Skyrock : 1 – Axa : 0
17/04/2011
Il existe plusieurs logiques pour créer de la valeur.
La logique entrepreneuriale qui consiste à créer des produits ou des services utiles pour des consommateurs – peu importe les mécanismes mis en œuvre, que le créateur se fonde sur les travaux des pères fondateurs du marketing pour déterminer une cible, en analyser les motivations, etc. ; ou qu’il se lance, pétri de certitudes, sans ce soucier de la contradiction.
La logique financière qui peut consister à détruire de la valeur pour en créer une – très relative et très éphémère – pour le seul bénéfice d’une population très restreinte.
Un investisseur – mais il y aurait beaucoup à dire sur cette sémantique – prend une participation dans une entreprise saine, débarque la direction pour imposer un management de coupeurs de coûts, et une fois que l’entreprise dégage une très forte rentabilité, se dépêche de la revendre avec un fort bénéfice … et avant que l’EBIT (Résultat d'exploitation avant impôts, mais il n’y a plus que les ringards pour parler ainsi) ne s’effondre ! Nécessairement.
Un entrepreneur bâtit pour le futur : donc investit – là, le terme me semble plus adéquat – en recherche et développement, en marketing, développe des produits et services de qualité, construit une marque forte, bref développe se que l’on nomme couramment des actifs immatériels.
Un financier travaille au présent, à court terme : il faut dégager du résultat. C’est comme ça qu’une société comme Thomson, sous la houlette de Thierry Breton, a abordé la mutation des écrans LCD et plasma en roi … du tube cathodique : normal, on coupait un peu partout pour séduire la bourse, tandis que les Samsung et autres LG, recrutaient des armées d’ingénieurs.
En d’autres termes, plus un investisseur redresse rapidement les comptes d’une entreprises – la rend rentable à court terme –, plus il en hypothèque le futur : malheur à celui qui rachète une société ainsi artificiellement « embellie », il acquiert une peau de chagrin.
Les premiers à quitter le navire sont le plus souvent … les clients : et parfois, cela va très vite.
Parfois, ces derniers se révoltent même, et revendiquent … leur bien. Car une entreprise n’appartient pas seulement à ses fondateurs, et encore moins uniquement à ses actionnaires : elle est également la propriété de ses clients, et c’est ce que sont en train de rappeler quelques millions d’ados à Axa Private Equity !
Avec 70% des actions, Axa Private Equity se croyait propriétaire de la station de radio Skyrock, fondée en 1986 par Pierre Bellanger.
Donc avait le droit de nommer un cost killer réputé, Marc Laufer, au poste de directeur général de la station et – enfin – optimiser l’EBIT.
Et voilà que ses auditeurs ne sont pas d’accord.
Parce qu’ils l’aiment bien, Pierre Bellanger, alors qu’Axa Private Equity, ils n’en n’ont pas grand-chose à faire ; mais surtout, ils n’ont pas envie qu’on en fasse n’importe quoi de leur radio, juste pour la rendre immédiatement plus présentable pour la céder au plus offrant, qui peut-être passera moins de rap parce que les auditeurs rap ne séduisent pas les annonceurs.
Allez savoir !
Skyrock, ce n’est pas seulement une station de radio, c’est un peu un mythe : la station du rock que son fondateur n’a pas hésité à transformé en station du rap quand il s’est aperçu que le rock s’était assagi – que parents et enfants assistaient aux mêmes concert : impensable dans le cas d’un concert de rap !
Skyrock ajoutera au mythe, une claque à des financiers trop présomptueux : c’est pour cela que, même si je n’aime pas le rap (je suis resté rock and roll), j’aime la station de Pierre Bellanger et de ses millions d’ados – sans l’écouter, mais je préfère rester hors de la cible plutôt que de la voir se pervertir pour me séduire.
Ces ses millions d’ados, ce sont eux qui créent la valeur de Skyrock – et son futur : je ne pense pas qu’Axa comprenne la leçon, mais moi, j’aime bien.
1 commentaire
100 % en phase avec ce texte, François.
Je te recommande également la lecture du post de Dominique Delport sur son blog (http://domdelport.posterous.com/) en date du 16 avril.
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