Que restera-t-il du luxe après la crise actuelle ? #3
31/05/2009
Suite de l'article du 24 Mai.
Pour solde de tout compte
Le luxe - des marques de luxe - ne correspond donc pas aux attentes de la grande majorité des Français ... qui ne sont pas leurs clients : est-ce si grave ?
On serait tenté de répondre "non" : peu importe que les Français qui n'ont pas (ou plus) les moyens de se payer des produits de luxe - du fait de la (des) crise(s), notamment - présentent d'autres aspirations en matière de luxe.
Sauf que l'on ne construit pas toute une industrie sur une niche.
L'industrie du luxe n'existe aujourd'hui encore que parce qu'elle a su élargir sa base de clientèle.
Car à l'origine, le luxe constituait plutôt un artisanat - ultra sophistiqué, proposant des produits de bien meilleure qualité que la grande majorité des fabricants œuvrant sur les mêmes créneaux.
Ce qui justifiait naturellement de larges écarts de prix, comme celui d'une malle d'une extrême résistance, d'une montre d'une extrême précision ... jusqu'à l'apparition des mécanismes à quartz !
Jusqu'à ce que les entreprises - tous secteurs, tous niveaux de prix confondus - cessent de vendre des produits pour commercialiser des signes de reconnaissance sociale : c'est le début du post-modernisme, qu'analysera Jean Baudrillard dans La Société de consommation.
La fonction publicitaire glissera alors de la qualification des produits (montres précises, voitures sportives, séjours hôteliers confortables, etc.) à celle de leurs possesseurs : peu importent l'objet ou le service, seul compte celui que les achète.
C'est en ce sens que "si à cinquante ans on n'a pas de Rolex, on a quand même a raté sa vie".
L'ultra sophistication originelle ne disparaîtra pas pour autant pour les Hermès, Vuitton, Rolex ; mais de plus en plus, la distinction conférée par leur possession l'emportera sur l'utilisation - du moins comme motivation d'achat.
Dans ce dernier quart du vingtième siècle qui sera celui du paraître, le luxe trouvera naturellement les ferments de son élargissement : les objets ayant désormais pour fonction d'affirmer qui nous sommes, quoi de plus naturel que de vouloir se procurer ceux qui donneront de nous la meilleure image qui soit.
Et comme ce n'est plus la (seule) qualité qui compte, le marketing du luxe va devenir le modèle marketing par excellence.
C'était au siècle dernier ...
Aujourd'hui, sans doute parce que les Français ont goutté au plaisir d'être à nouveau eux-mêmes, notamment en s'exprimant librement sur la toile ; sans doute également parce leurs poches se révèlent de plus en plus vides ; le grand retour des valeurs liées à l'être sonne le glas du paraître.
Le grand luxe d'un cadre surmené, ce n'est plus d'agiter ostentatoirement une montre "Bling Bling" aux yeux de ses collègues, mais de rêvasser avec sa famille en regardant les étoiles, un soir de printemps.
De prendre un verre à la terrasse d'un café - de ne rien faire.
Le luxe va pouvoir renouer avec ses racines, redevenir un artisanat de la perfection.
L'industrie du luxe est morte : vive le luxe !
Le vrai.
1 commentaire
J'avais déjà approuvé le texte de la précédente édition sur ce même sujet. J'adhère totalement à celui ci et je me réjouis des tendances décrites. Pourvu que ça dure et que l'organisation de nos sociétés après la crise permette de les confirmer.
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