Les majors, fin de partie !
14/10/2007
Quand Manu Chao se classa plus récemment parmi les 10 meilleures ventes sur le site de la Fnac après avoir longtemps offert Rainin' in Paradize, l’une des principales chansons du CD, en téléchargement gratuit sur son site Internet2, dans leur très grande majorité … bis repetita ! « Allez donc, un marginal qui fraye avec les artistes des rues » !
Quand David Bowie déclarait à Libération lors de la sortie de son album Reality en 2003 : « J’imagine que la musique changera pareillement dans son essence et sa fonction. Aussi accessible que l’eau et l’électricité, il ne sera plus indispensable de payer pour l’avoir et elle ne sera plus le bien exclusif de quiconque. Et l’originalité des artistes ne se fondera plus que sur le spectacle », dans leur très grande majorité … bis bis repetita ! « Allez donc, un has been dont plus aucune maison de disque ne veut » !
A la même époque, je notais dans La grande mutation des marques high tech : « Ainsi très certainement un jour les majors s’effondreront-elles : mais à quelle vitesse ? Il suffira que de nouveaux "Beatles" émergent sur la toile, totalement en marge des circuits classiques, et fondent leur succès sur ce modèle alternatif, pour que tout bascule très vite ».3
Et voilà que Radiohead, groupe mythique de la pop anglaise de la trempe des Beatles ou des Pink Floyd, un groupe avec qui toute maison de disque aimerait signer, les majors en tête, Radiohead donc sortait le 10 Octobre dernier un nouveau CD … sans contrat avec aucune maison de disques !
Un simple message posté sur le blog du groupe – Dead Air Space4– annonçait l’événement à la communauté des fans … et le buzz a joué à plein, très, très vite ! D’autant que si l’album n’était pas en téléchargement gratuit, c’est l’internaute qui en fixait le prix lui-même le prix !
Et le tiers qui choisirent de ne rien payer reçurent leur lien de téléchargement, comme les autres.
Le 12 Octobre, le site français radiohead.fr5 annonçait déjà 1,2 millions téléchargements, excusez du peu !
En passant outre maisons de disque et distributeurs – et malgré 30% de téléchargements gratuits – Radiohead gagnera certainement autant qu’avec certains de ses précédents opus : certains internautes ont même choisi de payer nettement plus cher que le prix courant ! Simplement, ils inaugurent une nouvelle ère où les artistes dialoguent directement avec leur public.
Si non seulement les nouveaux entrants, les marginaux, les has been, mais maintenant les stars montrent que les artistes peuvent aisément se passer des majors, le futur de la musique n’aura jamais été si près !
Il est clair que la mission chargée par la Ministère de la Culture de réfléchir sur "La lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales d'oeuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques" – dite Mission Olivennes – devrait se saborder plutôt que de proposer des mesures aussi antédiluviennes telles que la « mise en œuvre d’un système d’avertissement en cas de téléchargement illégal et de sanction proportionnée en cas de récidive ».6
Cela étant, à la décharge de son président, par ailleurs patron de la Fnac, ce dernier n’est peut-être pas totalement au fait de l’actualité musical de la pop anglaise : In Rainbows manque évidemment à l’appel dans ses bacs !
Quand au disque lui-même, après des mois et des mois de silence – plus un album solo de Thom Yorke et une tournée pour renouer le dialogue avec son public – il surprend au premier abord, comme tous les grands albums du groupe.
Bref, un grand cru !
1Voir ma note du 13 Mai 2006.
2Voir ma note du 08 Septembre 2007.
3François Laurent : La grande mutation des marques high tech, Village Mondial, 2005.
4http://www.radiohead.com/deadairspace/
6Libération, 13 et 14 Octobre 2007.
