L'hypermarché, un modèle en voie de disparition ?
14/06/2010
La grande distribution triomphe : la part de marché des hard discounters en France régresse ... après des années de constante progression.
L'expansion en jubile au point de sous-titrer : "Sa part de marché a reculé de 14,1% en 2009".
Saut que la réalité est plus modeste : "Le hard discount a perdu du terrain en France en 2009, avec une part de marché qui a reculé à 14,1% en valeur contre 14,3% en 2008" ...
Soit donc un recul de 0,2 points : le journaliste doit être fâché avec les statistiques !
Explication : "Le panier moyen a diminué, passant à 22,7 euros contre 23,1 euros en 2008, tandis que la fréquence de visite a plafonné".
Donc, pas de perte de clients, mais des clients qui dépensent un peu moins : voilà les clients les plus pauvres, déjà au taquet, qui doivent rogner un peu plus sur la nourriture.
Il existe une autre explication, un peu sacrilège : comment peut-on être réellement sûr de la parfaite représentativité d'un panel consommateur, surtout sur les populations les plus marginalisées ? Surtout quand on sait que les écarts de revenus se creusent continuellement, que les inégalités progressent ...
Et même, quelle belle victoire, puisque ... les hard discounters ont contraint les hypermarchés à lancer leurs propres lignes de hard discount - avec les marges qui vont avec !
Peut-être ces derniers devraient-ils, avant d'aller se battre sur un terrain qu'ils ne maîtrisent plus vraiment, vérifier qu'ils font correctement leur métier ... et là, il y aurait pas mal à dire : ils démontrent tous les jours, soit leur incompétence, soit leur malhonnêteté.
De plus en plus de clients se plaignent de différences manifestes entre prix affichés et prix scannés aux caisses : je les entends, mais j'avoue ne jamais vérifier ce qui est imprimé sur mon ticket de caisse. Mauvais consommateur, je ne connais pas le prix des produits que j'achète pourtant régulièrement.
Sauf le café Illy en boites de 250 grammes, parce que pour moi, c'est le meilleur ... mais pas le moins cher, peu s'en faut : environs 6€.
Pendant de longues semaines, il a été en rupture de stock chez Carrefour : seule trônait l'étiquette indiquant les 6€ ci-dessus mentionnés à quelques centimes prix.
Alors, j'ai regardé de ci, de là, et un jour je suis tombé sur un magnifique double affichage chez Auchan : 6€ et quelques centimes sur un rayon, 5,21€ sur celui du dessous.
Que fait-on dans ces cas-là ? On vérifie sur un scanners du magasin pour évidemment s'apercevoir que prix bas affiché n'est qu'une illusion.
Que fait-on dans ces cas-là ? On sort son téléphone mobile, on prend une photo, remplit son panier et passe en caisse où l'on montre la photo ... et la caissière, habituée à ces petits tracas effectue la remise qui s'impose.
Sans le moindre étonnement : tout le monde est au courant des ces dysfonctionnement - le client n'est plus le dernier à s'en apercevoir.
Retour chez Carrefour : le rayon est bien plein ... et la boite de 250 grammes est passée à 6,40€ ! Il n'y a pas de petites augmentations.
Récemment, j'ai reçu un livre intitulé : "Carrefour. Un combat pour la liberté".
On s'y congratule, on s'y félicite : mais pas un mot sur les véritables problèmes, la montée du hard discount, la perte de confiance des consommateurs, voire la fin d'un modèle économique.
Il serait temps que les hypermarchés vivent au présent et acceptent de faire face à la société actuelle.
Effectuer ses courses dans un magasin débordant de marchandises a peut-être été une fête dans les années 60/70 ; aujourd'hui, "le fait de devoir choisir, sur un linéaire de supermarché, entre 20 marques de moutarde ou 30 sortes de dentifrices entraîne tension psychique et épuisement des ressources cognitives", dixit le Docteur Christophe André, médecin psychiatre à Saint-Anne et professeur à Paris X, dans le dernier numéro de Cerveau&Psycho, se référant à diverses études cliniques.
Une seconde raison pousse les Français à déserter les hypermarchés : pour mieux résister à la tentation, quand le portefeuille est plat.
4 commentaires
Merci Laurent de me rejoindre dans ce que j'écris depuis 5 ans au moins sans être relayé sauf par "Linéaires".
Il faut être clair : la presse a peur de perdre des abonnés et des annonceurs. Donc ce que tu écris ne peut pas être relayé par les médias payants ...
Le livre "Carrefour Un combat pour la liberté", retrace la vision initiale des fondateurs de l'enseigne Carrefour. Remise en cause de la consommation, analyse particulièrement pointue des courants de consommation.
Le site internet qui présente l'ouvrage, pour sa part, met en perspective les différences stratégiques avec l'actualité de l'enseigne. Sans doute n'est-il pas bon de suivre toujours la même stratégie, toutefois le moins que l'on puisse faire c'est de la connaître et snas doute de s'en inspirer.
http://www.carrefouruncombatpourlaliberte.fr/
Après avoir demandé à l'auteur de ce blog, et très étonné sur l'analyse de sa lecture, j'ai fait suivre cette question :
"Je doute que vous ayez effectivement lu l'ouvrage car vous auriez
découvert que la montée du hard discount est justement organisée en France
par Etienne Thil au sein de Carrefour !"
Sa propre réponse :
"Votre livre est aussi intéressant que les discours d’ancien combattant de
mon grand père sur la guerre de 14 quand j’étais enfant : juste bons à
refaire sans cesse les mêmes erreurs.
N’ayant pas le temps de polémiquer plus parce que le marketing qui se crée
est plus intéressant que vos souvenirs, j’ajoute votre adresse à la liste
des courriers indésirables."
Ma réponse :
"Merci"
François LAURENT
Quand le Docteur Christophe André dit que le nombre de choix qu'on nous impose entraîne "tension psychique et épuisement des ressources cognitives", ça ne m'étonne pas. Et c'est certainement ce qui nous pousse à déserter les hypermarchés...
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