Démission
20/10/2006
Il est frappant de constater l’apathie des journalistes de télévision et de la « fast press », qui me semble n’être que le miroir d’une certaine démission de leurs lecteurs / téléspectateurs.
On entend que le tabagisme passif étant désormais scientifiquement établi comme dangereux, le tabac va être interdit dans les lieux publics. Sauf peut-être dans les discothèques, ou alors ce sera reporté d’un an.
Pas un journaliste pour se demander pourquoi on en veut tant que ça aux jeunes.
On apprend qu’une expérience (nom donné par les pouvoirs publics aux marchés tests, je pense) de vente des préservatifs dans les tabacs est en cours dans deux départements. On réalise que dans les autres départements, ailleurs qu’en pharmacie et en grandes surfaces, ça a toujours été interdit. Décidément, pas de chance, les jeunes.
Encéphalogramme toujours plat du journaliste.
On découvre que les ambulanciers viennent de conquérir de haute lutte le droit de rouler dans les couloirs de bus quand ils ont un malade à l’intérieur.
Après, il reste seulement 47 secondes pour traiter le début de guerre civile en Palestine, ça suffit mais faut pas traîner.
On lit que les effectifs de Bercy sont en sous-effectif à Paris et pléthoriques en province. La raison : de plus en plus de fonctionnaires demandent à être mutés en province.
On s’attend à lire : « Combien ont demandé Tahiti ? ». Mais non, de nos jours, le journaliste est candide, semble-t-il.
C’est la grève à la SNCF. Il n’y aura pas de trains ici, peu là, beaucoup plus dans telle région. Pourquoi ils font la grève ? C’est pas écrit.
Les pêcheurs marseillais bloquent l’entrée du port au bateau de Greenpeace. S’en va ? S’en va pas ? Il y a combien de bateaux de pêche ? Ils sont un peu, beaucoup, pas du tout en colère les pêcheurs ? Ils sont très en colère, et le bateau de Greenpeace finit par partir sans que les pêcheurs aient rien cassé. Formidable. Pourquoi il était là le bateau de Greenpeace ? En cherchant sur Internet, on découvre que c’est parce les thons et les tortues sont une espèce en voie de disparition en Méditerranée.
Si les journalistes faisaient leur travail d’information, leurs lecteurs déserteraient peut-être moins vite leurs médias.
Chaque fois je suis allée sur les sites des chaînes. Jamais personne pour s’étonner que le roi soit nu. Certes, il y une flopée de blogs politiques et leur fréquentation est en hausse. Mais ce sont des débats de politiciens - non professionnels mais experts - qui s’y enchaînent. Y a-t-il quelqu’un d’autre que Jacques Julliard pour parler de vraies choses ?
Dans le même temps, des milliers de consommateurs citoyens (ou de citoyens consommateurs ?) prennent fait et cause, dans des blogs vengeurs, contre l’efficacité anti-rides contestable de tel alpha hydroxy acide, le taux non prouvé de lipo-protéïnes poly-insaturées de telle huile de tournesol, ou pour le roulage silencieux d’une nouvelle poussette pour bébés.
Je lisais avec bonheur un papier d’Eric Fouquier** sur les valeurs post-matérialistes. Et je me prenais à rêver que ce soit vrai, que dans les sociétés hyper développées, les consommateurs se transforment en citoyens du monde, découvrent que curiosité, tolérance et ouverture d’esprit sont bien plus jubilatoires qu’un sac Chanel, un jean Diesel ou un bébé en bas âge (dernier accessoire mode plébiscité par la presse féminine pour la saison Automne / Hiver 2006 / 2007. A porter sur la hanche en toutes circonstances).
Et je reviens sur terre avec Bush aux commandes des Etats Unis.
Et un intérêt pour les marques à ce point grandissant qu’on leur écrit, même qu’on écrit sur elles.
Alors il fait quoi le consommateur ? Il est schizophrène ? Il est amorphe quand on lui parle de faits sociétaux lourds, et devient perspicace, voire inquisitoire, quand il s’agit d’acheter un yaourt ?
Est-ce qu’on peut mettre le réveil, s’il vous plaît ?
* Voir note du 16.07.2006.
** à lire bientôt ici même.
1 commentaire
violaine,
j'aime bien ta dernère question, elle décrit parfaitement les interrogations qu'on se pose parfois quand on croit avoir tout compris de lui et que ce n'est pas vraiment le cas:
alors il fait quoi le consommateur ? Il est schizophrène ? Il est amorphe quand on lui parle de faits sociétaux lourds, et devient perspicace, voire inquisitoire, quand il s’agit d’acheter un yaourt ?
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