscope Digital VHS qui n’a tenu que quelques mois en rayons.
Les consommateurs peuvent se contenter de surfer astucieusement, mais passivement, sur une offre pléthorique qui les dépasse : j’achète un téléphone appareil photos baladeur mp3 simplement… parce que, subventionné par les opérateurs, il ne me revient pas plus cher qu’un basique, mais je me garde bien d’envoyer quelque MMS que ce soit !
Plus actifs, ils peuvent avant tout achat se documenter extrêmement précisément sur Internet – en termes de choix, caractéristiques et bien sûr de prix – avant de rendre visite à leur magasin préféré ; et là, obtenir le produit de leur choix au prix de leur choix, face à un vendeur qui ne peut mais ! Aujourd’hui, il n’est plus un distributeur qui ne s’aligne…
Et c’est là que Web 2.0 va tout précipiter. Avant, les consommateurs pouvaient dialoguer entre eux sur des forums soumis au bon vouloir des marques ; maintenant, ils peuvent dialoguer entre eux chez eux. Sur leur blogs, par exemple : Kryptonite, le fabricant d’antivols américain en a fait l’amer expérience le jour où un internaute a mis en ligne une vidéo expliquant comment forcer son produit phare… avec un capuchon de stylo.
Le marketing – le marketing qui s’enseigne en business schools et se dévore dans ces bibles qui s’appellent Kotler ou Mercator – a bien des soucis à se faire : non seulement les consommateurs disposent des mêmes connaissances que les marketers, mais ils disposent d’outils performants et inédits leur permettant de reprendre la main.
Et là, les marketers perdent soudain pied : Vichy lance Le journal de ma peau, le blog d’une jeune fille qui aime peu trop les produits de la marque... et doit le fermer précipitamment, avec des excuses. Plus récemment, aux Etats Unis, c’est Sony et Wal-Mart qui viennent de se faire prendre la main dans le sac de la tromperie grossière.
Dans tous les cas, la supercherie fait long feu : les marketers – le marketing – n’est pas adapté à une société où ce sont les consommateurs qui donnent le la. Qui prennent l’initiative, fixent les règles : un nouveau marketing à inventer ? Mais pourra-t-on encore parler de marketing ?
D’ailleurs il suffit de taper « Marketing is dead » sur Google pour prendre conscience du malaise qui frappe la profession : des dizaines et des dizaines de papiers, certains misant sur l’effet provocateur du propos, d’autres plus pessimistes ; ainsi un dénommé Dale Wolf titre-t-il sur son blog : « Mass marketing is dead but no one seems to have noticed », évoquant un autre expert américain, Melinda Nykamp, qui écrivait dès 2001 :
« Mass advertising does not continue to survive due to its consumer appeal and relevance ; it survives because it is difficult to measure on a return-on-investment basis. It is this very lack of measurement that enables mass advertising to continue – often unchallenged – as a viable communications approach ».
Bref le marketing ne survit que parce que… nul ne sait en mesurer les réels effets !
1 commentaire
Merci François de faire référence au NNM car ma petite expérience (au demeurant bien lucrative) du Web 1.0 m'a fait comprendre que c'est une erreur de penser qu'il peut y avoir une substitution pure et parfaite d'un modèle sur l'autre, et que le prolongement du marketing de masse que nous avons connu avec le début de l'ère de l'industrialisation correspond à un besoin qui perdure à notre époque du web 2.0... il nous faut standardiser des process pour mettre sur le marché des produits qui vont dégager de la marge etc...
A l'issue du "1 to the Masse" est apparue l'ère de la segmentation avec l'apogée du "1 to 1" avec le CRM largement inspiré des nouvelles applications d'éditeurs venant à nouveau standardiser des process métiers indispensables aux bons marketeurs que nous sommes tous... j'ai même eu le plaisir d'être un des premiers en France à implémenter avec succès BroadVision avec tout le registre du marketing de la règle appliqué sur des Clusters de plusieurs millions de clients dans la finance... le tout online et real time ! Les Italiens ont appelé cette étape de micro-marketing... c'est dans tous les ouvrages CRM de la Boconi ou encore de l'université de Parma... j'y étais, j'ai vu c'était excellent mais comme toutes les théories de management que l'on connait tous (Shannon, Porter, Kotler etc...) cela ne suffit plus pour bien appréhender la réalité que nous vivons avec le Consumer Generated Content etc... du marketing 2.0 au travers de l'architecture voire de l'urbanisation virtuelle du web 2.0 !
Maintenant apparaissent les communautés d'intérêts et de pratiques toutes les deux virtuelles et clairement identiées avec le cas de HSBC... C'est certaiement le cas par excellence illustrant que l'on ne s'adresse plus à un individu d'un seul bloc...
C'est bien empirique mais cf la merveilleuse illustration lors de la réunion de lancement avec l'avatar sur Second Life de Laurent Flores... comme lui nous avons " n " caractéristiques qui peuvent être digergeantes (un homme dans la vraie vie et une femme sur SL)...
Toujours est-il que l'entreprise se trouve confrontée à un nouveau paradigme dans la gestion de la relation avec ses clients... Ce sont des indices beaucoup trop faibles tant pour le CRM que le Mass marketing et pourtant tellement simple à identifier sur Technorati ou sur la blogosphère via des Tags, Blog Pulse, Wikio etc...
D'où le principe du " 1 to 1/ n " pour illustrer mathématiquement que l'entreprise doit faire cet effort de mise à disposition de " n " flux RSS en fonction des centres d'intérêts ou de communautés de pratiques de son audience internet; ou encore " n " caractéristiques de variables discriminantes pourtant divergeantes qui s'expriment sur de nombreux supports... Ici, ce à quoi on assiste c'est à l'émergence d'outils de standardisation (et oui on le retrouve le vieux réflexe du taylorisme) du Consumer Generated Content... c'est tout simplement un tag, cette fameuse folksonomie mais qui n'émane pas en mode PUSH de l'entreprise... mais en mode PULL ... l'internaute s'inscrit, il adhère pour exprimer sa satisfaction ou son agacement etc...
Et pour ce qui concerne la mort du wap, n'hésite pas à faire un tour sur http://www.moblr.com/web.html c'est du myspace ou du facebook sur téléphone portable... et de très nombreuses études relèvent la montée en puissance de ce type de "réseau communautaire via mobile"... YouTube est l'une des url les plus consultées sur portable aux USA... et comme on l'évoquait tous les deux, il est possible de "nano-publier" sur ses blogs via un simple Moblog ou carrément un black berry...
La nano-publication n'est-ce pas aujourd'hui l'illustration d'une certaine émancipation d'une génération qui rejette le contrôle et l'hégémonie qu'ont excercé pendant des siècles les média institutionnels depuis la création de l'imprimerie de Gutemberg, puis de la radio, de la télé etc... parfois des censures voire des biais avec lesquels il faut bien composer pour tirer sa part de vérité... jusqu'à l'ère de l'édition en ligne en temps réel via des outils de notre quotidien: l'ordinateur, le téléphone portable mis en résonnance avec le www.
Pour finir une étude de Forrester vient d'être publiée sur le ROI qu'apporte les blogs dans l'entreprise cf l'article dans lequel j'ai mis mon grain de sel...
http://nano-marketing.viabloga.com/news/forrester-sees-roi-in-the-blog-adventure
(sorry it's in english)
Cheers,
Gilbert
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