Coup de gueule !
25/05/2006
Philippe Lentschener, Président de l'agence Saatchi and Saatchi, présentait l’autre jour devant un parterre d’une trentaine de publicitaires, son dernier livre : La Nouvelle Renaissance. Soyons sincère : je ne l’ai pas lu… et n’ai vraiment aucune envie de le lire, d’ailleurs !
Pour lui, notre pays compte une petit centaine de milliers d’intellectuels capables de le sauver de sa ruine actuelle : journalistes, artistes… et, bien sûr, publicitaires – vraiment, ça tombe bien – qui doivent donc se retrous-ser les manches pour donner l’impulsion salvatrice. Pour une Nouvelle Renaissance.
Son éditeur en parle vraiment bien : « Décréter un élan, encourager l’ambition, tendre vers l’utopie, revaloriser l’expertise, redonner aux "passeurs" leur juste place, trouver les "évangélistes", rechercher les belles choses, être fier de son histoire, accepter la complexité et enfin mettre l’homme au centre de toutes nos préoccupations qu’elles soient économiques ou politiques, sont autant d’étapes vers une Nouvelle Renaissance ».
C’est sympa, un peu élitiste quand même, mais si généreux… et complètement à côté de la plaque : il n’y a pas de modèle universel, et ce n’est pas parce qu’il y a que la Renaissance a succédé au Moyen-Âge qu’une Nouvelle Renaissance décrétée par une poignée d’intellectuels va changer la face de la planète. Notre civilisation doit autant aux hordes barbares qui ont envahi l’occident qu’aux intellectuels romains décadents qui en 1453 s’interrogeaient sur le sexe des anges quand les troupes du sultan otto-man Mehmet II assiégeaient Constantinople.
La révolution qu’il appelle de ses vœux est en marche : enfin, pas tout à fait la même. Ceux qui sont en train de changer la face de notre monde, ce sont les millions de jeunes qui téléchargent des mp3 à longueur de soi-rées et se racontent de blogs en blogs : évidemment, ils n’écrivent pas un français châtié, n’en déplaise à Lentschener, mais il est bien là, le langage de demain. Et d’ailleurs, Du Bellay et Ronsard n’ont-ils pas inventé une langue nouvelle, bien loin du parler populaire et du latin officiel ?
Comme je le soulignais dans une autre chronique, Le futur ne se crée pas, l’œil rivé dans le rétroviseur.
Bon, jusque-là, juste une divergence de point de vue nous oppose, le débat reste ouvert. Et puis, au détour d’une phrase, le voilà qui se lance dans une violente diatribe contre les agences médias, pas très courageuse cependant : il n’y avait pas d’agences médias dans la salle. J’ai abonné à mon blog quelques amis dont c’est le pain quotidien, le conseil médias : ils apprécieront.
Faut dire quand même que lorsque que Carat l’empêche de s’exprimer autrement qu’en 20 ou 30 secondes quand il souhaiterait des formats plus larges, ils exagèrent : ils n’ont vraiment rien compris à la publicité, ces empêcheurs de tourner en rond !
Ce ne sont pas les seuls castrateurs de publicitaires, il y a même pire : les instituts d’études de marché, les censeurs ultimes ! Parmi les centaines d’annonces publicitaires qui passent quotidiennement à la télévision, nous sommes incapables d’en citer plus d’une poignée : preuve que les post-tests ne servent à rien. Et en pré-test, le jugement suprême, c’est l’agrément.
Et n’allez pas le contredire : Philippe Lentschener SAIT que c’est toujours comme ça que ça se passe. Na ! Heureusement, tous les patrons d’agence ne sont pas aussi bornés en la matière !
Evidemment, il n’y avait pas d’instituts d’études dans la salle : s'il y en a quelques uns qui lisent ce blog, ils seront au courant. Ils l’ont bien mérité, les inconscients, à ne jurer que par l’agrément – en pré-test – et la mémorisation – en post-test.
J’invite Lentschener à relire les vieux papiers de Jean Michel Agostini – qui a longtemps œuvré au sein du groupe Publicis, il devrait les retrouver dans les archives de son groupe – sur les courbes de réponse publicitaires, ceux de Gordon Brown, sur l’influence de la publicité sur l’image de marque, pour ce citer qu’eux… et toute la littérature que les instituts ont publiée et présentée – et continuent – depuis un demi siècle.
Je ne lui lance pas l’anathème : perdu dans les lettres du 16ème siècle, il n’a pas eu le temps de lire les ouvrages récents publiés par l’Adetem, l’AFM, l’Irep, l’Esomar, etc.
Par contre, le lui lance un défi : un débat public avec quelques chercheurs, d’institut ou universitaires, sur le thème : Comment mesurer l’efficacité publicitaire ? Et il découvrira une variété extraordinaire d’approches, toujours en phase avec les recherches fondamentales les plus récentes.
Chiche ? Il lui suffit de cliquer sur l’adresse mail, en haut à gauche…
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