Vient de paraître …
22/06/2006
… au Village Mondial : Les études Marketing – Des études de marché au Consumer Insight, par François Laurent.
Encore un ouvrage sur les études marketing ? L’auteur s’en explique dès les premières pages. En espérant que ce court extrait vous donne envie d’en lire plus.
Il existe de nombreux ouvrages consacrés aux études marketing, certains très spécialisés : l’animation des groupes qualitatifs, l’analyse statistique des données ; et d’autres généralistes, parfois de type do it yourself : comment réaliser soi-même ses propres études de marché ? Nombre d’entre eux sont excellents.
Ou plutôt l’étaient, encore très récemment : car aujourd’hui, le marketing en général, et les études marketing en particulier, doivent faire face à une double mutation qui jette à terre bien des présupposés sur lesquels ils se fondent – sans oublier des avancées récentes dans le champ des sciences fondamentales.Une mutation sociétale d’envergure, tout d’abord, qui rend caduque bien des outils existants : comment – et à quoi bon – disséquer les composantes d’une image de marque quand ses clients plébiscitent ses concurrents … sans marques – no names ! Comment argumenter quand ses mêmes clients décodent mieux les axes de communication que sa propre agence de publicité ? Voire se montrent plus férus de technologies que nombre de vendeurs !
Autre défi majeur, les multiples mutations technologiques, qui relèguent au musée les approches traditionnelles, et soulèvent bien des questions scientifiques et méthodologiques : Internet pénètre un foyer européen sur deux, et pourtant il n’existe aucun annuaire d’adresses électroniques. Et tandis que la téléphonie mobile touche à près de 75% de la population, se développe à domicile une téléphonie sur IP, c’est-à-dire utilisant le protocole Internet.
Quand tout ne se mélange pas dans une cacophonie infernale : éduquées par les émissions économiques à la télévision, certaines consommatrices se professionnalisent et hantent les réunions de groupe, multipliant numéros de téléphone et identités, réussissant parfois à participer à plus de 10 groupes par semaine : à 45€ d’indemnités non déclarées, cela fait 1800€ mensuels assez agréablement gagnés. Evidemment, la qualité des résultats s’en ressent !
La majorité des livres consacrés aux études marketing – pour ne pas dire au marketing en général – se révèlent aujourd’hui obsolètes parce qu’ils n’enseignent que des outils – des méthodes, voire des process – sans jamais soulever la question du « pourquoi », se contentant inlassablement du « comment ».
Les études marketing ne limitent pas à une collection de méthodes
Dans bien des entreprises, les responsables d’études marketing bénéficient de l’auréole des spécialistes : ceux qui savent qu’à telle demande il convient de répondre par un trade off quantitatif, et à telle autre par des entretiens individuels. Bien sûr qu’il est important de maîtriser ces outils ; nécessaire, mais totalement insuffisant.
Il convient avant tout de disposer des connaissances en sciences humaines et cognitives pertinentes. Savoir par exemple que le goût dépend tout autant de nos papilles gustatives que de notre mémoire à long terme – et qu’ainsi, une même boisson ne sera pas pareillement perçue selon que le test s’effectue avec ou sans bouteille, avec ou sans marque.
Au fil des ans ces connaissances se sont affinées ; parallèlement, les technologies de recueil et traitement de l’information se sont également développées : du recueil en face à face, où l’enquêteur notait patiemment les réponses des interviewés, on est aujourd’hui arrivé à l’auto-administré par Internet, tandis que des mini caméras bien placées permettent une ethnologie non intrusive.
Les études socioculturelles sont datées tant parce que leur mise en œuvre nécessitait des moyens informatiques indisponibles avant le début des années quatre-vingt ; que parce qu’elles permettaient des segmentations en accord avec l’explosion des imaginaires de marque. Mais aujourd’hui, elles butent sur la complexité croissante des citoyens et aux mêmes questions se substituent désormais des réponses purement qualitatives.
C’est pourquoi les études marketing ne sauraient se réduire une compilation d’outils : elles requièrent de bien plus vastes connaissances que leur champ d’application étroit, le marketing. Elles fondent la connaissance de l’individu – d’où leurs multiples racines en psychologie, sociologie, ethnologie, mais également neurobiologie, sémiologie, etc.
L’université constitue la meilleure formation aux études marketing – parce que s’y enseignent les sciences humaines sur lesquelles elles s’appuient ; mais aussi la curiosité qui fait souvent cruellement défaut dans les écoles de commerce, où l’on privilégie méthodes et process.
Nul ne saurait cependant maîtriser toutes les disciplines sur lesquelles se fondent les études marketing : c’est pourquoi nous essaierons systématiquement d’éclairer nos propos des bases fondamentales nécessaires, non seulement à la compréhension, mais également à la mise en œuvre des méthodologies présentées.
Maîtriser les outils d’aujourd’hui et de demain
Cet ouvrage enseignera comment apporter des réponses méthodologiques à des problématiques marketing – la raison d’être des études marketing – en croisant tant connaissances fondamentales et avancées technologiques que mutations sociétales.
Il se composera de trois parties : la première consacrée aux méthodes les plus couramment utilisées – les fondements des études marketing ; la suivante, à leur mise en œuvre dans un domaine d’investigation majeur – la communication publicitaire ; et la dernière, aux défis auxquels les études doivent faire face aujourd’hui – et devront encore plus demain.
