Autiste un jour ...
17/10/2010
« Les marchés sont des conversations ».
Il n'est plus un marketer sérieux pour douter du bien fondé de la première des 95 thèses des rédacteurs du Cluetrain manifesto ; peu ont lu les 94 suivantes, mais nombreux sont ceux qui les appliquent désormais de manière intuitive, et aujourd'hui des sociétés hier encore aussi fières et fermées que Coca Cola ou Procter & Gamble ont ainsi compris qu'elles « doivent descendre de leur Tour d'Ivoire et parler avec les personnes avec lesquelles elles espèrent instaurer une relation ».
Bien sûr, certaines demeurent encore arrogantes ... quitte à se prendre de magistrales claques comme Nestlé - voir ses récents déboires sur Facebook suite à son bras de fer avec Greenpeace.
D'autres ont bien compris l'importance de la parole de leurs clients et « amis », comme Gap qui a su renoncer à modifier son logo face à la contestation des internautes : et pourtant, les enjeux paraîtront très limités à de nombreux observateurs.
Il est assez universellement admis - dans le petit monde du marketing - que l'on peut légitimement ne pas tenir totalement compte des résultats d'une étude : certains en abusent, et se plantent magistralement (je pense encore à Thierry Breton et au lancement de la télévision interactive Tak, bel exemple d'obstination et d'incompétence pour un président qui se voulait visionnaire) ; les autres admettent simplement que les études présentent des limites, notamment en cas d'innovations de rupture.
L'interrogation directe des consommateurs n'étant pas toujours pertinente - inutile d'attendre des réponses exploitables quand le questionnement reste inapproprié -, tout marketer a le droit de passer outre ; par contre, ne pas écouter l'expression spontanée des consommateurs constitue une hérésie : là, il n'y a pas l'excuse de la non pertinence du questionnement puisqu'il n'y a plus de question, juste une expression libre.
Et encore une fois, Gap l'a bien compris et bravo pour leur courage en la matière.
Tout cela pour dire qu'il existe une communication horizontale nouvelle, en totale opposition à la communication verticale à laquelle étaient habituées les entreprises via les médias classiques, et notamment la télévision.
D'où les préceptes 38 et 40 du Cluetrain manifesto :
« Les communautés humaines sont fondées sur le dialogue - sur des dialogues humains à propos de préoccupations humaines ».
« Les entreprises qui n'appartiennent pas à une communauté du dialogue sont condamnées ».
En fait la communication horizontale n'est pas nouvelle : elle est même plus ancienne que la verticale, c'est celle des foires, des cafés, des réunions diverses ; les médias ne sont arrivés qu'ensuite, quand la taille des groupes sociaux ne permettait plus le dialogue direct : on n'imagine pas des dizaines de milliers de Français discutant ensemble ... où ça, d'ailleurs ?
Facebook permet aujourd'hui à des milliers de gens de s'exprimer presque en même temps, voire de dialoguer sur un sujet qui leur tient à cœur : les réseaux sociaux sont de gigantesques places publiques.
Les rédacteurs du Cluetrain manifesto parlent de « marchés » - comprenons « consommateurs » ; mais les termes de « gens », voire de « citoyens » auraient tout aussi bien été adaptés, car le Web social transcende la simple consommation - et dépasse bien évidemment le marketing !
Le champ politique est même celui où les gens peuvent encore investir physiquement et virtuellement les places publiques.
Virtuellement, sur Facebook par exemple, où 7000 internautes déclarent « aimer » l'article du Nouvel Obs expliquant que « le frère du président vise le pactole du marché de la retraite complémentaire privée. Et prépare pour cela une alliance avec des acteurs semi-publics ».
Contre à peine plus de 1000 « aimant » la page officielle du gouvernement : Retraites 2010.
