Etudes et marketing direct : un mariage déraisonnable
30/10/2012
Deux professions liées au marketing sollicitent régulièrement les consommateurs : les responsables d’études de marché, pour les interroger ; les spécialistes du marketing direct, pour leur vendre produits et services.
Deux démarches totalement différentes, nécessitant chacune des capacités particulières : savoir écouter sans induire pour les uns ; savoir convaincre pour les autres.
Le monde des études ne s’est jamais immiscé dans celui du marketing direct : formé à ne surtout pas modifier l’opinion d’autrui, un bon enquêteur se révélera toujours un piètre vendeur.
Par contre l’inverse est monnaie courante, divers opérateurs du marketing direct effectuant le terrain d’instituts ou d’annonceurs peu scrupuleux … et peu soucieux de qualité !
Peu soucieux de qualité parce que les télévendeurs, incapables d’une patiente écoute, font d’aussi mauvais enquêteurs que ces derniers se montrent de pitoyables vendeurs !
Peu scrupuleux également, parce que les conventions collectives diffèrent fortement d’un métier à l’autre – les instituts se sont souvent plaints de ces pratiques déloyales à leur égard.
Certains pays ont juridiquement marqué la frontière entre les deux professions ; d’autres se contentent de règles éthiques, plus lâches et plus aisées à contourner – ce qui est le cas chez nous.
Avec le développement d’Internet on aurait pu croire le problème derrière, les coûts salariaux disparaissant de l’équation : mais c’était compter sans l’hyper compétition à laquelle se trouvent confrontés les vendeurs en ligne – et les acteurs du marketing direct les premiers.
Dans le monde physique, les magasins décor(ai)ent leurs vitrine pour attirer le chaland, distribu(ai)ent catalogues et prospectus, coll(ai)ent des affiches, expédi(ai)ent des courriers à leurs clients et prospects – une activité souvent très couteuse et parfois peu rentable, en cas de fichiers de moindre qualité.
Dans le monde virtuel, il en va différemment parce que tous luttent pour occuper massivement un écran de 15 à 17 pouces – tout se passe désormais au même endroit : mails, pop up, display, réseaux sociaux, etc.
Il en va aussi différemment parce diffuser des courriels en masse revient beaucoup moins chers que les envois postaux d’hier : et tous de généreusement inonder les boites aux lettres sans d’ailleurs vraiment respecter la législation, notamment l’obligation de l’opt in – bref, on glisse doucement mais sûrement vers le spamming.
Ce qui ne suffit pas pour émerger : déverser des brouettes de gravas sur des montagnes de semblables gravats n’incite pas nécessairement à la lecture ! Alors, il faut trouver des astuces.
Certains acteurs n’hésitent pas à la surenchère sémantique et multiplient prix écrasés et ventes flash en tous genres – je viens de jeter à la corbeille un mail titré : « Attention : CHUTE de prix annoncée ! ».
D’autres se sont aperçus que les internautes aiment bien donner leur avis sur la toile, un peu sur tout : la politique, le temps qu’il fait … et bien sûr, sur les produits et services qu’ils découvrent et achètent.
Alors ils les sollicitent en ce sens : je viens également de mettre à la poubelle un mail de « Enquête rémunérée » me demandant pêle-mêle si je suis intéressé par des « bons plans Shopping », j’ai « un projet de mariage », je souhaite « prochainement changer de mutuelle » … auquel cas, on me proposera d’être mis en contact avec une « complémentaire santé et bénéficier d'un devis gratuit ».
Je ne pense pas avoir jamais accepté d’être sollicité par « Enquête rémunérée » : spamming, vous avez dit spamming ?
Surtout, je croyais répondre à une enquête … et voilà qu’on essaie de me vendre listes de mariage, fournitures scolaires, assurance, etc.
En tant que consommateur, plus jamais je ne répondrai à de telles sollicitations : et tant pis pour les instituts qui font sérieusement leur travail.
En tant que marketer, je ne peux que déplorer une dérive qui nuit à toute la profession !
Aux gens d’études, parce que des vendeurs peu scrupuleux se parent d’un masque à leur effigie pour déballer leurs boniments à des internautes qui demain refuseront de répondre à leurs enquêtes.
A tous les professionnels du marketing (direct, mais pas seulement) parce que de telles pratiques dévalorisent l’image et la crédibilité de tous – juste pour le bénéfice de quelques-uns … et encore, ce n’est même pas sûr.
Il serait temps que TOUS les intervenants concernés (études marketing et marketing direct) se réunissent autour d’une table et évoquent sans langue de bois où de telles pratiques risquent de conduire le marketing en général et édictent un code de bonnes pratiques commun à TOUS.
C’est à la fois une question de salubrité et de survie : ne passons pas à côté.
Tribune également publiée dans Marketing Magazine de Novembre 2012 et e-marketing.fr.
Les commentaires sont fermés.