Écrit par marketingisdead dans la catégorie Actualité | Tags : Musique, majors, Radiohead, téléchargement
2 commentaires
Une preuve de plus effectivement que les grands artistes, les groupes de légende, n'ont plus besoin qu'on leur tienne la main. Ils ont tous leur propre studio d'enregistrement, ont les moyens de financer la réalisation de leur album, et n'ont pas besoin d'un centime de publicité pour se faire connaître. Et en plus, y'a même plus besoin de circuit de distribution physique ! Que demande le peuple ? Oui mais voilà, ça marche pour les artistes archi connus, qui ont des centaines de millier, des millions de fans dans le monde. Manu Chao, Radiohead... of course. Mais que devient Mano Solo qui a tenté la même chose l'année dernière ??? Voici son point de vue que vous pourrez retrouver ici : http://www.manosolo.net/public/editos.php
"Et parce que l'artiste (..) à besoin (du disque physique) pour qu'un lien existe entre lui et celui qui a fait l'acte de l'acheter. Et que l'objet lui permet encore une fois de s'exprimer à travers l'image et le texte. Parce que pour l'artiste c'est un manifeste et pas un bout de papier collé sur une gouttière avec des petits bouts à déchirer pour embaucher une femme de ménage. Le disque fait partie de l'identité de l'artiste. Une borne. C'est douze chansons qui forment un ensemble, qui forment un paysage et non pas qu'une fenêtre. C'est quelque chose qu'il peut offrir autour de lui, c'est quelque chose que vous pouvez offrir autour de vous, c'est quelque chose qui se collectionne, c'est souvent un support sentimental. Tout ce que ne remplacera pas le mp3.
Abandonner le disque c'est amputer les artistes, fabriquer des chômeurs, amputer la diversité et s'amputer de bien des plaisirs.
Le public n'est pas conscient de son manque de curiosité. Il n'a pas vraiment conscience que 99% de ce qu'il écoute est produit par les majors. Et que sans une réelle promotion, peu seraient arrivés jusqu'à lui. On assiste dans la musique au même syndrome que partout sur le danger zéro. La sécurité, l'achat sécurisé dans ce qu'on attend de lui. Le public ne paye plus pour voir, il paye pour ce qu'il connaît. Comme il n'est pas curieux, il ne connaît que ce qu'on lui surine. La boucle est bouclée. Sans promo, tu n'existe pas. C'est pareil pour la scène, les petites salles où on débute sont menacées de faillite en permanence du fait d'un abandon total du public.
Jamais la télé n'invite quelqu'un qui n'a pas quelque chose à vendre, si tu ne vends pas tu n'existes pas. Pour le public comme pour les médias.
Tout ce qui se construit sur internet, se construit exactement sur ce même modèle. Ni plus, ni moins.
Quelques réseaux de distribution alternatifs donnent l'impression qu'une nouvelle filière est en train de naître, à travers des sites ouverts au public comme MySpace le visiteur à l'impression qu'il va pénétrer un monde nouveau. Mais on y retrouve le dictât du "le plus vu, remonte en avant" Sachant que l'internaute est pressé il ne va pas aller loin dans sa soif de découverte, au mieux il en fera une par an, il contactera peut-être l'auteur à qui il va acheter un mp3, et ça lui fera une belle jambe."
Voilà, donc la major, le label, la structure qui s'occupe d'un artiste... est nécessaire, à mon avis...
Jerome
Le label peut être utile bien sûr pour structurer mais pas forcément sous la forme d'une major. Un label indé, u collectif peuvent fort bien remplir ce rôle. Major Versus indé : c'est comparer la SA introduite en bourse avec une coopérative. Pas le même esprit, pas les mêmes objectifs et un win-win plus équilibrer.
Curieusement, à Jérôme il manque deux acteurs dans votre propos : le média libre prescripteur et les conso-acteurs. Forums, plateformes, fanzines, critiques participent à la sélection. Le mode viral du hit-parade ou de l'audience pages vues n'implique pas une transformation significative d'achat mais exprime une curiosité voire une écume.
L'effet prescripteur sera la scène et le contact direct avec les fans et ceux susceptibles de le devenir. Après, le chant des sirènes des majors sera parfois entendu, parfois pas.
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