- Les fondements des études marketing
Qualitatif ? Quantitatif ? Pour mieux appréhender les études marketing, il convient de se souvenir que, si dans la pratique courante, le qualitatif précède souvent le quantitatif – bien souvent relégué en une fonction annexe –, il en va inversement d’un point de vue historique – et que la longue histoire des études de marché peut s’appréhender comme celle d’un long combat pour réintroduire du qualitatif dans le quantitatif – voire lui accorder la prédominance !
Dans cette première partie seront abordées les bases techniques des études quantitatives : rédaction et administration des questionnaires, échantillonnage, dépouillement et traitement de l’information ; et qualitatives : l’interrogation directe – individuelle ou en groupe, avec les aléas liés aux différentes forme de mémoires – et ses alternatives.
Mais auparavant, nous verrons comment tout est parti des sondages électoraux américains, puis de l’application de ces premières techniques dans le champ publicitaire – et d’une vision simple et mécaniste du consommateur ; vision que premières études socioculturelles tenteront de dépasser avec l’appui des premiers outils de traitement informatique.
Et qu’aujourd’hui, les praticiens butent sur deux écueils majeurs : de flagrants problèmes de qualité liés, notamment, à la complexité des outils ; de tout aussi évidents problèmes de pertinence face à la complexité des citoyens qu’ils étudient.
- La communication publicitaire
La sémiotique souligne que les messages ne sont pas systématiquement codés et décodés selon l’ancien schéma de Shannon, mais que leur destinataire leur confère un sens à partir d’une multitude d’indices, endogènes ou exogènes aux annonces elles-mêmes. Théorie confirmées par les sciences cognitives qui soulignent les interactions entre nos organes sensoriels, et nos mémoires à court et long terme.
Tout ceci conduira nécessairement à une totale redéfinition des critères pertinents en matière de pré testing publicitaire : alors que le débat s’est longtemps instauré sur la suprématie de l’impact sur la persuasion – ou vice versa –, tant au niveau du choix des concepts, en qualitatif, qu’à celui de la finalisation des matériaux communicants, en quantitatif, nous établirons la – longue – liste des indicateurs à valider.
Pareillement en post testing, nous démythifierons les critères superfétatoires – et pourtant bien souvent les plus usités ! – pour montrer comment toute action peut, et doit, s’évaluer en fonction des moyens publipromotionnels mis en œuvre, et notamment des distributions de fréquence dans les médias.
- Les études face à leurs défis
Le premier défi auquel doivent aujourd’hui faire face les études marketing, ce sont les mutations qui traversent notre société – et leurs conséquences immédiates. Si la Nouvelle Economie a échoué a créer un nouveau modèle sociétal – celui de la Génération Bobos pour schématiser –, les outils high tech sur lesquels elle se fondait, eux, demeurent, et les citoyens s’en sont saisis pour leur plus grand bonheur – parfois en les détournant de leurs usages initiaux.
Les grosses machines socioculturelles des trente dernières années se révèlent soudain totalement incapables d’expliquer les nouveaux comportements des consommateurs, et les marketers se dotent de nouveaux outils pour piloter la stratégie de leurs entreprises, le plus souvent d’essence qualitative, l’intuition remplaçant les certitudes d’hier : certains commencent à se répandre assez largement, comme les études de tendances, et d’autres demeurent à inventer.
Le second défi des études marketing réside dans les multiples bouleversements technologiques qui frappent la profession : une part grandissante des utilisateurs ne jurent plus aujourd’hui que par Internet – plus rapide, plus souple, et surtout moins cher –, sans trop se soucier des conséquences en matière de représentativité, ou de sincérité due à la multiplication des alias, etc. Tandis que les autres fuient l’outil comme un piège diabolique.
Les organismes professionnels édictent des guides de bonnes pratiques, et peu à peu les praticiens apprennent à en optimiser la mise en œuvre, ou plus simplement à en éviter les divers pièges, tandis que se profilent déjà à l’horizon les sondages par téléphonie mobile – pratique fort prometteuse au Japon, où la 3G se répand rapidement.
De la conjonction de ces deux réalités – des nouvelles méthodes d’appréhension du consommateur ; de nouveaux supports technologiques – naissent des pratiques originales, et la profession n’arrête plus d’effectuer des révolutions Coperniciennes : un exemple parmi tant d’autres, celui de la hiérarchie presque centenaire instituée par les Américains, le qualitatif servant à dégager les pistes d’une nécessaire et ultime quantification.
Aujourd’hui, le qualitatif se révèle dans bien des cas la discipline majeure parce que la seule à pouvoir dégager des schémas explicatifs – de réelles causalités, le quantitatif se bornant à constater des coïncidences. D’où un process : un quantitatif « léger » pour fixer des ordres de grandeurs, puis un qualitatif approfondi – et souvent pluridisciplinaire – pour dégager les fondements d’une prise de décision parfaitement étayée.
Le recueil par access panel sur Internet, en dissociant le recueil – les gestionnaires de bases – de l’analyse autorisent les instituts qualitatifs à se doter d’une expertise complémentaire qui auparavant leur échappait, et peuvent désormais légitiment s’imposer comme leaders de vastes projets qui auparavant leur échappaient.
La dernière ambition de ce livre sera de donner à ses lecteurs les moyens d’appréhender plus sûrement ces mutations.
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