Citizen Insight : une soirée au Gibus
15/04/2007
Aujourd’hui la polémique fait rage entre les opposants et défenseurs d’une musique libre de droits, largement diffusée sur le Net, versus la protection des fichiers musicaux via des systèmes de plus en plus sophistiqués de gestion numérique des droits, ou DRM : Digital Rights Management.
D’un côté les majors de l’édition musicale, et quelques distributeurs, qui vouent aux gémonies les réseaux de P2P et les jeunes qui téléchargent sans vergogne des millions de fichiers mp3, spoliant ainsi de malheureux artistes sans défense : au premier rang, coude à coude…
… Pascal Nègre, président d’Universal Music France : « J’aimerais bien que les pouvoirs publics nous laissent le temps de mettre en place des systèmes de protection […] . Qu’on nous fiche la paix, qu’on nous laisse les installer ».1
… et Steve Jobs, président d'Apple selon un loi favorisant l’interopérabilité des fichiers musicaux ferait « s'effondrer les ventes de musique en ligne juste au moment ou les alternatives légales commençaient à séduire les clients » ; et de parler de « piratage sponsorisé par l'Etat ».2
De l’autre, 8, 10, 15 millions de jeunes – et de moins jeunes – abonnés à eMule, Gnutella et autres KaZaA… sans oublier les petits – mais prometteurs – derniers : BitTorrent et ses cousins ! Sans oublier ceux qui, sans même se connecter au Net, se contentent d’un rapide drag and drop pour récupérer en un instant quelques gigaoctets sur le disque dur de leurs copains.
Au milieu les indépendants qui, sans bien évidemment légitimer le P2P, présentent un discours plus modéré, Patrick Zelnik, président de Naïve, allant jusqu’à prôner la discussion avec ses opérateurs, et soulignant la responsabilité des majors : « Le premier danger pour l'industrie n'est pas la piraterie mais l'uniformité de l'offre ».3
Et d’autres distributeurs, comme la Fnac, qui dénoncent toutes les atteintes à l’interopérabilité – la possibilité donnée à tout un chacun d’écouter la musique qu’il achète sur le lecteur de son choix, et non nécessairement un baladeur spécifique comme dans le système iPod + iTunes :
« Pour une interopérabilité, la Fnac encourage les utilisateurs à graver des CD avec les morceaux téléchargés puis les encoder en mp3 afin que tous les lecteurs numériques puissent les lire. Des affiches dans les Fnac et une page sur le site explique d'ailleurs la procédure, assez étonnant quand on sait que cela fait sauter la protection DRM ».4
Les positions ne sont pas bloquées et les dernières semaines ont connu de redoutables retournements de situation – pour ne pas dire de veste – avec Steve Job acceptant de vendre sans verrou aucun l’intégralité du catalogue de la maison de disque EMI !5
Et les artistes dans tous ça ? Il y a ceux qui sont viscéralement opposés à toute légalisation du P2P, notamment dans le cadre d’une licence globale, de Johnny Hallyday : « Légaliser le téléchargement de la musique presque gratuitement, c'est tuer notre travail », à Maxime Le Forestier : « C'est un recul par rapport à Beaumarchais ».6
Et puis il y a David Bowie qui déclarait lors de la sortie de son album Reality : « J’imagine que la musique changera pareillement dans son essence et sa fonction. Aussi accessible que l’eau et l’électricité, il ne sera plus indispensable de payer pour l’avoir et elle ne sera plus le bien exclusif de quiconque. Et l’originalité des artistes ne se fondera plus que sur le spectacle ».7
Mais le futur de la musique et de l’édition musicale ne saurait se résumer à une bagarre juridique et financière entre opérateurs mondiaux : déjà, il y a eu les précédents des Artic Monkeys ou Clap Your Hands Say Yeah qui se sont hissés au sommet des charts simplement après avoir mis plusieurs de leurs en téléchargement gratuit sur le Net.8
Mais pour réellement appréhender le futur de la musique, il convient avant tout d’appliquer une démarche curieuse… et d’aller là où elle se crée, de regarder autour de soi, écouter. Une démarche de type Citizen Insight –d’immersion totale… sans a priori, sans contraintes. Aller au devant des artistes… pas des Johnny, Maxime et autres David : de ceux qui n’ont pas encore pressé d’album, se débrouillent par eux-mêmes, sans maison de disque.
Il y a des tas d’endroits à Paris où passent de tels artistes : généralement, les marketers découvrent ce qui se passe dans de tels lieux « branchés » en parcourant des rapports de tendance, des études où quelques trends setters dévoilent les lieux étranges d’une vie nocturne nécessairement passionnante mais marginale.
Un conseil : ne vous contentez plus de lire le reporting – certes très riche – des sociétés d’études ! Vivez : pratiquez une démarche de type Citizen Insight et découvrez la « vraie vie »… si, si, elle existe !
Evidemment la vraie vie nécessite parfois de passer le périphérique – et de faire la queue dans un Lidl de Montreuil ; pour la musique, si vous ne vous sentez pas l’âme aventureuse des concerts rap du 93, allez faire un tout par exemple au Gibus, près de la place de la République.9
Régulièrement, Emergenza y organise des concours : des artistes plus ou moins débutants ont 30 minutes pour convaincre… avant le vote à main levée : les vainqueurs se produiront ensuite au New Morning. Le Gibus n’est que la première des 5 étapes d’un long parcours du combattant qui conduira les meilleurs à la grande finale internationale de Rothenburg, un petit village allemand.
« Emergenza est né il y a quinze ans, en Europe, d'un groupe de musiciens passionnés ayant besoin de s'exprimer », nous apprend son site Internet10 : on est loin de la Star Academy ! Pas de paillettes, seulement la fièvre de caves enfiévrées comme le Gibus et la passion des milliers d’artistes !
Jeudi 12 Avril, 8 groupes concouraient pour trois places au New Morning – la seconde étape : voici le site des 3 gagnants :
Licite Fondation : http://perso.numericable.fr/~nathduma/index.htm, avec 96 mains levées !
Oniromancy : www.oniromancy.com, 85 votes.
Naissance 21 : http://www.naissance21.fr.tc/, 76 votes.
Et ces artistes, que pensent-ils de la musique en France, aujourd’hui… et demain ? Enfin de la musique pop, celle que j’aime bien, moi aussi ? A la fin du concert, j’ai été leur demander leur mail… je vous tiendrai au courant.
En attendant, n’hésitez pas à aller les écouter au New Morning – ou ailleurs !
Et notez enfin que le 5 Juin, Marilyn Manson sera à Bercy ; et le 11 Juin, les White Stripes seront au Zénith. Le printemps s’annonce chaud !
1http://bigbrotherawards.eu.org
2http://www.lemondeinformatique.fr
5Voir note du 04.04.2007.
8Voir note du 13.05.2006.
918 rue du Faubourg du Temple
10http://www.emergenza.net/fra/default.asp
Les commentaires sont fermés.