Bouffons et escrocs
31/01/2010
On a toujours tendance à croire que les artistes occupent une place à part dans la société : chaque époque a connu ses classes dirigeantes et celles qui courbaient l'échine - soldats, prêtres et paysans au Moyen Âge ; bourgeois, et prolétaires à la fin du dix-neuvième siècle ; etc.
Mais les artistes ont toujours été placés à part, jadis du côté des fous avec les bouffons ; parfois aux côtés de l'élite, jusqu'au Panthéon ; parfois isolés et incompris ... mais toujours à part.
Aujourd'hui, on étudie la vie et l'œuvre des artistes célèbres, on les met sur un piédestal - enfin, certains ...
Car c'est peut-être un peu trop vite oublier que le statut de l'artiste, c'est celui de tout le monde, avec ses arrivistes, ses arrivés ... et la multitude des laissés pour compte.
Aujourd'hui, il y a les artistes bling bling - représentés jusque sous les ors de la République - et les autres donc, ceux qui gagnent mal leur vie de leur art, voire pas du tout.
Qui parfois, ou plutôt souvent, mènent une double vie : alimentaire d'un côté, passionnée de l'autre.
Ces derniers, ce qui les caractérise le mieux, c'est leur sincérité, l'amour de leur art - sinon, ils arrêteraient.
Bien sûr, la proposition n'est pas réversible : bien des artistes reconnus croient en leur art, très sincèrement ; et certains, très généreusement.
Il y a David Bowie, par exemple, qui déclarait lors de la sortie de son album Reality : "J’imagine que la musique changera pareillement dans son essence et sa fonction. Aussi accessible que l’eau et l’électricité, il ne sera plus indispensable de payer pour l’avoir et elle ne sera plus le bien exclusif de quiconque".
Ou Manu Chao, qui a longtemps offert Rainin' in Paradize, l’une des principales chansons du CD Radiolina, en téléchargement gratuit sur son site, et crie : "Je fulmine quand j’entends dire que les majors paient cher l’évolution du marché, avec la piraterie et tout ça… C’est se foutre du monde. […] Les disques sont trop chers. Les artistes peuvent certes créer leurs labels, mais il n’ont pas accès à la distribution".
Et puis, il y a les autres, ceux qui militent pour préserver mesquinement leur capital, les Johnny Hallyday qui se planque en Suisse pour éviter de payer au fisc français ce que tout bon citoyen doit, et soutient le projet de loi Hadopi avec tant d'autres ... stars, de Daho à Souchon, et de Cabrel à Bruel, en passant par les Goldman, Le Forestier, et autres Arthur H.
Que du gratin : 95% des artistes s'en foutent de la loi Hadopi, quand ils gagnent un peu d'argent, c'est sur scène.
Les mesures - heureusement inapplicables - contre le téléchargement illégal ont au moins un mérite : révéler au grand jour les fourbes ... et à ce jeu, il y en a quelques uns qui pulvérisent les records.
Bono, déjà, le chanteur de U2, jusque-là plutôt connu pour son engagement humanitaire, demandant notamment à corps et à cris l'annulation de la dette des pays du tiers monde : sans bien évidemment mettre la main à la poche, juste du temps passé à rencontrer les grands de ce monde et sourire à la télévision. Finalement, de la bonne promo !
Et voilà que lorsque l'on touche à son portefeuille, le papy Bono voit rouge et souhaite un Hadopi mondial ; et comme on lui fait remarquer que ça ne marche pas comme ça, d'un simple claquement de doigts, il érige ici en modèle la dictature chinoise : "Nous savons de notre côté, que ce soit par les nobles efforts entrepris par les Etats-Unis pour stopper la pédopornographie, sans évoquer l’ignoble pratique de la Chine de supprimer les contenus en ligne des dissidents, qu’il est parfaitement possible de surveiller le contenu" : pas très joli ce qui se passe en Chine, mais au moins, là-bas, ça marche. Alors faisons de même en Europe pour protéger les Bono nécessiteux !
Et puis, il y a les profiteurs, comme Thierry Lhermitte, qui a investi un peu d'argent dans "Trident Media Guard. En fait, l’une des deux sociétés qui ont répondu à l’appel d’offres des ayants droit pour organiser la surveillance des réseaux, étape inévitable pour lancer la riposte graduée", comme le rappelle PC INpact.
Bon, Lhermitte, je l'ai toujours trouvé plutôt nul, comme acteur, comme son copain Clavier - quand on connaît ses fréquentations, à ce dernier ...
Mais Bono, mais U2 ?
C'est vrai, j'ai pas mal de disques des Irlandais à la maison, et je ne vais pas les casser pour autant ; par contre, je trouvais les derniers un peu ramollo ...
Alors, j'écouterai plutôt le dernier CD des Arctic Monkeys - Humbug, gigantesque - ou de Sonic Youth - The Eternal, tout aussi extraordinaire - que celui de U2, un No Line On The Horizon qui ne décolle pas vraiment - jeu de mot facile !
Quant à Sunday Bloody Sunday, il me restera toujours John Lennon !
1 commentaire
L'album des Arctic Monkeys "Humbug" a tourné en boucle chez moi et dans la voiture pendant plusieurs semaines. Une véritable perle musicale.
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