Gilles Babinet
24/04/2014
Gilles Babinet sera un des trois grands témoins invités à la Nuit du Marketing de l’Adetem 3 juillet 2014 ; en avant-première, petit interview avec notre « Digital Champion ».
MarketingIsDead : En 2012, tu es nommé « Digital Champion » par Fleur Pellerin, auprès de Nelly Kroes, la commissaire européenne chargée du Numérique : c’est quoi, le rôle d’un « Digital Champion » ?
Gilles Babinet : Il s’agit d’aider la commission à avoir une meilleure compréhension de ce qui se passe en France, en évitant les canaux “officiels” et en étant en prise directe avec la société civile. Il s’agit également de promouvoir des thèmes qui semblent forts pour la commission comme l’éducation au numérique par exemple. Il peut enfin s’agir d’aider la Commissaire à se faire mieux comprendre dans un pays. Par exemple, je viens de publier une tribune dans le journal du Net, qui reprend un point particulièrement mal interprété en France.
http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/57131/la-com...
MarketingIsDead : En ¼ de siècle, tu a fondé neuf sociétés, dans des domaines d’activité extrêmement variés, dont Captain Dash et Eyeka dans le champ du marketing : qu’est-ce qui te motive ?
Gilles Babinet : J’aime bien une sorte de mélange impliquant innovation, équipe intéressante et volonté de changer le monde. toutes les sociétés que j’ai eue ont eu ces caractéristiques. Et lorsqu’elles n’étaient pas pleinement réunies, ça n’a pas vraiment marché. L’entreprise c’est le contraire de la passivité. c’est l’action supérieure. Bien entendu, il y a des travers : un taux d’échec élevé, une difficulté à croitre ; surtout dans l’environnement économique que nous connaissons. Mais lorsque ça marche (et ça arrive) c’est vraiment une expérience passionnante de parvenir à faire en sorte que les gens donnent le meilleur d’eux même et accroissent leurs compétences au travers de responsabilités étendues.
MarketingIsDead : Les mastodontes d’hier semblent avoir bien du mal à prendre le virage du numérique et ce sont les startups qui façonnent le paysage économique de demain ; dans L’Ère Numérique, un nouvel âge de l'humanité, tu soulignes que l'humanité fait face à un changement de paradigme profond : ceci expliquerait-il cela ?
Gilles Babinet : Oui, et au risque de me répéter, il est très mal compris en France. C’est dramatique de voir que ce pays, qui était le plus innovant au début du XXème siècle est désormais perçu comme un “innovation follower” dans certains barèmes internationaux. Des décisions politiques idiotes et nombreuses, comme l’inscription du principe de précaution dans la Constitution n’y sont pas pour rien, bien au contraire. D’une façon générale, l’ensemble de nos institutions, grands corps et grandes entreprises ont été organisé pendant et pour la 2ème révolution industrielle. Or les caractéristiques de celles-ci sont souvent antagonistes avec celle de la révolution numérique. L’ère industrielle est verticalisée et s’attache à programmer sur le temps long. L’ère numérique est celle de la collaboration transversale, et de l’innovation de rupture. Ces paradigmes sont tellement différents qu’ils semblent presque insaisissables aux corps constitués -institutions et acteurs économiques- qui président aux destinées de notre pays.
MarketingIsDead : AirBnB, BlaBlaCar, KissKissBankBank, etc. : que t’inspire la montée en puissance de la consommation collaborative ?
Gilles Babinet : C’est une part du futur. Je dis souvent que la data et le crowd sont les deux forces qui vont façonner le monde à venir. Ce qui est caractéristique de cette révolution numérique c’est sa capacité à mieux utiliser les ressources. Ce n’est plus “toujours plus vite, toujours plus”, c’est “plus malin, plus utile, plus utilisé”. Nos ressources sont limités, on le voit partout. Or, lorsque l’on sait qu’en Europe, 25 à 40% des camions circulent à vide, et plus encore sont incomplètement chargés, qu’en moyenne on a 1,4 passager par voiture en Allemagne, que 50% de la production alimentaire est perdue, qu’il y a un ratio de 1 à 6 entre la production protéique agricole et les besoins réels de l’humanité, on voit qu’il y a beaucoup à faire.
Bien sûr on peut se réfugier dans nos peurs, dire que la donnée est le vecteur de nouvelles dictatures, que Google est notre pire ennemi, que les américains sont méchants, etc. Et on ne fera là que cultiver ce qui nous enfonce chaque jour. Je ne dis pas qu’il n’y a pas des risques inhérents aux nouvelles technologies, mais c’est à nous, sociétés humaines, de faire le tri et de mettre en place les règles pour bénéficier du meilleur de ces technologies et limiter les excès possibles.
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