Réputation, dénigrement, diffamation and Co.
03/04/2011
Intéressants échanges vendredi matin avec une assemblée d’avocats, à la Maison du Barreau, lors d’une conférence organisée par la commission Marchés Emergents Droit de l’ Economie et du Numérique de l’Ordre des avocats ; thème de la matinée : La réputation Numérique : Enjeux et défis aux droits.
Gérard Haas, avocat mais aussi blogueur (Jurilexblog.com, il est bien sûr dans ma blogroll) animait les débats, et avait invité deux non juristes à se joindre aux éminents spécialistes du droit – Hervé Kabla et moi.
Car si la réputation constitue bien un capital – immatériel – des entreprises, toute attaque à la dite réputation – et de quelque côté que ce soit : marketing, ressources humaines, finances, etc. – peut découler (peut, mais bien évidemment, pas nécessairement) d’actions délictueuses … d’où un marché prometteur pour les juristes !
Sauf que ce n’est pas si simple : car il y a une sacrée distance du blogueur mécontent d’avoir été mal reçu dans le restaurant du coin (ou qui a vu les boites livrées le matin devenir un délicieux « cassoulet maison » par quelque extraordinaire prodige sur la carte) et le concurrent quoi paie une escouade de stagiaires pour systématiquement dénigrer vos produits.
Il est clair que si les avocats ont bien saisi l’importance des conversations qui traversent la toile – comme d’ailleurs, de plus en plus d’entreprises –, par contre ils ne réalisent certainement pas encore – et en ce sens encore, comme pas mal de patrons d’entreprises –, la réelle étendue des dégâts.
Car s’il est aisé de s’apercevoir que quelques perfides disent du mal de votre marque sur Facebook, et même de découvrir leur réelle identité – d’autant que tout le monde ne maîtrise pas les subtilités des conditions générales du réseau social –, il n’en va pas de même quand quelqu’un distille des rumeurs de blogs en forums, avec quelques détours par Agoravox ou Wikipédia.
Rien de totalement faux – sinon, ça ne tiendrait pas longtemps sur Wikipédia –, ni de vraiment diffamatoire – sinon, ça se retrouverait très rapidement devant un tribunal ; mais juste des bribes de rumeurs qui, mises bout à bout, brossent un tableau peu sympathique d’une entreprise, de ses produits, de ses dirigeants : et là, seuls des experts peuvent démonter la mécanique.
Ensuite, il faut savoir adapter sa réponse : ne pas systématiquement assigner en justice les internautes, même injurieux.
En direct durant la réunion, un tweet arrive sur mon mobile : un voyageur se plaint du retard de son train de banlieue, et de l’accueil à Saint Lazare par une escouade de contrôleurs.
« 1 heure de retard. Pépy, la SNCF en bons kapos envoient 50 % de flics pour le comité d'accueil ».
Mon voisin me demande : « Comment il a écrit kapo ? ». Techniquement, selon lui, la SNCF peut attaquer.
Pourtant, ce ne serait peut-être pas la meilleure idée, de s’en prendre à ce voyageur excédé : d’une part, parce qu’il ne doit pas être seul à être furieux … et que ce n’est pas forcément la meilleure chose que de provoquer quelques centaines de personnes !
Et d’autre part parce que cet internaute, la SNCF a déjà essayé de le censurer … sans y parvenir réellement, puisqu’il est l’initiateur du fameux blog : Le train-train_quotidien ! J’en ai parlé en son temps : voir ici.
En d’autres termes, face à la montée des conversations sur la toile, la stricte application du droit ne semble pas toujours la meilleure solution.
Ce qui ne signifie pas que les entreprises ne doivent pas se défendre d’attaques déloyales, de campagnes d’intoxication, etc.
Mais face à un consommateur qui « pète les plombs », mieux vaut chercher à nouer le dialogue, désamorcer les bombes … que de révéler urbi et orbi que l’on ne délivre pas le service impeccable escompté !
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