La petite musique des hommes politiques
02/07/2012
Je ne présente plus mon ami Olivier Covo, déjà invité ici ou là.
MarketingIsDead : Olivier, tu es président de Sound Value, une nouvelle société d’études qui s’intéresse à la musique publicitaire et à ses effets sur la marque : en deux mots, peux-tu préciser à quoi correspond le phénomène de saturation en matière de musique … et en quoi cette saturation peut nuire à l’image des marques ?
Olivier Covo : Je tiens tout d'abord à préciser que Sound Value s'intéresse à l'impact du son et de la musique sur les individus ainsi qu'à la musique de marque. Dans ce contexte, nous avons lancé un baromètre Marque/musique qui analyse l'impact de la musique de marque sur les consommateurs. Nous évaluons la reconnaissance, l'agrément, la saturation, la cohérence et l'intensité du message. Nous avons défini un critère de l'efficacité, le R.O.S.I (Return On Sound Investment) qui met en perspective ces 5 indices.
Ce baromètre est trimestriel et nous permet de tirer de nombreux enseignements de la façon dont les marques peuvent développer de l'efficacité avec le son et la musique. Le phénomène de saturation correspond à un transfert d'affect négatif de la musique vers la marque. Une musique que l'on a trop entendue et que l'on ne supporte plus. Cela est le plus souvent liée à un phénomène de répétition. Nos études montrent qu'il y a un lien de cause à effet entre la saturation et la répétion. Mais aussi un renforcement de cette saturation lorsque le message transporté par le son où la musique semble incohérent. La cohérence nuit à l'agrément.
La musique / le son permettent de créer des associations à la marque pour construire son image. C'est tout l'objet d'un travail que nous avons développé avec Alice Zoghaib qui est le sujet de son doctorat. Si ces associations ne sont pas cohérentes, il en résulte un déficit d'adhésion. On peut donc dire que, dans certains cas, la saturation peut nuire à l'agrément envers une marque ou un produit.
MarketingIsDead : Avant d’aller plus loin, pourquoi j’ai l’impression que je ne serai jamais saturé par A day in the life des Beatles ou Sunshine of your love des Cream ?
Olivier Covo : Le son comme la musique sont des marqueurs de l'époque mais aussi de l'expérience vécue. Un courant musical est l'oreille attentive d'un fait de société.
Par exemple, le jazz et la ségrégation raciale. Il en est de même pour les expériences que nous vivons ou des périodes de notre vie et dont la musique est un marqueur. Par exemple, une période de sa vie, un moment passé entre amis ou tout simplement une belle rencontre. Ces deux musiques doivent certainement te toucher d'une façon particulière.
C'est pour cela, d'ailleurs, que dans certains cas certaines musiques sont extrêmement signifiantes en positif comme en négatif. Il y a une étude qui montre que beaucoup de nos goûts musicaux se forment à l'adolescence. C'est aussi le moment où nous vivons nos expériences en groupe.
MarketingIsDead : Tu as appliqué ta méthode aux hommes politiques : ça marche aussi avec eux, comment se passe la saturation … sachant que l’on a globalement été gavé de discours politique pendant des mois ?
Olivier Covo : Oui, les hommes politiques comme les marques cherchent à créer de la préférence. Ils disposent d'un capital sonore. Celui-ci est traduit, entre autre, par leur voix. Celle-ci traduit une image sonore qu'il est intéressant d'opposer à leur image politico-médiatique. La corde vocale transmet des émotions et comme en musique elle est un instrument de la nudité. Une corde vocale ne trompe pas si on sait la décrypter…
Les candidats aux élections présidentielles n’échappent pas à l'effet de saturation. D'abord parce qu'effectivement, il y a une forte répétition.
On remarque que le niveau de celle-ci se développait plus pour Nicolas Sarkozy que pour François Hollande. Pourquoi ? Parce qu’au delà de la surexposition médiatique, il y a cet élément fondateur dans l’adhésion qui est la cohérence du message. Les gens adhèrent plus facilement à un message qui est cohérent.
La voix de Nicolas Sarkozy était perçue comme la plus claire, parmi les plus dynamiques. Une voix maîtrisée qui module à l'envie, suivant le contexte, entre bienveillance, empathie et autorité. Le bilan perçu de Nicolas Sarkozy en regard de la maîtrise de son image sonore avait pour conséquence un déficit d’adhésion. Si la maîtrise de l’image pouvait signifier « Maîtrise de la fonction », il y a cinq ans, cela devenait moins vrai au regard du bilan tel qu’il était perçu par certains. D’où un déficit de l’agrément (l’adhésion) et un développement de la saturation.
Lorsque la voix de François Hollande était perçue par le panel comme « robuste » - une association fonctionnelle en contrepoint de son image de Flanby cela pouvait marcher. Mais celle-ci se grippant au fil des meeting, on pouvait se poser la question de l’endurance. La cohérence est un pondérateur de la saturation.
MarketingIsDead : Un homme politique peut-il revenir en arrière, c’est-à-dire redevenir audible (=acceptable) après une élection ?
Olivier Covo : A mon sens, oui. Les élections sont un moment où l'on fait plein de promesses. On est dans le déclaratif. On dit ce que l'on va faire. On vote pour ce qui est dit et on attend que ce qui est dit soit fait. Il y un effet de levier, encore une fois, de la cohérence. Pour les autres, le silence est d'or… Il permet de cristalliser l'attention lors d'une prochaine prise de parole. Mais encore faut-il avoir quelque chose à dire…
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