Quel avenir pour le luxe ?
20/01/2009
Le rapport Smartfutur sur les Tendances 2009 de l'univers du luxe est accessible sur le blog de Réné Duringer, initiateur du projet.
Un René qui revient aujourd'hui à la charge : "Si le sujet t'intéresse toujours, je suis preneur d'une contribution".
Quel avenir pour le luxe ?
Vaste question, en une période où l’art de la prévision est devenu sujet à caution – n’oublions pas que la banque disposant des prévisionnistes les plus réputés s’appelait … Lehman Brothers !
Une vision optimiste pour le luxe pourrait être celle d’un avenir radieux, les riches préférant claquer leur argent chez Louis Vuitton ou chez Dolce & Gabbana que d’investir chez Madoff …
Plus sérieusement, pour pouvoir disserter sur l’avenir du luxe, encore fau-drait-il que le luxe … existe !
Certes, il existe une industrie du luxe en France, tout comme il existe une industrie automobile ou une industrie aéronautique et spatiale ; d’ailleurs pour le Comité Colbert – qui regroupe "69 maisons de luxe françaises" –, luxe et aéronautique pèsent du même poids dans notre économie.
Par contre, impossible même pour le dit Comité, de préciser ce qui relève du luxe … ou pas : « Le consommateur, même s'il ne sait pas dire pourquoi avec précision et selon des critères objectifs, SAIT si une marque est de luxe ou pas » !
Ce qui le réduira à définir l'industrie du luxe « comme un ensemble de marques » : l’industrie du luxe apparaît donc comme la seule industrie tautologique de l’histoire … et durera tant que durera cette tautologie !
Toutefois, cette délégation au consommateur – « le consommateur […] SAIT » – n’est pas sans risque :
- D’une part, ce dernier peut aisément et à tout moment exclure de la short list des marques dont l’existence ne tient qu’à ce positionnement ;
- D’autre part, ce n’est pas parce je sais qu’une marque se veut "de luxe" que pour autant je la considère comme telle … ou qu’elle répond à ma propre définition du luxe !
Quand Leclerc clame : « Avec l’augmentation des prix des médicaments, soigner un rhume sera bientôt un luxe », il est légitime de se demander si, au delà de la simple figure de rhétorique, cette publicité ne rencontre pas une certaine réalité sociale.
La véritable question de l’avenir du luxe – et par voie de conséquence de l’industrie du luxe –, est celle de son contenu sémantique :
- Quelle est la signification du concept même de luxe aujourd’hui ?
- La proposition des industriels du luxe se situe-t-elle en adéquation avec cette conception ?
Si pour la majorité d’entre nous, luxe rime avec inaccessible – ou plutôt difficilement accessible –, une telle inaccessibilité n’est pas nécessairement liée à l’argent ; ce que souligne Désire, qui soufre de la maladie de Crohn, dans son blog : « En fait, je constate que le vrai luxe dans une vie, c’est la santé ».
Le "vrai luxe" peut même se révéler totalement gratuit : « Et s'offrir le luxe, le temps que dure un café, de rien faire, de rien décider » ; bien souvent, le "vrai luxe" sera surtout un petit luxe, porteur de petit plaisir : "La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" de Philippe Delerm demeure d’actualité !
Le luxe se caractérise donc par sa rareté, sa presque inaccessibilité : le luxe, tel qu’il se lit au sein de la blogosphère – voir l’étude Le luxe n'est plus ce qu'il était ! publiée sur : Intelligence collective –, apparaît plus comme une expérience unique, extrêmement personnelle … et donc par là-même extrêmement rare et totalement inaccessible aux autres.
Le luxe se caractérise donc par sa rareté, sa presque inaccessibilité … et surtout pas par son prix : en ce sens, le marketing – et toute l’industrie du luxe – ont totalement dévoyé le luxe en le coupant définitivement de ses origines étymologiques.
Car dans "luxe", il y a bien "lux", lumière, brillant, gloire, ornement ; mais également son dérivé en bas latin : "luxus", débauche, excès, faste … Et à considérer les prix pratiqués dans les boutiques de luxe, force est de reconnaître que l’excès prime sur la lumière ou la gloire !
Un dévoiement qui s’explique aisément.
La qualité a toujours été synonyme de prix élevés : une malle Vuitton ne lâchait pas son propriétaire au beau milieu de l’Atlantique ; pas plus qu’une Mercédès ne plantait son conducteur au beau milieu de la campagne – enfin, moins que la moyenne …
Aujourd’hui, une valise Samsonite protège autant, sinon mieux, vos effets, malgré la fougue de certains bagagistes d’aéroports ; quant à la bière grand cru millésimée de Carlsberg à 270 € la bouteille, procure-t-elle une sensation de fraîcheur réellement supérieure ?
L’équation "qualité élevée = prix élevé" ne présente plus la même pertinence en une époque où la qualité globale de la production industrielle s’est considérablement améliorée : la qualité n’est plus réservée à une élite.
Les prix élevés, si !
Acquérir un objet que la majorité des Français ne pourra jamais se payer peut constituer une expérience tout aussi unique que personnelle … et donc un réel luxe !
A suivre ... la semaine prochaine.
1 commentaire
Le secteur du luxe va être dûrement touché. Déjà, aux USA, les gens qui ont de l'argent
ne veulent plus montrer leur pouvoir d'achat, donc ne se risquent plus à acheter la même
robe Prada porté par Paris Hilton, ou le sac vuitton porté par une autre star, trop reconnaissable, par contre ce rejet qui va rester temporaire, va aider les+ jeunes créateurs de mode, dont les vêtements et accessoires, moins connôtés, vont attirer cette clientèle,
qui ont gardé le même pouvoir d'achat mais ne veulent pas le montrer.
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