Le marketing des startups
24/03/2015
Reconnaissons-le, le marketing ne constitue guère le point fort des startups : l’offre prime la demande, la vision technologique l’emporte de loin sur l’analyse des attentes des consommateurs.
A leur décharge, le « mauvais exemple » de celles qui ont réussi : combien de fois j’ai entendu ce discours : « On essayé un truc, ça n’a pas marché, on a tenté autre-chose, et là, bingo ! ». Google à ses débuts ne s’est guère soucié des attentes des internautes, ils sont créé un moteur efficace … « et là, bingo ! ».
Et c’est vrai, sans idée géniale, pas de succès : pas de Google, pas de Facebook … et pas d’iPod ou d’iPhone non plus : l’idée géniale, la « killing idea » n’est pas le propre des startups ! Tout comme les échecs retentissants, d’ailleurs : on pensera à Kodak et son Advanced Photo System.
Non seulement il faut dénicher des idées géniales, mais en plus faire très vite : car si les technologies se développent à une vitesse infernale, les compétiteurs se multiplient sur le même rythme ; alors, pas vraiment de temps à consacrer à autre-chose qu’aux problèmes techniques (il fait que ça marche) et … financiers (il faut trouver des sous).
Moyennant quoi, il impossible vraiment de savoir ce qui progresse le plus : le nombre de startups qui naissent … ou celui de celles qui disparaissent ?
En ce mois de Mars, se tient à Austin le SXSW Interactive – South by Southwest, rassemblant tout le gratin des startups du monde entier. Et tous les exégètes de s’emballer pour Meerkat, une application permettant de diffuser des vidéos à ses abonnés Twitter ; l’an passé, tous s’étaient enthousiasmé pour Whisper … dont plus personne ne parle aujourd’hui.
Bien sûr, sans idée géniale, pas de succès éclatant ; mais parfois, en se tenant un peu plus à l’écoute des consommateurs, on éviterait des échecs cuisants. Souvenez-vous de Nabaztag, le petit lapin soupçonné par tous les geeks de la planète de préfigurer le terminal multimédia du futur – ou quelque-chose d’approchant : bref, des fans de techno parlant à des fans de techno, ça ne fera jamais un produit qui marche – et surtout qui se vend !
Encore une fois, ce peu d’intérêt pour les consommateurs – les clients, en fait – n’est en rien exclusif des startups : presque toutes les entreprises du High Tech le partage. Résultat, le français Archos, qui possédait au départ du mp3, une bonne longueur d’avance sur Apple, n’a jamais réussi à proposer des produits réellement ergonomiques et n’a jamais connu de réels succès, malgré ses prouesses technologiques.
Dans les grandes entreprises, il est possible d’implémenter des process permettant de resituer la connaissance du client au cœur des problématiques ; j’en ai développé certaines dans mon livre La grande mutation des marques High Tech, synthèse de mon expérience chez Thomson, une société où le marketing avait bien du mal à trouver sa place entre ingénieurs et financiers.
Les startups n’ont ni le temps, ni les moyens à consacrer au marketing, même si parfois, quelques réflexes de bon sens permettraient à leurs fondateurs de corriger bien des erreurs de trajectoire : par exemple, arrêter de parler de ses projets aux seuls geeks de son entourage pour les sonder quelques citoyens lambdas ; vous savez, ceux qui sont censés un jour utiliser leurs applications, acheter leurs produits, bref, ceux qui vont les faire vivre.
Mais surtout, les business angels et autres financiers qui les soutiennent, les incubateurs, les pépinières devraient également leur proposer des solutions adaptées à leur taille, à leurs besoins : pas seulement des sous, des locaux, des moyens techniques …
Car les startups n’intéressent guère des conseils … qu’elles n’ont pas vraiment les moyens de se payer ! Et pourtant, s’il y a bien un moment dans la vie d’une entreprise qu’il convient de s’interroger sur la pertinence de ses insights produits ou services, de vérifier l’existence de tendances sociétales porteuses, de …, c’est bien quand on porte son projet sur les fonts baptismaux : si on n’a pas fait les bons choix, après il sera bien souvent trop tard pour corriger le tir.
Cette problématique rejoint une de mes autres réflexions sur un mal bien français : l’incapacité de nos entreprises à assurer le passage des connaissances entre générations.
Les grandes entreprises se débarrassent quasi systématiquement de leurs collaborateurs seniors, souvent pour embaucher des juniors … nettement moins payés. Et ces derniers vont pouvoir réinventer la roue, au lieu de profiter des avis éclairés des anciens ; au mieux, ils vont appliquer les méthodes devenues obsolètes de leurs manuels universitaires, parce que le monde évolue plus vite que leurs professeurs ne peuvent/savent souvent l’enseigner.
Que d’expertise perdue !
N’y aurait-il pas un système collaboratif à mettre en place, ou des seniors (jeunes retraités) pourraient consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à épauler des startups prometteuses ? Rétribués en fonction des capacités des startups à les payer, ils n’entreraient certainement pas en concurrence avec les conseils « classiques », trop chers pour les moyens limités de jeunes pousses.
Bref, il y a un modèle à inventer …
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