J'ai soudain une angoisse : et si le gouvernement pensait que le véritable lieu d'expression des citoyens, c'était sur sa page officielle ... là où il n'y a guère que des militants UMP ? Après tout, après le ridicule raté du site France.fr - J'en ai parlé ici -, on peut s'attendre à tout en matière de communication Internet !
Mais il n'y a pas que les places publiques virtuelles en politique : il y a la place publique tout court - la rue ! En d'autres terme, il y a les manifestations.
En parodiant le Cluetrain manifesto, on pourrait écrire : « Les gouvernements qui n'appartiennent pas à une communauté du dialogue sont condamnés ».
En attendant, ils peuvent faire du mal ! Accumuler les erreurs !
Bien beau de repousser l'âge de la retraire de deux ans : encore faudrait-il prévoir quelque-chose pour les plus de 50 ans au chômage ; car les entreprises n'aiment pas trop les quinquagénaires : ils coûtent trop cher ! Les DRH leur préfèrent de loin des jeunes inexpérimentés ... mais pas cher. L'idée de permettre aux plus âgés de lever doucement le pied en transmettant leur savoir aux plus jeunes ne les effleure pas vraiment : un stagiaire, ça c'est l'avenir, ça coûte pas cher, ça se jette ... ça a même trop peur pour se plaindre.
Aujourd'hui se pose le problème des chômeurs de plus de 50 ans en fin de droit - voir ici et là : « Un million de demandeurs d'emplois vont perdre leurs droits à l'assurance-chômage en 2010 », selon Pôle Emploi !
Parmi eux, les plus de 50 ans qui rament depuis 3 ans à ne pas trouver de job, ne vont pas en trouver un par un coup de baguette magique : ils vont juste galérer 2 ans de plus ...
Bref, l'an prochain, le gouvernement va devoir s'attaquer à la réforme de l'assurance chômage ...
Parce qu'il ne faut espérer que les DRH vont se mettre à embaucher des quinquagénaires et des sexagénaires, juste parce que le gouvernement e évité de ponctionner les entreprises pour sauver les retraites : on a vu le succès de la baisse de la TVA en termes d'embauche !
Pour revenir à la communication, et aux relations sociales, le gouvernement continue « business as usual », c'est-à-dire communication verticale, et c'est là que ça coince le plus : on nous rabâche à longueur de journées que la France n'a plus un sou, et zou : il dépense 5 millions dans une campagne télévisuelle pour vanter une politique qui passe vraiment mal !
J'appelle ça de la communication one to many, ou verticale ... bref, quelque-chose de dépassé !
Les internautes appellent ça ... de la propagande, comme en témoignent ces commentaires sur Le Post : « Je suis d'accord avec tous ceux qui parlent de propagande: c'est exactement ça! Je trouve ce genre de pratique choquante ».
Au-delà de la simple réforme des retraites, on découvre un gouvernement complètement déphasé par rapport à ses concitoyens : les marketers, les community managers autistes commencent à plier bagage ...
Et les politiques ?
4 commentaires
Je trouve déplorable l'utilisation du terme "autiste" à toutes les sauces pour décrire une situation où les gens refusent de discuter. Je peux vous certifier que l'autisme n'est pas un mot fourre-tout, ma fille souffrant de ce syndrome grave et affligeant.
Utiliseriez-vous le mot "Trisomie 21", "sclérose en plaques" ou "Parkinson" pour décrire une situation hors de l'ordinaire. Non. Alors, s.v.p. cessez d'utiliser le mot "autiste". Il existe sans doute beaucoup d'autres mots dans cette belle langue française pour illustrer vos figures de style, que d'utiliser le nom d'une maladie qui handicape des milliers d'enfants et leurs familles.
Merci
Benoit Laporte
@Benoit : il me semble que c'est une expression devenue courante. Je ne trouve pas ça choquant.
@François : Très bon article. Vive le many to many !
excellent article vraiment merci et comme dit julien vive le many to many
article très pertinent et intéressant, je suis surpris de certaines situations
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