Comme un parfum de décroissance
07/03/2007
Danielle Rapoport, quant à elle, n’hésite pas à la fois à transgresser de ce tabou, et à s’adresser à des gens de marketing en leur conseillant de ne pas de succomber aux sirènes des stratégies marketing.
À la transgression du gaspillage qui porte en lui le principe d'inégalité devant les richesses, il faudra vraisemblablement opposer le principe d'économie à l'échelle individuelle et celui d'équilibrages des ressources à doses plus collectives.
La question de pallier les déficiences énergétiques programmées se pose aujourd'hui de manière urgente et pragmatique. Nous sommes confrontés à un principe de réalité qui annule (ou annulera dans les années qui viennent) la jouissance sans limite autorisée par nos sociétés de consommation.
Au tout accessible et au tout permis, il faudra peut-être se confronter à la régulation et aux interdits, au manque et aux alternances. Plus de fraises en hiver, sauf à opter pour le transgénique du fait des dépenses énergétiques allouées à leur transport. Moins de semaines touristiques à bas prix passées à l'autre bout du monde, il faudra payer cher ces petits plaisirs, voire s'en passer.
Plus du « tout tout de suite » de nos modes de consommation actuels en mal de satisfaction immédiate, permise par une offre « low cost » qui ne prend pas en compte le coût énergétique de la délocalisation. Il faudra sans doute payer le prix fort d'une fabrication relocalisée, et de nouveaux arbitrages verront le jour, dont les consommateurs ne risquent pas forcément de sortir gagnants.
À moins qu'ils ne perçoivent pour eux-mêmes ou leurs enfants les effets positifs d'un chômage en baisse par l'avènement de nouvelles formes de travail, et de ce fait un rééquilibrage entre le nombre de travailleurs et celui des consommateurs.
Et, pourquoi pas, une « réénergisation » des valeurs de l'humain, par la substitution aux richesses matérielles de richesses symboliques autrement porteuses de sens et de projet. Car il s'agira bien d'offrir du « projet » pour les nouveaux « bâtisseurs du temps » que nous pourrions devenir, poussés ou tendus vers des devenirs, même incertains, mais néanmoins des devenirs.
À la transgression du gaspillage qui porte en lui le principe d'inégalité devant les richesses, il faudra vraisemblablement opposer le principe d'économie à l'échelle individuelle et celui d'équilibrages des ressources à doses plus collectives. Rêvons un peu, et supposons que chacun de nous ait la conscience que porter attention aux dépenses énergétiques est un travail de fourmi qui nécessite une morale collective constitutive de nouveaux comportements individuels.
De quels arguments crédibles devra-t-on user pour faire entendre que nous, nantis, devrons nous astreindre à nous restreindre, tandis que de nouveaux arrivants sur la planète consommatoire auront besoin de dépenses énergétiques croissantes pour atteindre un seuil décent de bien-être et de confort ?
Là encore, une vision à la fois individuelle et planétaire sera nécessaire pour passer de « l'un » au « nous », qui inclut la conscience des autres, présents et à venir.
Nous sommes aujourd'hui à un tournant. En termes de choix d'énergies substitutives aux énergies fossiles, mais aussi en termes de posture de communication des institutions et des acteurs économiques, pour une politique d'information et de sensibilisation des citoyens, qui vise à donner « du plus » et du « mieux » dans un contexte de restriction et de pénurie.
Il ne s'agira pas de succomber aux sirènes des stratégies marketing qui vendent de l'éthique et de la participation comme valeur immatérielle ajoutée des entreprises en mal de différenciation.
Mais bien de convaincre dans un premier temps, et de rendre « désirable » la nouvelle donne énergétique, où principe de plaisir et de réalité ne s'opposeraient pas mais joueraient la carte d'arbitrages, par et pour chacun, en pleine conscience des enjeux énergétiques actuels et à venir dont peu prennent la mesure aujourd'hui.
* Libération, samedi 24 et dimanche 25 Février 2007.
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